La grève contre la réforme des retraites n’aura rien changé à la détermination du gouvernement d’imposer une réforme très impopulaire. Mais dans les transports en commun, elle a plombé les principaux opérateurs – 600 millions d’euros de perte pour la SNCF, le petit commerce et nombre d’entreprises. Elle a aussi sapé la confiance des français dans le transport en commun, mais la SNCF fait bien peu pour tenter de rattraper le coup, alors que leurs concurrents routiers (covoiturage, autocars, taxis) ont fait le plein.
« Est-ce que ça arrange finalement la SNCF que les trains soient à moitié vides et que les français préfèrent la route, quitte à polluer plus ? » ; c’est la question que se pose Michel, un de nos lecteurs à Paris. Grand Voyageur puisqu’il « prend souvent le train pour le boulot et par conscience écologique – sans compter qu’on va de centre à centre et qu’on perd moins de temps et d’argent dans les transferts qu’en avion », il se dit « estomaqué » par les propositions de la SNCF à ses clients fidèles.
En effet, les propositions faites à la SNCF aux clients fidèles – principalement Grands Voyageurs, ont de quoi déconcerter. « Ils nous proposent, du fait de la grève, des réductions sur des prestations qu’on peut acheter avec nos points Monnaie ». Sortes de points fidélité de la SNCF, ces points monnaie sont cumulés en fonction de l’argent dépensé pour acheter les billets : « comme je voyage souvent en première classe car ce n’est pas beaucoup plus cher que la seconde, et parfois même moins – étrangeté française aussi dingue à concevoir qu’à essayer – j’en cumule pas mal ». Sur un trajet Paris – Nantes à 39 € en première classe [cela existe, et même plus souvent qu’on le croit], vous en avez donc 156.
« Bien que nous avons mis en œuvre tous les moyens pour atténuer les conséquences de la grève, celle-ci a pu avoir un impact sur vos déplacements », se flagelle la SNCF. Si la seconde partie est vraie, la première, moins : bien des circulations assurées par la route, surtout celles des trains des quotidiens, ont été organisées par les régions – et donc payées avec l’argent du contribuable, floué et cocu puisque les régions paient déjà la SNCF pour assurer le service des trains locaux (TER). Et d’ailleurs en Occitanie, la région s’excuse pour le désordre de décembre-janvier et offre deux mois d’abonnement (un mois remboursé, un mois offert) pour les clients fidèles, abonnés au mois ou à l’année.
« Pour vous remercier de notre patience et conserver votre confiance » la SNCF décide de « réserver une attention particulière » aux abonnés fidèles sur les grandes lignes que sont les Grands Voyageurs : « un code de réduction 5 € au bar TGV inoui » pour 500 points au lieu de 1000, et « un code de réduction de 10€ valable sur un billet en France » pour 1500 points au lieu de 2000.
C’est ce que notre abonné remonté appelle du « foutage de gueule total. 5€ au bar TGV, ce n’est même pas le prix d’un café et d’une viennoiserie. On ne parle même pas du prix des tickets de métro vendus 2.50 l’unité [prix grand public : 1.90], qui est bien le symbole du peu d’attention que la SNCF apporte à ses passagers. Nous sommes des portefeuilles ambulants, à vider, voilà tout ».
Quant au code de réduction, il ne trouve pas plus de grâce aux yeux d’Alix, une autre cliente fidèle, et pour cause : « j’accumule les déplacements de travail entre Nantes et Paris, dans les deux sens, et souvent en première classe pour pouvoir travailler tranquille, et avoir un minimum de confort – qu’on devrait avoir en seconde, d’ailleurs. Et je peux vous dire que la grève a bien perturbé mon travail ». Or, « dix euros, ce n’est même pas le prix d’un billet Nantes-Angers en TGV [il arrive cependant qu’il y ait des billets de première classe pour 9.5 €, contre 12€ en TER, NDLR], et surtout, 1500 points, cela représente 375 € dépensés en première classe au tarif carte de réduction. Pas 10 € ». A croire que dans le palmarès des cartes de fidélité, celles de la SNCF rapportent le moins aux clients en France. De même, les 500 points monnaie contre le code de réduction au bar TGV, c’est l’équivalent de 125 € dépensés en première classe.
« Bref, la SNCF n’en a rien à faire de ses clients, la preuve en chiffres », explique Alix. « Ils feraient mieux de faire des réductions substantielles sur les cartes de fidélité – comme ça une fois que les clients les auront acheté, ils s’en serviront. Ou sur les billets vers l’étranger et le sud de la France, souvent à prix prohibitif, surtout quand on compare avec les autres pays de l’Europe de l’ouest et la qualité de service offerte par les réseaux voisins de la France. Il paraît que le nouveau PDG de la SNCF est un cheminot ? Qu’il aille prendre le train dans les pays voisins pour voir combien la SNCF est en-dessous de tout et qu’il y a beaucoup de boulot à faire pour l’améliorer. Là on pourra à nouveau parler de confiance, et d’excuses ».
Louis Moulin
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