Une nouvelle maison d’édition indépendante vient de voir le jour : les éditions Jeanne, lancées par Vincent Lapierre et son équipe du Média pour tous.
Premier livre édité, 100% fabriqué en France, la biographie d’Hugo Chavez signée Vincent Lapierre. Un livre qui, au delà d’un contenu passionnant et instructif, a été réalisé dans un soucis d’esthétisme louable.
Pour acheter le livre et découvrir les productions de cette nouvelle maison d’édition, c’est ici
Pour évoquer cette maison d’édition, nous avons interrogé Vincent Lapierre.
Breizh-info.com : Tout d’abord, un point de route sur le Média pour tous. Avez-vous quelques chiffres à nous donner ? Il semblerait que l’équipe s’étoffe, et que les thématiques abordées aussi non ?
Vincent Lapierre : Oui, le Média pour Tous se développe. Le site a vu son audience augmenter fortement et son interface s’améliorer chaque jour grâce aux développeurs qui travaillent avec nous. Nous invitons d’ailleurs ceux qui nous suivent à se réhabituer (comme dans les années 2000 !) à consulter les sites qui les intéressent sans passer par les réseaux sociaux qui peuvent à tout moment fermer le robinet à information alternative. Face à la censure qui s’accélère, la seule solution, comme sur bien d’autres sujets, c’est de supprimer les intermédiaires et de ne plus compter sur les GAFAS pour trier l’information !
Cependant, et c’est le paradoxe de notre situation, sur ces réseaux et malgré le « shadow banning » que nous subissons, nous sommes de plus en plus suivis : près de 200.000 abonnés sur Facebook, 143.000 sur YouTube (pour rappel notre chaîne avait été censurée par « ER » il y a un an de cela, nous obligeant à repartir de zéro) et ces chiffres sont en croissance. Ce soutien est capital pour nous. Mais le plus fondamental est que ceux qui apprécient notre travail prennent l’habitude de nous retrouver sur notre site (inscrivez-vous à la newsletter !) et surtout convertissent leur soutien moral en soutien concret via le financement participatif, afin que notre projet de média indépendant puisse vivre et croître. Nous tenons actuellement une bonne cadence de reportages et nous publions sur notre site plusieurs articles d’actualité par jour grâce à notre petite équipe de rédacteurs, ce qui nous permet d’être réactif sur l’actualité et d’avoir une présence plus régulière sur nos réseaux.
Mais on ne va pas se mentir, l’argent est le nerf de la guerre.
Ceux qui nous abreuvent de leur propagande H24 se gavent de subventions qu’ils touchent par centaines de millions d’euros (en plus des revenus publicitaires dont les budgets sont alloués par leur amis) et nous, nous ne pouvons compter que sur les Français, ceux-là mêmes qui lisent cet article (oui, vous !) et qui peuvent choisir d’aider un média qui vient du peuple, qui veut défendre ses intérêts, plutôt qu’un média de l’oligarchie qui travaille pour les ultra-riches et leur courtisans. Même si nous avons un côté avenant dans nos reportages – Pierre, Thibault ou moi – nous avons bien conscience que nous menons une véritable guerre de l’information, celle du peuple contre ses « élites » qui jusqu’à encore récemment détenait le monopole de la production d’information. Nous sommes en train de leur prendre le micro des mains et ils l’ont bien compris, Macron le premier. Face à leur réaction et la toute puissance de leurs moyens de coercition – le bâillon numérique via des algorithmes totalement obscurs, les agressions des antifas, les arrestations passées et à prévoir – seule l’union du peuple, en ce domaine comme dans tous les autres, lui permettra de se sauver lui-même. C’est une des leçons que j’ai comprises sur le terrain au cours des dernières années : le peuple français ne pourra compter que sur lui-même, personne ne viendra nous sauver. C’est la raison d’être du Média pour Tous.
Breizh-info.com : Vous lancez les éditions Jeanne. Pourquoi ce nom ? Pour quel motif du coup, alors que le monde de l’édition souffre, la lecture ayant de moins en moins la côte, chez les plus jeunes notamment ?
Vincent Lapierre : Jeanne, en plus d’être le nom de ma fille (en hommage – entre autre – à mon oncle et à mon frère) est pour moi synonyme de courage.
