Pour la société française et l’État français – les années 2015-2019 furent terribles et le traumatisme subi, profond et durable : 88 attaques islamistes ou tentatives ; dont 18 attentats sanglants, par plus de 160 individus fanatisés ; 263 morts dont 217 le 13 novembre 2015 à Paris et à Nice, le 14 juillet 2016. Plus d’homicides terroristes que tous ceux commis depuis la libération de la France, en 1944. Récemment encore – le djihadisme, toujours – les fonctionnaires poignardés à mort dans la préfecture de police de Paris (octobre 2019, 4 morts) et le colonel Arnaud Beltrame égorgé, avec deux autres otages à Trèbes, Aube (3 morts, mars 2018).
Or ce danger perdure : alors que s’écrit cet article, sept proto-terroristes sont arrêtés dans le Finisterre « suspects de préparer une action violente » ; à Épinal, c’est un (derechef) classique hybride salafiste-criminel et son atelier de bombes artisanales. Tous ces suspects sont maghrébins (sauf un syro-palestinien…) ; tous, « radicalisés » et/ou « fichés S ».
Partant de là, quel est le niveau de la menace ? Le gouvernement et sa domesticité médiatique braquent-ils à juste titre le projecteur sur les terroristes, plus ou moins inféodés à l’État islamique, rentrant de la zone irako-syrienne ou voulant le faire ?
On comprend que le renseignement intérieur insiste là-dessus, traumatisé qu’il est par sa durable incapacité à pré-voir le nouveau danger, émanant depuis Mohamed Merah en 2012, de voyous psychopathes vaguement ré-islamisés, non plus de grands seigneurs salafistes à la Oussama ben Laden, tous éliminés ou traqués dans de lointains Himalayas.
En réalité, disent en privé les meilleurs experts officiels, le vrai péril n’est pas là. Il tient, ce péril islamiste réel, en un échec conceptuel, plus une incapacité matérielle.
ÉCHEC CONCEPTUEL : revendication, certes, de l’entité « État islamique » – mais qui a organisé les pires attentats, Paris et Bruxelles, 2015-2016 ? Pour le procureur de Paris, (réquisitoire, 484 pages) » projet mûrement construit… attentat bien planifié, exécuté par une équipe entraînée et déterminée… préparatifs quasi-militaires… modes opératoires sophistiqués… processus complexe de passage à l’acte… coopération avec un donneur d’ordre… concertation ». Une structure solide, capable de planification durable, avec réseau de soutien, groupe d’action, commandite extérieure – loin d’une fratrie confuse, agissant sur coup de tête pour « venger le prophète », comme vite énoncé à l’origine.
Avec prescience, Le Monde observe le 11 novembre 2017 : » Loin des récentes et rudimentaires attaques au couteau ou à la voiture-bélier, ces attentats sont le fruit d’une réelle « ingénierie » djihadiste. Le résultat d’un plan type « poupées russes », savamment pensé en amont [nous soulignons] : un grand nombre de kamikazes, « coordinateurs » à distance, une demi-dizaine de planques et soutien de petites mains plus ou moins radicalisées. » Bref : les attentats de Paris et de Bruxelles semblent bien complexes pour avoir germé dans le seul esprit d’abrutis à la Abdeslam & co.
INCAPACITÉ MATÉRIELLE : d’évidence, les noyaux islamistes sont conçus dans les nids douillets, voire les couveuses des quartiers hors-contrôle où – gémissent platoniquement des politiciens depuis 50 ans – « La République a disparu ». En janvier 2020 encore, révèle un rapport attribué au Renseignement intérieur, 150 quartiers (compte minimaliste) seraient « sous l’emprise de l’islamisme », banlieues ou petites villes. Ici, les preuves abondent : Radouane Lakdim, assassin du colonel Beltrame, opérait depuis un coupe-gorge de Carcassonne ; Amedy Coulibaly (Hyper Cacher) était issu de la Grande-Borne, cité où ensuite, des policiers furent sévèrement brûlés au cocktail-Molotov en octobre 2016.
Au Nouvel-an, on a vu que nombre des incendiaires-émeutiers venaient de tels coupe-gorge, zones chaotiques relevant de la « Politique de la Ville », volet préventif de toute stratégie sécuritaire. Mais depuis son élection – trente-trois mois – M. Macron ne fait rien à ce sujet ; son « Conseil présidentiel des villes » agonise loin de lui, parmi des démissions en nombre. Ainsi :
– Savoir à coup sûr qui vraiment « influence », voire manipule l’État islamique,
– Pouvoir faire du renseignement dans des quartiers sous contrôle de bandits et de salafistes, souvent issus des mêmes clans, des mêmes cages d’escalier, etc.
Tels sont les problèmes réels de l’antiterrorisme au début de l’an 2020.
Pas sûr que l’actuel gouvernement puisse le comprendre, ni agir en conséquence.
Xavier Raufer
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