Pour savoir comment faire pour éviter de se battre, il y a une première chose relativement simple à ne pas faire : aller sur Youtube en cliquant au hasard sur des videos mal faites ou publicitaires ou bien sur des sites généralistes qui traitent de ce genre de sujet en vous invitant à suivre des conseils à la fois impératifs et totalement approximatifs.
Réussir à apprendre « comment éviter de se battre » avec des conseils biaisés, inapplicables, qui n’ont d’autres fonctions que de générer du trafic et des revenus publicitaires tient alors du miracle ou de la coincidence.
Pour réussir, il faut plutôt déjà se former aux fondamentaux de la gestion de conflits, de l’assertivité qui est la capacité à s’exprimer et à défendre ses droits sans empiéter sur ceux des autres , ou encore de « l’aïkido, du ju-jitsu ou du judo verbal (1) » qui vous apprend à réduire l’agressivité chez un adversaire , lors de stage, de formation ou dans des ouvrages spécialisés.
Ces méthodes simples, qualitatives et éprouvées, s’avéreront beaucoup plus en adéquation avec la réalité.
Conventionnellement, pour définir les modalités de compréhension de l’être humain, les scientifiques ont fait référence à des caractéristiques telles que la rationalité, le langage, la culture, le libre-arbitre, la créativité ou même les structures politiques pour distinguer les humains des autres êtres vivants.
Ces tentatives de séparer les humains du règne animal par leurs caractéristiques propres ont toutes échoué. Les émotions comme déterminant du comportement ont été également largement ignorées au motif que les humains les partagent avec de nombreux autres animaux alors qu’elles sont essentielles dans la constitution de l’être humain.
L’Homme est un animal émotionnel qui s’ignore. De surcroît, dans ce genre de domaine et malgré un accès à une formation de qualité, cela reste difficile de mettre en application ce savoir.
Pour une raison simple : la confrontation à la réalité.
Rien ne remplace l’expérience et l’entraînement de terrain car c’est la seule manière d’apprendre à identifier et gérer ses émotions.
De manière courante, surtout chez les hommes, les mythes guerriers sur les bagarres de rue persistent dans l’inconscient collectif sous la forme d’initiation à la virilité. Les combats et les confrontations rendraient plus forts et il ne faudrait donc pas les éviter car ils seraient en quelque sorte une leçon de vie .
Bien sûr cela rend indubitablement plus expérimenté, mais pas forcément plus fort. S’effacer d’une confrontation est encore synonyme de honte et de lâcheté. En fait, à la seconde où le combat commence, l’instinct de survie prendra de toute façon le dessus et cela n’aura strictement plus rien à voir avec du courage ou du respect.
« Face à ces violences physiques, les 3/4 des victimes indiquent avoir pris la fuite et autant (74 %) avoir appelé au secours.Une majorité (59 %) a le sentiment de ne rien pouvoir faire et restent pétrifiées. Près de la moitié des victimes indiquent avoir tenté de discuter et dissuader les auteurs (48 %)vet 39 % se sont défendues et débattues. » (2).
Il faut donc plus de force, d’entraînement et d’intelligence pour éviter de se battre plutôt que de s’engager.
A ce stade l’efficacité de ces deux solutions n’a pas été prise en compte du fait de la différence d’objectifs.
La gestion de ses émotions
Pour éviter de se battre la première règle, aussi simple qu’elle puisse paraître, serait donc de ne pas avoir à réfléchir avant d’agir. Le laps de temps disponible dans la phase de pré-agression peut être très court.
Mais être capable de garder toute sa lucidité, son acuité et son discernement en toutes circonstances, reste aussi un sport de combat à part entière.
La nature humaine est ainsi faite que si l’on ne les canalise pas, les émotions dominent la raison.
Éviter la tentation de laisser la colère nous submerger et garder cette émotion sous contrôle nécessite de l’entraînement dans tout système de défense. Dans le cadre d’une profession liée à la sécurité , il est plus aisé de réaliser ce genre de performance, que dans un quotidien. C’est le recul provoqué par la professionnalisation qui permet cette distanciation.
L’objectif est de contrôler cette colère certainement pas de l’annihiler. D’une part cela serait totalement utopique de pouvoir penser ravaler toute cette colère d’autre part si le combat démarre, cette colère va s’avérer essentielle.
