Italie, Koweït, Iran, Afghanistan, France… Au total, plus d’une trentaine de pays sont désormais touchés par l’épidémie de coronavirus, avec un bilan qui dépasse largement les 30 morts hors de Chine.
La Chine qui a annoncé mardi 71 décès supplémentaires dus au coronavirus, soit le chiffre quotidien le plus bas depuis plus de deux semaines. Ce bilan porte son total des morts à 2663.
Au delà de la propagation du virus, quelles sont les conséquences économiques, mais également sociétales, sur la vie en Chine ? Nous faisons le point à ce sujet avec Jean-Claude, notre correspondant à Shanghai, à 800 km de Wuhan, d’où tout est parti.
Coronavirus en Chine : Quel est l’impact sur la vie économique ?
Certains business qui ont été lancés fin 2019 ou début 2020 sont en grande difficulté. Un exemple me vient à l’esprit : le bar Célavi, un projet qui s’élevait à 100 millions de yuans et qui avait ouvert cet automne. Disposant d’une terrasse et d’une vue panoramique sur la skyline de Shanghai, il était en passe de devenir le rendez-vous de la jeunesse dorée shanghaienne mais il a dû se résigner à fermer définitivement à la fin de la semaine dernière. Etant donné le prix des loyers à Shanghai, une fermeture prolongée met en péril la viabilité de ce type de business. Même si ces établissements étaient autorisés à rouvrir courant mars, il faudrait attendre plusieurs semaines avant qu’ils ne retrouvent leur affluence d’avant la crise.
Il est légitime de s’inquiéter des répercussions de cette crise sanitaire sur le plan économique d’autant plus que les effets du ralentissement économique chinois commençaient à se faire sentir à la veille de la crise du coronavirus. Depuis 6 mois environ, au sein de la communauté d’expatriés impliquée dans l’économie chinoise, des rumeurs faisaient état d’une série de plans sociaux qui surviendraient au retour des congés du nouvel an chinois touchant durement le monde ouvrier. Certains avançaient le chiffre d’un million de chômeurs supplémentaires à l’échelle du pays.
On peut se demander si cette crise sanitaire servira de bouc émissaire.
Quoi qu’il en soit, le contraste entre le bouillonnement habituel d’une ville comme Shanghai et le calme actuel est saisissant.
L’activité des ports de Chine a diminué de 30% au mois de février et cela touche bien évidemment le port de Shanghai, plus grand port de conteneurs au monde. Cette crise affecte aussi le recrutement des équipages. De nombreux matelots sont en effet retenus à terre.
On parle souvent des effets économiques néfastes de cette crise. Cette crise a-t-elle d’autres effets plus inattendus ?
C’est un sujet qui revient assez fréquemment dans les conversations ici. Oui, elle aura certainement de nombreuses conséquences.
- Fabricants de masques et de thermomètres
Il est tout d’abord indéniable que cette crise enrichit les fabricants de masques et de thermomètres infrarouges. Petit bémol concernant les masques : des réquisitions ont été faites dans les stocks des usines et il n’est pas encore question de dédommagement. Un de mes amis qui pilote plusieurs usines automobiles dans le pays a ainsi regretté qu’à la suite de ces saisies, la production n’avait pas pu redémarrer entièrement car les ouvriers manipulant des produits chimiques dangereux n’avaient plus de masque.
- Home office et enseignement à distance
Cette crise sanitaire va probablement accélérer de façon spectaculaire l’utilisation de logiciels et solutions on line pour communiquer et travailler à distance de façon optimale.
Il faut également s’attendre à ce que l’enseignement à distance fasse de beaux progrès du fait de cette crise. On est en train de former de façon accélérée des dizaines de millions d’enfants et de professeurs à de nouveaux outils. S’ils ne l’avaient pas déjà fait, les établissements scolaires ont dû massivement s’équiper d’espaces numériques de travail. Des scenarios prospectifs décrivent depuis une décennie des classes dans lesquelles un petit groupe d’excellents professeurs feraient les leçons (via des solutions on line) et où le reste des enseignants seraient des répétiteurs qui diffuseraient ces programmes et accompagneraient les élèves lors des exercices. C’est la solution qui a été retenue par le gouvernement pour faire face à la fermeture des établissements.
