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Du séparatisme breton au « séparatisme islamiste »

Autrefois, le séparatisme était breton, alsacien, basque, voire antillais… À présent, il est islamiste, dit Emmanuel Macron. Voilà bien un « grand remplacement ».

Et à plus d’un titre. Il y aura 115 ans le 9 décembre, à l’initiative du député breton Aristide Briand, la France adoptait une « loi de séparation des Églises et de l’État ». Non sans drames. Et avec même une séparation à l’intérieur de la séparation puisque la loi n’était pas applicable à l’Alsace-Lorraine. Puis, le principe était passé dans les mœurs : la séparation était bonne. Et voici que tout à coup, le séparatisme ne l’est plus !

Emmanuel Macron n’a pas employé à la légère l’expression « séparatisme islamiste ». « Avant de commencer je veux juste revenir sur les mots », a-t-il déclaré au début de son discours de Mulhouse, mardi. Il a réfléchi à son vocabulaire. Pourquoi, alors, avoir choisi cette locution ?

Elle figurait déjà dans le titre d’un « Appel des 100 intellectuels contre le ‘séparatisme islamiste’ » publié par Le Figaro en mars 2018. À l’époque porte-parole du gouvernement, Benjamin Griveaux avait condamné cette déclaration « stigmatisante ». En moins de deux ans, les positions ont donc été bousculées. Il est vrai que l’opinion de Griveaux est très dévaluée aujourd’hui.

Dans la bouche du président de la République, cependant, l’adoption de la locution « séparatisme islamiste » vise d’abord à banaliser le mot « communautarisme », car, affirme-t-il : « Nous pouvons avoir dans la république française des communautés. […] On peut être attaché à une religion, on peut avoir des origines, étrangères, auxquelles on tient et qui relèvent d’une culture, d’un imaginaire, de choses qui sont importantes tout en étant pleinement française et français et dans la nation. Le problème que nous avons c’est quand au nom d’une religion et d’une appartenance on veut se séparer de la république et donc ne plus en respecter les lois. »

Un écho de l’Algérie française

Selon le président de la République française, donc, le problème, c’est la séparation de la république et non la séparation de la France. Se considérer comme étranger n’empêche pas d’être français pourvu qu’on soit républicain. « Le peuple français » (les trois premiers mots de la Constitution) est oublié au profit d’un concept juridique. Emmanuel Macron, qui veut « revenir sur les mots », y a forcément réfléchi.

Il est même parfaitement explicite : « notre ennemi est le séparatisme, c’est-à-dire ce phénomène que nous observons depuis des décennies, qui est une volonté de quitter la république, de ne plus en respecter les règles, un mouvement de repli qui en raison de croyances et d’appartenance vise à sortir du champ républicain ». Le séparatisme macronien consiste donc à vouloir quitter la république, pas à quitter la France.

À ce jour, pourtant, la définition du mot « séparatisme » a toujours contenu une notion géographique. Le séparatisme est la « volonté attribuée à un groupe humain, géographiquement localisé […] de se détacher de l’État dont il fait partie pour constituer une entité politique autonome » indique le CNRTL. Le but des séparatistes bretons a toujours été de créer un État breton distinct de la France.

Et l’on note que le président de la République utilise le mot « ennemi ». Ce terme n’est évidemment pas neutre dans la bouche du chef des armées. Les séparatistes islamiques sont des ennemis de l’intérieur. Il était bien temps de s’en apercevoir. Un livre paru en 2002 évoquait déjà les « territoires perdus de la République ». La notion territoriale demeure donc, sur le terrain. L’Appel des 100 intellectuels évoquait un « apartheid ».

Soucieux du vocabulaire, Emmanuel Macron en est forcément conscient : implicitement, il vient de déclarer une guerre. Même si, comme ses lointains prédécesseurs à propos de l’Algérie française, il parlera sans doute de « maintien de l’ordre ».

E.F.

Crédit photo : http://en.kremlin.ru/catalog/persons/518/events/61336/photos/60443
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