Les films français réussis sont suffisamment rares pour que l’on ne signale pas la sortie de cette Fille au bracelet, faux film de tribunal et véritable enquête sur le monde impénétrable des désirs et émotions plurielles de l’adolescence. Lise (18 ans, 16 ans au moment des faits) est accusée d’avoir sauvagement assassiné sa meilleure amie Flora à coup de couteau et encourt quinze années d’incarcération. Son procès, qui constitue la quasi totalité du film, s’évertue à retracer avec la rigueur la plus exemplaire l’établissement des faits, à confronter les témoignages contradictoires pour dessiner en creux la psychologie d’une jeune fille dont se révèle graduellement la part secrète.
La grande force du film réside dans son approche dépassionnée des enjeux, loin de l’hystérie lacrymale inhérente au genre. Le cinéaste opère à partir de plans souvent fixes, qui font du moindre déplacement de caméra un événement dramaturgique. Il privilégie les silences, qui eux aussi accordent aux paroles qui le strient (interrogatoires, plaidoirie, réquisitoire) une valeur essentielle. Loin de toute caricature, le récit montre comment s’élabore la grammaire d’un procès, où, sous la posture théâtralisée du procureur, du président, des experts ou de l’avocat se configure une liturgie de la vérité. Peu à peu affleure le portrait d’une adolescente, loin, si loin de l’image que le père et la mère avaient pu fixer. Affranchissement, sexualité, turpitudes : la jeune Lise du box, de moins en moins mutique au fur et à mesure des jours, semble par ses mots, ceux des autres et les images projetées une étrangère dont les parents aimants n’ont pas vu la métamorphose.
Sobre, pudique et profond, préférant la litote à l’hyperbole, Stéphane Demoustier révèle pour ce deuxième film une remarquable maîtrise de son art.
Sévérac
La fille au bracelet, un film de Stéphane Demoustier, avec Melissa Guers, Roschdy Zem, Chiara Mastrianni, Anaïs Demoustier. En salle actuellement.
Illustration : DR
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