- Livraison à domicile
La Chine est à la pointe dans le domaine de la livraison à domicile. On peut aujourd’hui tout se faire livrer, à très petit coût et à une vitesse remarquable. Les jeunes et les actifs sont de grands utilisateurs de ces services.
Avec la crise sanitaire et le cloisonnement à domicile, un nouveau public a été conquis : les seniors. Il y a fort à parier qu’ils conserveront l’habitude de se faire livrer une partie de leurs courses directement chez eux.
- Les mœurs
Un ami chinois m’a confié qu’il avait noté des changements dans les mœurs des Chinois. Malgré des progrès, Ils étaient jusqu’ici encore nombreux à cracher sur le sol et à se moucher à la parisienne. Ces pratiques sont aujourd’hui totalement proscrites. Réapparaîtront-elles après la fin de l’épidémie ?
Il en va de même pour l’interdiction de la consommation d’animaux sauvages et d’espèces protégées qui est entrée en application la semaine dernière. Cela pourrait avoir des répercussions importantes (et positives) à l’échelle mondiale.
- Un pic de naissance ?
Plusieurs plaisanteries circulent sur le fait que dans 9 mois, il y aura un pic de naissances en Chine causé par le cloisonnement et les vacances prolongées. Rendez-vous en novembre pour vérifier cela.
Comment s’effectue la rentrée après les vacances du nouvel an chinois?
- Les salariés
Beaucoup d’habitants de Shanghai étaient dans leur ville d’origine pendant les congés du nouvel an chinois. Les vacances officielles devaient se terminer le dimanche 2 février. Elles ont été prolongées jusqu’au 9 février.
Puisque le gouvernement a requis 14 jours de quarantaine pour chaque employé à compter de son retour à Shanghai, beaucoup de salariés ont, jusqu’à maintenant, travaillé de chez eux et utilisé des outils de travail à distance (de type skype) pour mener à bien leurs projets.
Ceux qui étaient rentrés avant le 9 février ont pu, à partir de la fin de leur quarantaine (14 jours) venir travailler dans les locaux de leur entreprise. La circulation automobile reprend ainsi peu à peu mais n’a pas atteint la moitié de ce qu’elle est en temps normal.
Certains expatriés ont choisi de revenir temporairement dans leur pays d’origine.
- Les écoliers et étudiants
C’est à l’échelle de la province (équivalent des régions) que les décisions de réouverture « physique » des établissements sont prises. Ces décisions affectent tous les établissements (établissements chinois et écoles internationales). Chaque réouverture sera précédée d’une visite d’inspection des autorités sanitaires.
Les écoles chinoises de Shanghai devaient reprendre le 24 février (il y a un mois de vacances scolaires pendant le nouvel an chinois.) La rentrée a été reportée au 2 mars, mais elle se fera à distance. Les établissements étant fermés jusqu’à nouvel ordre, ces cours en ligne ont été préparés au niveau national. Les élèves travailleront de leur domicile à partir de contenus écrits, audio et vidéo. Il existe également des solutions en ligne pour créer des classes interactives (similaires à celles proposées par l’entreprise Zoom)
Les élèves des écoles internationales (dont la plupart des élèves sont des enfants d’expatriés) ont repris depuis le début du mois de février par l’intermédiaire de cours en ligne assez comparables à ceux développés par le système scolaire chinois.
Le secteur de la restauration et des loisirs est très durement touché puisque la quasi totalité des établissements ont été fermés administrativement. Leurs employés sont donc au chômage technique et sont le plus souvent restés dans leur ville d’origine.
Il en va de même pour ceux qui travaillent dans les services à la personne. L’accès de nombreuses résidences est réservé aux résidents. Cette règle est en train de s’assouplir cependant.
Jean-Claude
Illustration : DR + Breizh Info
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