Ayant des comptes à régler, Ségolène Royal tire à boulets rouges sur Emmanuel Macron. Viendra-t-elle à Nantes et à Rennes soutenir Mmes Rolland et Appéré pendant la campagne des municipales ?
L’ingratitude de Macron
Macron a osé virer Ségolène Royal, l’ancienne madone du PS ! Il est vrai que l’ambassadrice des pôles arctique et antarctique mélangeait les genres : d’un côté elle était censée travailler pour le gouvernement, de l’autre elle critiquait le président de la République. Pourtant elle avait voté Macron à la présidentielle et LREM aux européennes. Mais elle attendait un renvoi d’ascenseur qui n’est pas venu : elle se voyait ministre, puis commissaire européen. Macron est un ingrat…
Un ami de l’ancienne ministre explique le pourquoi et le comment de l’entrée en guerre de Mme Royal : « Ségolène est d’autant plus déchaînée contre la réforme des retraites qu’elle a un compte personnel à régler avec Macron. » Et le même de poursuivre : « Au printemps, Ségolène qui rêvait de se voir bombarder à Bruxelles dans la nouvelle gouvernance européenne, a multiplié les contacts avec Macron, mais il l’a traitée par-dessus la jambe. Et elle s’est sentie humiliée. » (Le Canard enchaîné, 31 décembre 2019).
D’où une attaque en règle conte l’Élysée : Macron est responsable de la « brutalité de cette réforme des retraites », assisté par un « gouvernement (…) arc-bouté pour des raisons d’ego sur ses annonces », « borné », etc. (France Info, 18 décembre 2019). Puis l’annonce de sa candidature à l’élection présidentielle de 2022 : « Le face-à-face Macron-Le Pen est un gros problème (…). Si je suis la mieux placée, je serai prête. » (BFMTV, jeudi 16 janvier 2020). Très modestement, elle estime que « le moment est venu » (Libération, vendredi 24 janvier 2020). « Libre », elle se défoule : « Macron et sa bande de gros machos pensaient que j’allais rester dans mon coin et me taire. Ils croyaient que la gauche était morte et que j’étais finie. Mais je suis très déterminée. » (Le Monde, jeudi 23 janvier 2020).
Un laboratoire d’idées
Illico presto, Mme Royal s’est dotée d’un outil : un laboratoire d’idées dénommé « Désir de France, avenir de la planète » qui doit rapidement se transformer en micro-parti. Dans quelques mois on saura si l’affaire a décollé. Car une association digne de ce nom doit avoir pignon sur rue avec locaux, personnel et moyens divers. Ce qui signifie ressources significatives… Est-ce que les grands patrons qui financent habituellement la vie politique ont l’intention de fournir à Mme Royal le carburant nécessaire ? Croient-ils à son aventure ? À la présidentielle de 2007, elle pouvait compter, en particulier, sur le milliardaire Pierre Bergé. À coup sûr, les cerveaux du CAC 40 préféreront donner un coup de main à Emmanuel Macron, un des leurs. Mais, si les sondages devaient donner des ailes à Mme Royal, ils s’empresseraient de considérer la candidature de cette dernière avec « sympathie ».
En attendant, la prétendante au poste suprême va regretter la belle époque où elle dépendait du Quai d’Orsay. L’État lui fournissait en effet une équipe et une enveloppe de frais de 100 000 euros par an ? Ce qui est un beau cadeau pour une ambassadrice qui avait pour réputation de travailler peu et de vivre confortablement avec une retraite de magistrate de la cour administrative d’appel, de présidente du conseil régional de Poitou-Charentes, de conseillère des Deux-Sèvres et de député du même département. C’était la belle vie !
Mme Royal, ambassadrice d’elle-même ?
Certes, Ségolène Royal n’appartient plus au PS puisque cela fait plusieurs années qu’elle ne paie plus sa cotisation. Mais cela ne l’empêche pas d’aller en province soutenir des candidats socialistes (ou ex) aux élections municipales (Toulouse, Marseille) ; il est question de cinq ou six autres villes. La verra-t-on débarquer à Nantes ou à Rennes ? Nathalie Appéré et Johanna Rolland ont-elles besoin de ses services ? Toutes les deux ont donné suffisamment de gages à l’électorat bobo, tendance féministe et écologiste, pour se dispenser de l’intervention d’une ancienne vedette de la politique dont les amis sont rares et les ennemis nombreux. Avec un ego immense, Mme Royal est d’abord l’ambassadrice d’elle-même ! Que peut-elle apporter en termes d’image et de voix à Mmes Appéré et Rolland ? Réponse : pas grand-chose, hormis « une puissance médiatique et une envie de revanche sur le monde entier » (Libération, vendredi 24 janvier 2020). Sans oublier « ce toupet qui a fait sa marque » (Le Monde, jeudi 23 janvier 2020).
Bernard Morvan
Crédit photo : Guillaume Paumier/Wikimedia (cc)
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