Oriol Junqueras, leader indépendantiste catalan actuellement emprisonné en Espagne, s’est vu confirmé son immunité d’élu par la Cour européenne de Justice. Quelles conséquences pour la suite ?
Oriol Junqueras ne devrait pas être en prison
La justice espagnole a-t-elle commis une erreur ? Jeudi 19 décembre, la Cour européenne de justice de l’Union européenne (CJUE) a ainsi confirmé que l’indépendantiste catalan Oriol Junqueras, président du parti de la Gauche républicaine de Catalogne (ERC), devrait bénéficier d’une immunité puisqu’il a été élu au Parlement européen le 26 mai 2019. Une date à laquelle il était déjà placé en détention provisoire puis la Cour suprême espagnole avait refusé de le laisser sortir de prison pour participer le 2 juillet à la session constitutive du Parlement européen à Strasbourg.
Mais les choses ont pris un tour radical le 14 octobre dernier, lorsque les leaders nationalistes catalans jugés à Madrid ont écopé de 99 années de prison cumulées à la suite d’un délirant procès. Pour sa part, Oriol Junqueras, 50 ans, a été condamné à 13 ans de prison et d’inéligibilité, pour « sédition (et) détournement de fonds publics ». C’est également lui qui fut chargé par Carles Puigdemont de préparer le référendum interdit du 1er octobre 2017. Une fois ces décisions rendues, la Catalogne verra une mobilisation sans précédent d’une grande partie de sa population pour protester contre ces peines iniques.
Toutefois, Oriol Junqueras n’est pas censé dormir derrière des barreaux. C’est ce qu’a expliqué la Cour européenne de justice dans un communiqué : « Une personne qui est élue au Parlement européen acquiert la qualité de membre du Parlement du fait et au moment de la proclamation des résultats électoraux, de sorte qu’elle bénéficie des immunités garanties » aux eurodéputés.
« La justice est venue d’Europe »
La CJUE a précisé sa position dans cet arrêt qui vient donc donner tort à la Cour suprême espagnole : « Le bénéfice de l’immunité de trajet garantie à tout membre du Parlement européen implique de lever toute mesure de placement en détention provisoire qui aurait été imposée antérieurement à la proclamation de son élection, afin de lui permettre de se rendre et de prendre part à la session constitutive du Parlement européen ».
La Cour européenne de justice relève aussi que cette décision concernant l’immunité « vaut pour tous les élus européens, et donc pour les deux autres indépendantistes élus en mai ». À savoir l’ex-président régional indépendantiste de Catalogne Carles Puigdemont et Toni Comin, les deux hommes résidant actuellement en Belgique.
Pour sa part, Oriol Junqueras a salué la décision sur Twitter : « La justice est venue d’Europe. Nos droits et ceux des deux millions de citoyens qui nous ont votés ont été violés. Nullité de la sentence et liberté pour tous ! Persistez comme nous le faisons ! ».
La justícia ha arribat des d’Europa. S’han vulnerat els nostres drets i els de 2.000.000 de ciutadans que ens van votar. Nul·litat de la sentència i llibertat per tothom! Persistiu com ho hem fet nosaltres! #JunquerasImmunity
— Oriol Junqueras ?️ (@junqueras) December 19, 2019
Quelles conséquences pour les eurodéputés catalans ?
Avec cet arrêt de la Cour européenne de justice constituant une réponse à une question préjudicielle posée par la Cour suprême espagnole en juillet dernier à la suite d’un recours présenté par les avocats d’Oriol Junqueras, que peuvent espérer les dirigeants nationalistes catalans ?
Il s’avère que, en résumé, si Oriol Junqueras peut bénéficier de son immunité de trajet, la justice espagnole est aussi en droit de demander une levée de cette immunité au Parlement européen afin de le maintenir en détention si elle le juge nécessaire. L’ensemble des parties disposent d’un délai de cinq jours pour présenter leurs arguments devant la Cour suprême. Si une remise en liberté avait lieu, celle-ci risquerait de n’être que temporaire, la justice espagnole demandant la levée de l’immunité d’Oriol Junqueras au Parlement européen.
Quant à Carles Puigdemont, son cas est différent puisqu’il n’a pas encore été jugé ni condamné en Espagne. Mais pourrait en revanche bénéficier lui aussi de l’immunité de trajet reconnue par la décision de la CJUE. De quoi envisager un retour aux affaires en Catalogne sans être inquiété par la police et la justice espagnole ? La situation devrait permettre d’y voir plus clair au cours des prochains jours.
AK