Les composantes de la communication en gestion des conflits
Dans le cadre de gestion des conflits, il n’est pas indispensable de maîtriser une somme colossale de connaissances en communication. Les composantes citées ci-dessous en forment l’architecture.
Au vu de la rapidité des événements et des réponses à apporter Il ne faut pas perdre de vue que la communication se fait à deux d’autre part il n’est pas rare que lors d’une altercation, il y aura souvent des belligérants extérieurs qui vont se mêler à cette communication.
L’objectif sera donc simplement d’exprimer des émotions ou bien de susciter de la part de l’autre une action ou un comportement spécifique afin d’apaiser une situation conflictuelle :
– l’émetteur : c’est celui/celle qui envoie le message ;
– le récepteur : c’est celui/celle qui reçoit le message ;
– le message : c’est l’information transmise ;
– le référent : c’est le sujet du message, ce dont on parle ;
– le code : le message est codé par l’émetteur et décodé par le récepteur. Il faut connaître le code pour comprendre le message. Différence culturelle, âge…
– le « bruit » : c’est tout ce qui perturbe la communication (communication entre plusieurs individus) ;
– le feed-back : c’est la possibilité pour le récepteur de répondre à l’émetteur. L’absence de feed-back peut entraîner la fin de la communication ou l’envenimer ;
– le contexte : c’est l’environnement dans lequel a lieu la communication.
À ne jamais faire et pourtant, tout le monde le fait.
Si le message qu’un émetteur veut transmettre à un destinataire est gênant pour un tiers, ce dernier dispose de trois moyens pour rendre ce message inaudible :
– agir sur l’émetteur pour l’empêcher de parler (couper la parole) ;
– agir sur le destinataire pour l’empêcher d’entendre ;
– agir sur le mode de communication pour l’empêcher de véhiculer le message.
Ce brouillage du mode de communication peut agir à la fois :
– sur l’émetteur en lui faisant perdre d’abord le fil de son discours puis la maîtrise de ses propos et enfin sa patience et ses moyens ;
– vers le destinataire en lui ôtant et l’intérêt pour le message et l’envie de continuer d’y prêter attention.
Être capable d’entendre et d’écouter les émotions
Tout conflit est caractérisé par la position émotionnelle de chaque individu. Dans le sens où cette position engendre des tensions chez chacun des protagonistes, jusqu’au point de déclencher de l’agressivité et de provoquer des actions de part et d’autres.
Selon le conflit, chacun est intimement convaincu d’être dans sa légitimité en fonction des critères et des valeurs qui lui sont propres. Le fait d’être dans l’emprise de ses émotions empêche chaque protagoniste de prendre en compte les positions de l’autre. Le conflit enferme donc fortement chaque individu dans son raisonnement. Pendant que l’interlocuteur s’exprime, il est important que ces émotions soient entendues et reconnues et de ne pas rester sourd. Identifier les émotions c’est valider ce que l’interlocuteur va pouvoir ressentir. C’est l’élément-clef qui permet d’orienter la communication dans la seule direction salutaire : la résolution pacifique du conflit.
L’écoute active
La communication n’est pas la capacité de bien exprimer un message à un interlocuteur. Communiquer fonctionne dans les deux sens. La capacité d’écoute est la source et la qualité primordiale. Communiquer, c’est avant tout savoir écouter et entendre.
L’écoute active, passe par trois étapes :
– l’écoute silencieuse ;
– l’écoute interrogative ;
– la reformulation.
Pour pratiquer correctement une écoute active, il faut :
rester impassible en toutes circonstances -tout est basé sur ce principe
– ne jamais émettre de jugement
– ne jamais chercher à influencer
– ne jamais faire preuve d’impatience
ne jamais se laisser distraire.
Pour réussir cela, il faut donc oublier qui a raison ! Quand les tempéraments s’échauffent, le postulat de départ étant la difficulté de communication avec la personne qui veut se battre. Ce n’est franchement pas le bon moment de « jouer à qui a raison ». Peut-être qu’il y aura un temps pour bavarder plus tard, mais peut-être également que la personne vous est étrangère et que vous ne la reverrez jamais. Dans ce cas, qui se soucie de savoir qui a raison ? Pas grand monde et surtout pas vous, si vous avez envie de sortir de cette situation. Contrairement à ce que beaucoup de personnes peuvent penser être capable de reconnaître avec assertivité et uniquement avec assertivité qu’il est possible parfois d’avoir tort n’est pas un signe de faiblesse. Au contraire, savoir admettre à juste titre que l’on s’est trompé, démontre combien l’on a confiance en soi. Dans un contexte de communication redevenu rationnel cela peut permettre d’arriver rapidement à la fin d’un conflit et confirmer à l’interlocuteur qu’il a eu raison de vous faire confiance.
