Après la pantalonnade de l’affaire Griveaux, beaucoup déplorent les mœurs actuelles en y voyant une décadence irrémédiable propre à notre époque. Or autrefois les scandales étaient aussi nombreux et aussi croustillants que de nos jours, la constante des « élites » dans « la dépravation » étant remarquable.
Une des affaires les plus spectaculaires s’est produite en février 1899. le Président Félix Faure est alors mort d’apoplexie à l’Élysée peut-être lors d’une fellation effectuée par sa maîtresse Marguerite Steinheil. Néanmoins quelques historiens avancent que se sentant mal M. Faure aurait rejoint son bureau et serait décédé, entouré de sa famille et de son médecin. Selon certains journaux de l’époque, le chef de l’état aurait absorbé une dose trop importante de cantharide officinale, un insecte qui réduit en poudre peut provoquer une irritation de l’urètre et une érection réflexe. (Le viagra d’autrefois) Néanmoins ce produit, loin d’être anodin a des effets secondaires importants. Madame Steinheil, exfiltrée en catastrophe par le chef de cabinet, ne fut bien entendu pas poursuivie pour cette mort, mais le scandale fut énorme. En outre, les obsèques du Président Faure furent marquées par le seul coup d’état effectué sous la troisième république. Paul Déroulède, personnage complexe, nationaliste pro Dreyfusard, voulut profiter de l’atmosphère délétère pour s’emparer de l’Élysée : il saisit la bride du général Roget pour le diriger avec ses troupes vers le Palais présidentiel. Évidemment, le militaire malgré ses convictions personnelles refusa de suivre Déroulède, conscient qu’un coup de force échouerait nécessairement.
Madame Steinheil continua à défrayer la chronique : en mai 1908, son mari fut découvert, étranglé, dans son cabinet de toilette, sa femme étant bâillonnée et attachée sur son lit. La mère de cette dernière en visite chez sa fille décéda également pendant cette nuit tragique d’une crise cardiaque. Mme Steinheil prétendit qu’elle et son époux avaient été attaqués par deux hommes et une femme rousse tous les trois habillés de noirs : ils cherchaient paraît-il des documents appartenant au Président Faure. Mme Steinheil fut vite soupçonnée d’avoir tué elle-même son mari et d’avoir maquillé son meurtre, mais elle ne fut inculpée et écrouée que plusieurs mois après : ayant faussement accusé le domestique qui avait découvert le crime, elle avait été démasquée. Elle avoua même le crime devant les policiers avant de se rétracter. Emprisonnée pendant 300 jours elle fut finalement acquittée par un jury populaire, bien que le Président du tribunal nota que ses explications n’étaient qu’un tissu de mensonges. L’opposition antidreyfusarde pendant tout le procès affirma que Mme Steinheil avait empoisonné le Président Faure pour le compte d’un évanescent « syndicat juif ». M. Faure en effet refusait la révision du procès de Dreyfus alors que son successeur Émile Loubet avait mis un terme à l’affaire en graciant le capitaine.
Un autre exemple des mœurs de la « belle époque » nous est donnée par la cruelle mésaventure vécue par Mary Plummer la femme de Georges Clémenceau, alors ministre de l’intérieur : séparée en 1876 de son mari qui multipliait les conquêtes féminines, elle commit « l’erreur » de prendre pour amant le jeune tuteur de leurs enfants. Surprise en flagrant délit d’«adultère » (après 16 ans de séparation de corps !) par la police de son époux, elle fut emprisonnée 15 jours, fut divorcée d’office lors d’un procès express organisé pendant sa période de détention et perdit la garde de ses enfants. Étant de nationalité américaine, elle fut en outre expulsée de France sur ordre de son ancien mari, avec un billet de troisième classe (le moins cher !). Elle put revenir plus tard en France après les déboires de Georges Clémenceau alors accusé de corruption lors du scandale de Panama. Cependant Mary Plummer ne put jamais rétablir entièrement ses liens avec ses enfants et mourut seule en 1922.
Au Moyen Âge, deux des belles filles du roi Philippe le Bel, furent accusées d’avoir commis l’adultère avec deux frères (elles étaient probablement « coupables »). L’épouse du dernier fils fut emprisonnée dans un couvent car, informée des incartades de ses belles-sœurs elle ne les avait pas dénoncées ; quand son mari accéda au trône, il lui pardonna et elle put récupérer son rang. Quant aux deux amants ils furent dépecés vivants.
Nous pourrions fouiller à toutes les époques sous Louis XIV, Louis XVI, Napoléon, la présidence du Général de Gaulle, nous tomberons toujours sur des scandales où sexe et politique se mêlent intimement. Il en sera de même dans cinquante, cent ou mille ans. L’être humain est capable du pire comme du meilleur et ne changera jamais !
Christian de Moliner
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