La compétition pour les prochaines législatives en Iran s’intensifie alors que le régime théocratique se débat sur la scène nationale et internationale sans aucune chance de se remettre de ses crises. D’une part, Khamenei tente de catapulter la faction rivale aussi loin que possible de la scène politique iranienne grâce au Conseil des gardiens pour ouvrir la voie à son cercle intérieur. Khamenei n’a guère d’autre choix que de consolider son pouvoir pour survivre. Le Conseil des gardiens, à sa botte, a tout simplement rejeté la candidature de 90 membres de l’actuel Majlis (Parlement des mollahs) pour le prochain scrutin.
Parallèlement, les proches d’Hassan Rohani ont publié dans certains médias officiels que « si le Conseil des gardiens ne fait pas appel (…) il n’y a aucune raison de se présenter dans une bataille perdue d’avance » (Setarey-e Sobh, 19 janvier). Cependant, il est clair que la faction de Rohani ne tolère pas son éjection du sommet du régime. Par conséquent, elle parle ouvertement d’organiser des élections et va jusqu’à dire que Khamenei a l’intention de nommer Ghalibaf au perchoir. Le pasdaran Ghalibaf a été maire de Téhéran et l’un des candidats malheureux de la présidentielle de 2017. La faction de Rohani n’a pas pris de gants pour dénoncer les cas de fraude et de corruption de Ghalibaf à la mairie Téhéran. Ces affaires ne concernent pas seulement Ghalibaf, mais aussi sa femme et d’autres proches.
Par ailleurs, le boycott du scrutin, interprété comme un « mouvement avec les phares éteints », effraie Khamenei qui craint un nouveau soulèvement semblable à celui de 2009.
Fort du puissant Conseil des gardiens, dont les membres sont sélectionnés et nommés directement par Khamenei, chargé de qualifier tous les candidats à chaque scrutin, les élections en Iran ressemblent à une cérémonie de partage du pouvoir plutôt qu’à un mécanisme de démocratie comme on peut l’observer en Occident. Le conflit entre le cercle proche de Khamenei et la faction de Rohani porte sur le partage et la répartition du gâteau. La gouvernance médiévale de la dictature religieuse, qui considère officiellement que le vote du Guide Suprême est supérieur à celui du peuple, n’a donc aucun rapport avec un mécanisme électoral du monde contemporain.
Néanmoins, les élections et les luttes au sommet du pouvoir ont toujours créé des lacunes dans le régime et préparé le terrain au soulèvement de la population. On pourrait dire que les révoltes de 2009 et de 2018 en Iran, directement et indirectement, ont eu lieu dans les brèches ouvertes par la lutte pour le pouvoir et ses crises internes. A présent, les législatives de mars s’annoncent alors que le régime est encore plus fragmenté et affecté par des crises qu’en 2009 et en 2018.
L’économie s’effondre, les exportations de pétrole ont chuté à zéro et les sanctions ont empêché l’Iran de continuer à financer ses milices dans la région. Khamenei a toujours affirmé que si ses forces ne se battaient pas en Syrie, elles devraient se battre dans les rues d’Iran. Cependant, le régime iranien est en passe de perdre sa « profondeur stratégique » et se fait chasser des pays voisins et surtout de l’Irak.
Avec l’élimination de la faction rivale, Khamenei tente d’éviter une négociation avec l’Occident en raison de ses répercussions, et parce qu’il la considère comme un suicide politique. D’autre part il reconnait que l’élimination et la disqualification de la faction rivale conduiront probablement à un nouveau soulèvement. Et si une autre révolte éclate, le régime n’y survivra probablement pas.
Hamid Enayat
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