La reformulation
La reformulation des propos de l’interlocuteur dans un format plus court, et surtout avec des mots qui nous sont propres lui permet de se sentir écouté. Cette reformulation permet également de faire confirmer ce qui a été entendu, de modifier ou bien d’ajouter des éléments qui auraient été mal interprétés. La reformulation peut permettre très rapidement d’extraire l’interlocuteur de l’emprise de ses émotions, de faire baisser le niveau de stress généré par le conflit et l’agressivité qui l’accompagne.
La reformulation miroir
Dans le principe de reformulation, la connaissance et la maîtrise de la reformulation miroir est primordiale. Il faut reformuler les propos de l’interlocuteur en utilisant ses propres mots avec en paraphrase des amorces types :
– Si je comprends bien… ;
– Vous voulez dire que… ;
– En d’autres termes… ;
La reformulation miroir a pour effet de montrer à l’interlocuteur que nous vérifions la compréhension de la teneur de son message. Ce qui est une vraie marque d’intérêt. Quand le message est reçu, l’interlocuteur se sent valorisé.
La reformulation synthèse
La reformulation synthèse fait un résumé de qui a été dit par l’interlocuteur. Cette méthode est très utile avec certaines personnes bavardes qui pendant le conflit ne vous laisse pas vous exprimer. La reformulation synthèse s’avère efficace pour garder le fil du conflit et recentrer le discours. Il faut reformuler les propos de l’interlocuteur en utilisant ses propres mots avec en paraphrase des amorces types :
– Au final…
– Si je résume correctement… ;
– En résumé, vous me dites que… ;
Il faut toujours obligatoirement choisir de condenser le débat autour d’un ou deux points qui semblent les plus importants pour l’interlocuteur. Avec pour objectif principal des sujets qui se rapprochent le plus de la résolution du conflit.
Savoir parler avec le silence
Lors d’un conflit verbal, lorsque qu’un être humain réussit à se taire, le silence qui est instauré apporte de précieuses informations sur l’état émotionnel de l’interlocuteur et sur ses dires. Le silence permet :
– d’observer les personnes ;
– de pouvoir être à l’écoute ;
– de réfléchir correctement ;
– d’être concentré sur son discours ;
Le silence dans un conflit verbal n’est pas un défaite, il s’agit au contraire d’une pause dynamique qui a pour objectif de calmer la situation et/ou de se recentrer. Pendant le silence, nous permettons à notre cerveau de mettre en place des stratégies qui nous donneront la possibilité :
– de réagir au bon moment ;
– de susciter l’intérêt du répondant ;
– de le surprendre et de dissiper les automatismes d’agressivité.
L’acquisition de cette répartie silencieuse tout en conservant tous les éléments précédents est le résumé idéal d’une résolution idéal d’un conflit.
Conclusion
L’écoute active nécessite de l’entraînement, l’absence d’arrogance, une véritable détermination pour contrer les biais cognitifs humains et une véritable volonté d’apprendre comment les autres fonctionnent dans un but unique , vous sortir d’une situation embarrassante, vous n’êtes pas obligés d‘adhérer à ce que dit l’autre juste de reconnaitre sa légitimité à le dire. Cette écoute peut aussi aider à établir un rapport de confiance bienveillante dans le quotidien avec toutes les personnes que nous sommes amenés à croiser. Jusqu’au moment critique, agir avec empathie reste le moyen le plus naturel mais aussi le plus efficace pour éviter de se battre.
Bien entendu cette démarche ne justifie pas de se passer d’outils efficaces en cas d’échec, ces outils peuvent être de l’ordre de la communication comme de simples alarmes personnelles bruyantes provoquant une réaction ou des outils d’anticipation comme des vêtements de défense.
HL (Kamouflages.com Article réalisé en collaboration avec Kragma , l’association spécialiste de la défense contre les agressions au couteau )
Sources
(1) https://www.aikidoverbal.com/
– http://verbaljudo.com/
– https://en.m.wikipedia.org/wiki/Verbal_self-defense
(2) https://inhesj.fr/sites/default/files/ondrp_files/publications/pdf/note_40.pdf
Crédit photo : DR
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