APRÈS PLUS DE QUATRE ANS DE GOUVERNEMENTS DE DROIT ET JUSTICE (PIS) EN POLOGNE (RECONDUITS PAR LES ÉLECTIONS LÉGISLATIVES DU 13 OCTOBRE 2019), CE N’EST UN SECRET POUR PERSONNE QUE LES GRANDS MÉDIAS FRANCOPHONES SONT PLUTÔT CRITIQUES VIS-À-VIS DES RÉFORMES MENÉES PAR LE PARTI DE JAROSŁAW KACZYŃSKI, NOTAMMENT EN CE QUI CONCERNE L’INSTITUTION JUDICIAIRE. SI L’ON EN DOUTAIT ENCORE, IL SUFFIT POUR S’EN CONVAINCRE D’OBSERVER COMMENT SONT COUVERTES LES DIFFÉRENTES MANIFESTATIONS QUI SE DÉROULENT EN POLOGNE.
MANIFESTATIONS PRO PIS PASSÉES SOUS SILENCE
Alors que jusqu’ici ne manifestaient que les citoyens polonais hostiles aux réformes du PiS, et que les partisans de ces réformes se contentaient pour leur part de glisser leur bulletin de vote dans l’urne le jour venu, une importante manifestation en faveur des réformes de la justice réalisées par le PiS, avait lieu le 8 février 2020 à Varsovie, devant le bâtiment du Tribunal constitutionnel. On peut en voir ici les images retransmises par la télévision publique TVP (pro-gouvernementale) et par la télévision TVN (hostile au PiS). Parmi les organisateurs de cette manifestation, l’ancien dissident Adam Borowski expliquait aux personnes présentes : « Pourquoi n’étions-nous pas dans la rue ? Pourquoi ne voit-on dans la rue que ceux qui sont contre cette réforme ? Nous leur avons donné [au PiS] aux élections un mandat pour mener à bien la réforme du système judiciaire ». Avec entre dix et vingt mille personnes, cette manifestation était plus importante que la plupart des manifestations anti-PiS de ces dernières années, qui n’ont plus jamais atteint la taille de celle du 7 mai 2016 (environ quarante-cinq mille manifestants) pour laquelle le nombre de manifestants avait été si grossièrement gonflé par l’AFP ainsi que par les médias français affiliés à cette agence de presse qui ne porte pas dans son cœur les gouvernements conservateurs du PiS.
SILENCE OU UN EURONEWS PARTISAN
Et pourtant, c’est silence radio quasi total dans les médias français à propos de cette dernière manifestation du 8 février. Une recherche avec les mots « manifestation » et « Varsovie » sur le service Google Actualités pour la semaine écoulée ne permet de tomber que sur une très courte brève du site de la télévision Euronews, qui plus est intitulée « Pologne : manifestation en faveur de la réforme de la justice critiquée par Bruxelles ». Le même Adam Borowski y est d’ailleurs présenté uniquement comme « éditeur » et « partisan du pouvoir conservateur », sa qualité d’ancien opposant au régime communiste et membre du Syndicat Solidarité dès 1980 étant passée sous silence. Pire encore, pour Euronews, « la manifestation intervient quatre jours après que le président Andrzej Duda ait promulgué la loi qui permet au pouvoir législatif de sanctionner ou renvoyer des juges dont les actions sont considérées comme nuisibles. ». Pour être plus précis, la loi en question aggrave les sanctions disciplinaires, qui doivent toutefois être prononcées par d’autres juges et en dernier recours par la Chambre disciplinaire près la Cour suprême, à l’encontre des juges qui contestent la légitimité d’autres juges (ce que certains font en ce moment pour protester contre les réformes du PiS) ou affichent leur militantisme politique dans les médias (ce que la constitution polonaise interdit normalement aux juges). Ceci, Euronews ne le précise toutefois pas, préférant résumer ces deux cas de figures en quatre mots : « actions considérées comme nuisibles » (sous-entendu par le pouvoir exécutif, bien entendu).
MANIFESTATION CONTRE LE PIS ? L’AFP REPREND
Pour trouver des articles en français sur les manifestations se déroulant en Pologne à propos des réformes du système judiciaire conduites par le PiS, il faut donc remonter plus loin dans le temps dans le service Google Actualités. C’est ainsi que la manifestation orchestrée le 11 janvier2020 par plusieurs centaines de juges polonais a rencontré un large écho. « Plusieurs centaines de juges polonais portant leur robe noire, rejoints par des juges d’autres pays européens, ont défilé samedi à Varsovie pour protester contre un projet de loi qui permettrait de sanctionner les magistrats opposés aux réformes judiciaires du parti Droit et Justice (PiS) au pouvoir », écrivait ainsi Le Point le 11 janvier dernier, une fois de plus sur la base d’une dépêche de l’AFP. « Pologne : manifestation à Varsovie contre la loi qui sanctionne les juges », titrait le même jour le journal La Croix. « Pologne. Une manifestation à Varsovie contre la loi qui sanctionne les juges », pouvait-on lire dans Ouest-France. « Varsovie: une marche des « 1000 toges » contre « la loi muselière » », résonnait le titre de la radio-télévision belge RTBF, en écho au quotidien belge en langue française La Libre Belgique et son titre « La « marche des mille toges » à Varsovie: l’état de droit se bat pour sa survie ». Cette « marche des mille toges » avait la particularité de se dérouler autour de quelques centaines de juges soutenus par des confrères d’autres pays de l’Union européenne.
Quand, début décembre 2019, « à Varsovie, deux mille personnes sont venues les soutenir devant le ministère de la Justice » (dixit RFI dans l’article « Pologne: manifestation de soutien aux juges, victimes des pressions du pouvoir » publié le 2 décembre), les médias francophones avaient aussi parlé de cette très modeste manifestation. C’était la même chose quand, à la mi-décembre, « des milliers de Polonais ont manifesté mercredi soir dans une centaine de villes contre un projet de loi destiné à sanctionner les juges contestant les réformes judiciaires controversées en cours » (dixit Le Figaro dans l’article « Pologne: manifestations contre un projet de loi visant les juges critiques des réformes judiciaires » publié le 18 décembre sur la base toujours d’un communiqué de l’AFP).
Pourquoi donc dans ces conditions ne pas avoir évoqué aussi la manifestation du 8 février 2020 en faveur des réformes de la justice et des lois votées par le PiS ? Parce que l’AFP n’a pas voulu en parler ? La plupart des grands journaux ont des correspondants sur place et ne dépendent pas que de l’AFP, mais leurs correspondants dans l’ensemble sont favorables à l’opposition libérale libertaire. CQFD.