Et c’est ce que je souhaite que les Éditions Jeanne incarnent : tout d’abord le courage pour les Français de lire et de combattre la domination des écrans, qui est je pense l’une des causes accélératrices de notre chute en tant que civilisation. Il faudrait que nous lisions tous, et je m’inclus volontiers dans cette recommandation, au moins une heure par jour. La lecture, je le crois profondément, fait partie des gestes du quotidien qui nous sauveront : compréhension du monde, recul sur ce dernier, structuration de l’esprit (mon père me disait : « La lecture meublera ton esprit, Vincent »), acquisition des mots et des concepts pour discerner nos intérêts et défendre la tête haute et avec pertinence nos idées, etc.
Les bienfaits de la lecture sont incalculables ! Tout cela, sachant que le mot et l’idée fonctionnent ensemble : qui n’a pas le mot n’a pas l’idée. C’est pour cela que l’un des premiers actes d’insoumission est la lecture : ils veulent que nous ayons la tête vide, c’est à dire pleine d’Hanouna, pour que nous ne puissions concevoir l’idée même de la liberté.
À nous d’en prendre pleinement conscience et de franchir cet obstacle. Je sais, pour avoir grandi avec l’émergence d’Internet et des écrans, à quel point ce combat est une lutte de tous les instants, mais c’est le premier d’entre tous et le plus fondamental. Le reste viendra comme une pelote de laine. Victor Hugo disait, dans un poème magnifique, « À qui la faute ?« , dont chaque vers est un rayon de lumière et où il s’adresse allégoriquement à un homme qui vient de brûler une bibliothèque :
« Les buts rêvés par toi sont par le livre atteints.
Le livre en ta pensée entre, il défait en elle
Les liens que l’erreur à la vérité mêle,
Car toute conscience est un nœud gordien.
Il est ton médecin, ton guide, ton gardien.
Ta haine, il la guérit ; ta démence, il te l’ôte.
Voilà ce que tu perds, hélas, et par ta faute !
Le livre est ta richesse à toi ! c’est le savoir,
Le droit, la vérité, la vertu, le devoir,
Le progrès, la raison dissipant tout délire.
Et tu détruis cela, toi !«
Les Éditions Jeanne veulent contribuer à reconstruire ce que notre société d’hyperconsommation a détruit, et que par négligence nous avons, pour beaucoup d’entre nous, abandonné : l’amour de la lecture, du livre et des idées couchées sur papier. Prenons chacun le temps de lire et de réfléchir posément, je pense que c’est le meilleur conseil que l’on puisse donner en ces temps du tweet nerveux et de l’échange ultra-rapide.
La frénésie ne peut nous mener qu’à la défaite de la raison sur l’hystérie et, à terme, conduire à notre perte.
Alors bien sûr c’est une tâche titanesque, mais il n’est de bataille perdue d’avance que celle que l’on ne mène pas. Oui, le secteur du livre est exsangue pour les raisons que je viens de citer, et économiquement parlant ce n’est pas le marché qu’il faudrait investir aujourd’hui, mais je crois que ce combat est tellement fondamental qu’il faut le mener quand même. Et le mener avec droiture. Nos livres sont fabriqués entièrement en France, ce qui nous coûte plus cher mais nous refusons d’entrer dans la logique que justement nous condamnons : faire produire ailleurs, en Bulgarie par exemple, pour gagner davantage, puis ensuite prétendre que l’on se bat pour la France et les Français. Assez de ces mensonges ! La cohérence est au cœur de notre projet. J’y suis d’autant plus sensible que mon père et ses frères étaient imprimeurs et que j’ai vu de mes yeux, étant enfant, cette industrie s’effondrer sous les coups de boutoir de la concurrence déloyale imposée par l’Union Européenne.
Bien sûr, l’arrivée du haut débit dans les années 2000 a achevé cette industrie, mais les politiques ne lui avaient préalablement laissé aucune chance, détruisant méthodiquement ce secteur-clé par des choix funestes dont on mesure aujourd’hui les conséquences. Je l’ai constaté moi-même, vingt ans plus tard, lors d’un reportage sur la fermeture d’Arjo Wiggins, un fleuron de l’industrie française, leader mondial dans la fabrication de papier recyclé; Le résultat ? 800 personnes sur le carreau, un village en voie de désertification, et un pan entier de notre économie ravagé. Éditer des livres fabriqués en France est donc pour moi un acte de résistance à plusieurs niveaux… les acheter aussi, et les lire encore plus !
