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Cyrille Diabaté : « Le MMA avant toute chose est un outil social d’éducation de la jeunesse » [Interview]

La ministre des Sports Roxana Maracineanu a enclenché le processus d’officialisation de la pratique professionnelle des Arts martiaux Mixtes (MMA) en France à partir de janvier 2020. La confirmation d’un engouement mondial exponentiel depuis les années 2000 pour une discipline qui touche 1,2 milliard de foyers dans les 158 pays où les compétitions sont diffusées en 21 langues différentes (rapport de la Mission parlementaire sur la pratique des « Arts martiaux Mixtes », couramment appelés MMA, datant d’avril 2016).

De grands champions français s’imposent déjà dans la principale ligue de MMA au niveau international, l’UFC (Ultimate Fighting Championship), et beaucoup d’autres en provenance des différents arts martiaux et sports de combat (judo, boxe, kick-boxing, lutte entre autres) annoncent déjà leur intérêt à les rejoindre, d’autant plus que médiatiquement, ce sport commence à percer, à être de plus en plus couvert (on pense à la chaine MMA TV qui a été lancée en 2019 et qui rencontre du succès).

Parmi ces grands champions, il en est un qui fait partie des précurseurs de la discipline en France. Cyrille Diabaté, surnommé « The Snake » (son nom de combattant) a 46 ans. Il a commencé sa carrière professionnelle en tant que combattant de Muay thaï. Il a été champion du monde de karate shidokan, de boxe thaï, de Sanda et de MMA

Il mesure 1,97 m pour 93-96 kg. Il a été classé premier de sa catégorie en karaté shidokan, Shootboxing, Muay Thaï, et kick-boxing.

Puis il s’est tourné vers le MMA dans les années 90. Il combat professionnellement en MMA depuis 1999 (30 combats jusqu’en 2014, pour un bilan de 19 victoires, 10 défaites et un nul), ce qui en fait l’un des premiers combattants français de cette discipline, combattant qui a dû s’expatrier dans le monde entier en raison de l’interdiction de ce sport en France.

Il a pris sa retraite sportive depuis, mais ne s’est pas éloigné des octogones, puisqu’il est le fondateur de la Snake Team, une équipe française de MMA basée en Seine–Saint-Denis où il entraîne des combattants comme Xavier Foupa-Pokam ou Gregory Babene.

Alors que les combats de MMA viennent d’être légalisés en France en cette année 2020, nous avons pu interroger Cyrille Diabaté, et recueillir son sentiment sur cette avancée pour le MMA en France, et plus globalement, sur sa vision de ce sport, qui fait un nombre croissant d’adeptes, partout en France.

Breizh-info.com : Tout d’abord, le MMA, qu’est-ce que c’est ?

Cyrille Diabaté : Le MMA est une synthèse entre arts martiaux et sports de combat, entre les techniques qui marchent en compétition, qui sont les plus efficaces. Il y a de la boxe thaï, de la lutte et du jujitsu brésilien au sol. On mélange ces trois arts, avec des règles qui permettent à chaque style de s’exprimer, et ça donne le MMA. Les combattants sont très complets, pas que spécialistes dans un domaine.

Breizh-info.com : Pourquoi était-il interdit jusqu’ici en France ? Qu’est-ce qui change depuis le 1er janvier 2020 ?

Cyrille Diabaté : Cela a été interdit à cause d’un lobby anti-MMA. Certaines fédérations l’ont vu d’un mauvais œil, comme concurrent potentiel. Au fur et à mesure, avec l’avènement de ce phénomène mondial, les arguments des détracteurs tenaient de moins en moins la route. C’est en toute logique qu’il soit arrivé, et légalisé en France désormais.

Breizh-info.com : Pourquoi a-t-il été placé sous l’égide de la Fédération française de boxe, et pas celle de lutte ?

Cyrille Diabaté : Bonne question. Il y avait deux fédérations que tous les passionnés de MMA voyaient remporter le MMA. La lutte et la FFKMDA (fédération de kick-boxing et de boxe thaï) qui toutes deux apportaient une forme proche du MMA (sans les coups au sol). Il suffisait de rajouter les coups au sol pour avoir du MMA (actuellement c’était du Pancrace).

Personne n’a compris pourquoi le MMA est finalement revenu à une fédération qui ne connaît pas la discipline, qui a même critiqué celle-ci pendant très longtemps, et qui aujourd’hui a obtenu celle-ci. Cela a été un choc et une grande surprise pour tout le monde.

Maintenant à elle de faire ses preuves et de montrer qu’elle sait de quoi elle parle, qu’elle est capable d’organiser le MMA en France et de fournir un encadrement compétent.

