L’extension de l’épidémie de coronavirus paraît inéluctable. L’administration de la santé s’y prépare activement et se veut rassurante. Elle détaille abondamment les moyens matériels qu’elle est prête à mobiliser (nombre de lits d’hôpital, places en réanimation, réquisition de masques, etc.). Mais l’inquiétude pourrait plutôt venir de la capacité des personnels hospitaliers à faire face au choc.
La chambre régionale des comptes s’est penchée ces dernières années sur la situation de plusieurs établissements hospitaliers bretons. Presque à chaque fois, elle a souligné le fort absentéisme qui y règne. Les bilans sociaux obligatoirement établis chaque année par les établissements permettent aussi de le constater.
Au centre hospitalier de Guingamp, par exemple, il avoisinait 10 % en 2017 chez les personnels médicaux. Au Centre hospitalier de Quimperlé, l’absentéisme pour maladie représentait en moyenne 23,38 jours par agent personnel non médical. Au Centre hospitalier de Douarnenez, il atteignait 25,5 jours par agent. Au Centre hospitalier de Paimpol, il progressait fortement chez les personnels médicaux. Au CHU de Rennes, même si la Chambre notait que « comparaison avec les autres CHU et les autres CH [était] favorable au CHU de Rennes, quel que soit le type de personnels et le motif d’absence », l’absentéisme représentait quand même cinq semaines de travail par agent en 2015. Au CHU de Nantes, le bilan social 2018 faisait ressortir en 2018 un taux d’absentéisme de 9,56 % pour le personnel soignant et de 8,44 % pour le personnel non médical.
Congés maladie et garde des enfants
L’absentéisme est classiquement imputé à l’épuisement du personnel hospitalier. Il est plus élevé chez les agents de plus de 55 ans que chez ceux de moins de 25 ans. Cependant, la catégorie la plus touchée est celle des 25-40 ans. Les congés de maternité ne suffisent pas à expliquer cet écart. Il est donc arrivé à la chambre régionale des comptes d’exprimer une certaine suspicion. Au CHU de Rennes, elle notait en 2016 que « le refus du temps partiel pourrait entraîner un surcroît d’absentéisme ». En 2014, elle suggérait au centre hospitalier de Saint-Brieuc de « procéder à un contrôle médical du bien-fondé de l’interruption du travail ». Sans grand effet, puisque la Chambre constatait un absentéisme toujours très élevé au CHSB quatre ans plus tard : en moyenne 13,84 jours par an chez le personnel médical et 34,07 pour le personnel non médical.
L’épidémie ne peut qu’accentuer la fatigue des personnels et risque donc d’accroître le taux d’absentéisme. Pourra-t-on le compenser par un recours à l’intérim et/ou à des CDD ? Le coronavirus risque plutôt d’avoir un effet dissuasif. Quant aux faux congés-maladie soupçonnés, ils est probable qu’ils servent souvent à garder des enfants malades. La fermeture de nombreux établissements scolaires en lien avec l’épidémie n’arrangera rien sur ce plan. Au contraire : les pouvoirs publics ont annoncé des facilités pour les parents concernés. Devront-ils en priver le personnel hospitalier ?
E.F.
Crédit photo : Hôpital Laënnec, Quimper, photo Kergourlay [cc] Wikimedia Commons
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