Breizh-info.com : Parlez-nous de votre livre sur Chavez, qui sera donc votre premier livre. On ne se rend parfois pas compte de l’immensité du travail accompli à son sujet par vos soins.
Vincent Lapierre : Hugo Chavez est pour moi une figure historique qu’il faut prendre le temps d’étudier et dont il faut parler autour de soi. Cet homme vient des classes pauvres du peuple vénézuélien, il est parvenu au pouvoir dans son pays contre toute attente, et a tenté d’œuvrer pour arracher son peuple à sa condition de pauvreté et de servitude. Il a dû affronter pour cela les plus grandes puissances de la planète : les puissances financières, médiatiques et politiques, qui ont fondu sur lui comme une nuée de vampires. Pourquoi ? Car Chavez a nationalisé la plus grande réserve de pétrole au monde qui se trouve sous les pieds des Vénézuéliens et qui auparavant enrichissait une poignée de milliardaires plutôt que de servir au développement de leur pays. Voilà son crime.
J’ai étudié sa vie en écrivant une thèse de doctorat en économie, puis une biographie (édité aux Éditions Jeanne) et par la traduction d’une centaine de ses discours (que nous avons joints à la biographie) car les forces qui ont combattues Hugo Chavez sont selon moi les mêmes qui tiennent la France dans la situation catastrophique dans laquelle elle se trouve aujourd’hui. Il faut analyser comment Hugo Chavez a affronté ces forces, ce qu’il a eu à subir, comprendre là où il a triomphé mais également là où il a échoué, pour mieux appréhender notre propre situation et le chemin que nous pourrions suivre nous-mêmes. Et puis Chavez est l’archétype de l’homme intègre au pouvoir, sans double discours, sans lâcheté, qui a arpenté la vie avec droiture et courage. Je crois qu’il est essentiel de mettre en avant ce type de personnalité plutôt que celles que la télévision nous vend à longueur d’émissions. Chavez disait souvent en parlant à son peuple : « Je me consumerai pour vous ». Vous remarquerez que c’est l’exact opposé de nos politiques qui sacrifient leur peuple pour leur carrière personnelle.
Il faut lire Chavez dans le texte et comprendre sa vie, voilà pourquoi c’est le premier livre que nous éditons. Et puis j’en suis l’auteur, ce qui a orienté notre choix, je ne vous le cache pas.
Breizh-info.com : Quid du Bricmont qui sortira en mars ?
Vincent Lapierre : Le deuxième livre qui sortira en mars aux Éditions Jeanne (et déjà disponible en prévente) est une réédition augmentée de « La République des censeurs » de Jean Bricmont, que l’auteur a d’ailleurs choisi de ré-intituler pour l’occasion : « Les censeurs contre la République ». Il s’agit d’un ouvrage traitant d’un sujet brûlant malheureusement toujours d’actualité (et qui l’est chaque jour un peu plus) : les attaques répétées contre la liberté d’expression en France. Le délit d’opinion a en effet été sournoisement réintroduit dans notre pays au prétexte de lois dites « mémorielles » ou prétendant lutter contre la « haine », termes vagues qui ont conduit en fait à une chasse aux sorcières d’un genre nouveau, visant à faire taire des individus pour leurs opinions jugées « offensantes ». Jean Bricmont dénonce, exemples à l’appui, cette censure protéiforme et démontre sa contre-productivité.
Ce livre est un plaidoyer pour la liberté d’expression, à une époque où il devient de plus en plus difficile de la défendre sans risquer les attaques de tel ou tel groupe constitué. Le soupçon de « fascisme » n’est jamais très loin, même lorsque l’on se bat pour la liberté d’expression et contre la censure ! Une aberration totale qui ne gêne pas les parangons du Bien. Jean Bricmont démontre, au fond, que la liberté d’expression est mère de toutes les libertés. Sans elle, la démocratie n’est qu’une illusion, la République une coquille vide.
C’est un livre fondamental que nous avons jugé important de rééditer.
