Jean, un de nos journalistes, s’est rendu la semaine dernière sur l’île de Lesbos, pour constater l’invasion migratoire dans cette île de Grèce, submergée de migrants en raison de la pression exercée par la Turquie sur la Grèce et ses îles.
Il nous livre là son témoignage, de retour des frontières de l’Europe agressées par la Turquie qui envoie les migrants, sa nouvelle armée humaine, en première ligne face à l’Europe et aux Européens.
Lesbos, un symbole en Europe
Comme chaque dimanche, Dimitrios se rend au port de Mytilène, au pied de la statue d’un héros local exécuté par les Allemands. C’est l’heure de la descente du drapeau grec, monté chaque dimanche matin en haut du mât et redescendu le soir par les militaires en garnison sur l’île.
Lorsque arrivent les soldats, la foule applaudit chaleureusement. « Depuis les tensions avec la Turquie, la cérémonie connaît un regain d’affluence » nous explique Dimitrios qui a la trentaine et est un habitué des cérémonies. De toute part, des gens de tous les âges sont venus spontanément. « Nous ne sommes ni de droite ni de gauche, nous voulons juste sortir de cette situation. C’est intenable » avance une inconnue qui devine que nous sommes des Occidentaux. Il faut dire que Lesbos est un symbole en Europe.
L’île connaît depuis longtemps une immigration massive de clandestins venus des côtes turques. En 2016, le pape François avait choisi de se rendre sur place pour exhorter l’Europe à accueillir et intégrer les réfugiés du monde entier présents ici, en majorité afghans.
La population excédée s’est insurgée récemment contre le chantier d’un nouveau camp : attaqués de toutes parts, les policiers chargés de la protection du chantier ont dû battre en retraite. Dans la nuit de samedi à dimanche, un centre d’accueil a été incendié, il est presque intégralement ravagé par les flammes et est désormais inutilisable. Globalement, les journalistes et les ONG pro-migrants ne sont pas les bienvenus.
« La situation est intenable »
Il faut dire que les locaux, au début très hospitaliers, finissent par souffrir de la situation sans que personne ne semble s’en émouvoir dans le monde occidental. Après une crise économique inouïe subie de plein fouet par les habitants, l’amplification continuelle des flux migratoires leur rend la vie impossible. Il y a un mois, les clandestins sont venus manifester dans leur village, et des émeutes ont plusieurs fois émaillé la vie du camp de Moria. Récemment, la chapelle Saint-Georges a été la cible de dégradations, tandis qu’une autre a été tout bonnement squattée par certains réfugiés aussi peu soucieux du sacré que de l’hygiène.
Un restaurant s’est également vu occupé et fortement dégradé. Le tourisme est au point mort sur l’île, et les habitants de Mytilène et des villages alentours se demandent chaque jour ce qu’ils vont devenir. L’une d’elle, Litha, nous confie envisager de déménager : « Je ne veux pas que mes filles grandissent ici ». Tous se défendent d’un quelconque racisme, et l’extrême droite tant décriée comme responsable des tensions par une partie de la presse semble quasi inexistante localement.
Mais ce qui passe le moins, ce sont les vols commis dans des maisons et surtout dans les troupeaux. Une partie des réfugiés touchent un pécule chaque mois, et tous sont nourris par les ONG : dans ces conditions, retrouver leurs bêtes sur des étals dans le camp sonne pour les bergers comme une déclaration de guerre.
Même loin du camp, il y a quelques réfugiés dans les villages, et les gens sont inquiets et en colère. À Plomari, ravissante et autrefois touristique ville côtière située à une cinquantaine de kilomètres, Christos est désespéré. Insulaire de toujours, il fait de l’import-export pour l’île et se demande sincèrement ce qu’il va devenir. « La situation est intenable. » nous confie-t-il lui aussi. Cette phrase est sur toutes les bouches. Sur le port de Plomari, tous les restaurants sont fermés et espèrent ouvrir cet été. Ils servent bien quelques cafés, un sandwich à la rigueur, mais impossible d’y trouver une vraie cuisine.
Si la situation ne s’améliore pas avant l’été – comment le pourrait-elle ? –, il est probable que les événements récents ne soient pas grand chose en comparaison de ce qui pourrait arriver.
Avec quelques milliards de personnes en-dessous du seuil de pauvreté dans le monde et une natalité qui explose dans les pays pauvres, il est d’ailleurs fort probable que ces événements ne soient pas grand chose non plus en comparaison de ceux qui attendent tous les Européens.
Jean Palinakis
Crédit photo : breizh-info.com
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