Breizh-info.com : Sur la discipline en elle-même, le MMA a ses détracteurs. Notamment ceux qui s’étonnent de la promotion d’un sport où l’on peut frapper un homme par terre, contre tout esprit chevaleresque. Que répondez-vous en tant que partisan du MMA, passé par d’autres disciplines plus classiques ?

Cyrille Diabaté : Je viens de la boxe pieds-poings, du combat debout. Cela vient d’une méconnaissance du sujet. Les sports de combat occidentaux, pour la plupart, sont des styles où le combat se passe debout. Traditionnellement, en Occident, les combats se passaient debout et c’est comme ça qu’on voyait les combattants évoluer.

Aujourd’hui, avec les influences des arts martiaux de partout dans le monde, on sait très bien que le combat ne se passe pas que debout. Un homme au sol, ceinture noire de jujitsu brésilien, même si vous êtes au-dessus de lui, peut très bien s’en sortir et il a même plus de chance de s’en sortir que vous si vous n’y connaissez rien au combat au sol.

C’est juste une question de tradition, une question culturelle en France où on a eu l’habitude des sports qui n’acceptaient pas le combat au sol.

Breizh-info.com : N’êtes vous pas un peu frustré de voir le MMA légalisé uniquement maintenant en France, votre carrière étant derrière vous ?

Cyrille Diabaté : Je suis frustré bien évidemment. J’aurais aimé avoir une carrière en France, j’ai dû m’expatrier et combattre partout dans le monde (une bonne expérience). J’aurais aimé avoir la reconnaissance des Français. Maintenant, en tant que coach, avec mon école de MMA (la Snake Team, en banlieue parisienne), c’est à moi d’amener ce qui m’a manqué, de l’apporter à mes élèves et qu’eux puissent jouir d’une reconnaissance sur le sol français.

La joie l’emporte sur la frustration.

Breizh-info.com : On dit souvent que les arts martiaux apportent beaucoup aux enfants, en termes de discipline, de connaissance de soi, de comportement. Que ça leur apprend la vie. Le MMA peut-il aussi leur apporter cela, dans une société où la violence gratuite explose notamment ? Est-ce que le MMA peut avoir une utilité sociale ?

Cyrille Diabaté : Le sport professionnel, l’UFC, les ligues professionnelles (Belador..), pour moi c’est secondaire. Pour moi, le plus important, c’est effectivement le merveilleux outil social qu’est le MMA. Les arts martiaux apprennent tout un tas de valeurs. Dans notre société, pour vous reprendre, énormément de valeurs se perdent, des qualités humaines se perdent. Le MMA est une façon de réapprendre ces valeurs, ces qualités aux gens, à la jeunesse. Le MMA avant toute chose est un outil social. C’est une école de la vie, c’est ce que j’essaie d’enseigner dans ma petite salle de banlieue parisienne, à Épinay-sur-Seine, dans le 93. J’ai un public qui vient de banlieue, banlieue dure, où une jeunesse connaît la frustration, des tas de choses négatives.

Je vois les jeunes s’épanouir à la salle au quotidien, s’émanciper, se débarrasser de tout un tas de choses qui les frustrent. Pour moi c’est ça le MMA. L’école de vie, la possibilité d’éduquer la jeunesse.

Breizh-info.com : Qui sont pour vous les espoirs prometteurs du MMA, en France ? Dans le monde ?

Cyrille Diabaté : En tant que coach, à chaque fois que j’ai répondu à cette question en donnant des noms, il s’avère que ces gens ont baissé les bras, car on est dans un contexte difficile en France. Arrivé à 22 ans, quand on a le choix entre devenir combattant professionnel, s’entraîner deux fois par jour, faire des sacrifices et en même temps, payer les factures… on a un contexte particulier.

J’ai vu des jeunes arriver à la salle, se faire un petit nom, et vu la difficulté du contexte, baisser les bras.

Plutôt que de citer des espoirs, des futures stars, je préfère envoyer un message à tous ces jeunes qui espèrent devenir des stars de demain : accrochez-vous, et réjouissez-vous du nouveau contexte, du nouvel espoir en France. Serrez les dents, même si c’est dur (et ça va l’être).

Mais il va y avoir un nouveau contexte, y compris financier, avec de nouveaux médias, qui vont faire la promotion de ces jeunes (je pense à MMA TV qui va faciliter la vie aux compétiteurs, leur permettre d’avoir des sponsors…). C’est important de médiatiser ce sport. C’est un nouveau contexte, donc un nouvel espoir.

Propos recueillis par YV

Crédit photo : DR (photo d’illustration)
[cc] Breizh-info.com, 2020, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine – V

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