Vous évoquez d’autres rééditions ou sorties littéraires à venir ? Avez-vous déjà des pistes? Etes-vous ouvert à de nouveaux auteurs ? Comment concrètement pensez-vous rentrer dans vos frais ?
Vincent Lapierre : Nous avons des pistes mais nous allons pour le moment rester discrets sur celles-ci. Je peux simplement vous dire que nous n’allons pas nous contenter d’éditer des livres politiques : nous irons également explorer le domaine de la littérature car je pense que les romans éclairent tout autant, sinon plus, sur la nature humaine que les livres directement politiques. Nous sommes bien sûr ouverts à l’édition d’auteurs contemporains qui n’ont pas encore trouvé d’éditeurs. En clair, nous ne nous imposons aucune barrière.
Breizh-info.com : Quel regard portez-vous sur l’actualité sociale récente en France, que vous avez largement couverte ?
Vincent Lapierre : Je porte sur elle un regard optimiste.
Bien sûr, le pouvoir, aux ordres de Bruxelles, poursuit inexorablement sa politique de destruction de la France, dans tous ses aspects, mais il y a eu un 17 novembre 2018 qui a rebattu les cartes, qui a démontré que la France est encore là, son esprit d’insoumission encore bien vivant. N’oublions pas que les Gilets Jaunes, sans aucune consigne de syndicats ou de politiques, en dehors du cadre paralysant gauche-droite, se sont spontanément soulevés – c’est le mot, remémorons-nous de l’acte III et IV – et ont fait vaciller le pouvoir.
Souvenons-nous que Macron était prêt à fuir l’Élysée en hélicoptère, que les chroniqueurs de BFMTV affichaient une mine déconfite (leur visage est un excellent baromètre de la situation en France), que les médias étaient obligés de manipuler grossièrement l’opinion pour sauver la mise (ce qui a d’ailleurs contribué à propulser les reportages alternatifs) : souvenons-nous bien que le pouvoir a douté.
Le triomphe des Gilets Jaunes, c’est celui-ci : avoir fait sauter un verrou psychologique. Un mouvement de révolte n’est pas impossible au XXIème siècle. Était-ce un baroud d’honneur avant la soumission définitive ? Je ne le crois pas. Bien sûr, depuis les actes III et IV, le pouvoir a gagné en expérience, et après plus d’un an de répression féroce il a réussi à mettre un couvercle sur la colère qui gronde, mais la température continue de monter ! Bien entendu, les organisations politiques classiques dites « de gauche » ont phagocyté la révolte, récupéré le combat et le stériliseront probablement à court-moyen terme. Certains pensent qu’elles ont opportunément pris le relai des Gilets Jaunes et redonné du souffle à leurs aspirations. Je ne le crois pas. Faut-il rappeler que toutes ces organisations, syndicales ou politiques, sont encore toutes massivement pro-européennes ? Arrêtons-nous un instant sur ce point : elles combattent des réformes mais valident la structure politique qui les impose ! Mieux : la plupart de ces partis ou syndicats s’opposent violemment, au nom de « l’antifascisme », à ceux qui veulent sortir de l’Union Européenne ! Nous sommes au sommet de l’aberration et de l’inanité politique.
Disons-le clairement, l’Union Européenne a été savamment fabriquée pour produire les réformes qu’elle produit : non, ce n’est pas le fruit du hasard et non, rien ne la fera changer car elle n’a pas été faite pour changer. Elle est et restera au service des puissances d’argent, des multinationales, des ultra-riches et non des peuples.
À l’opposé de ce système politique traditionnel en pleine décrépitude et de plus en plus rejeté, les Gilets Jaunes m’ont redonné espoir car ils ont mis un coup de pieds dans la fourmilière en posant les vraies questions et dans le bon ordre : pouvoir d’achat ? -> démocratie -> souveraineté -> Frexit. Il a fallu 10 ans pour que le Caracazo aboutisse à l’élection de Chavez au Venezuela. Dans combien de temps la graine qu’ont plantée les Gilets Jaunes dans l’esprit des Français arrivera t-elle à germination ? Je l’ignore, mais au Média pour Tous nous allons travailler à ce que la floraison se produise un jour prochain.
À l’hiver succède toujours le printemps.
Propos recueillis par YV
Crédit photo : DR
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