Mais qui est Fabrice Sommier ?
Sans conteste un grand professionnel du vin, l’homme aux lunettes rouges affiche un CV bardé de titres honorifiques et préside la direction du groupe Georges Blanc depuis 2018. Son heure de gloire intervient en 2007 avec l’obtention du titre de meilleur ouvrier de France en sommellerie qui consacre le plus haut niveau de maîtrise du savoir-faire de la profession en France.
Puis en 2010, il décroche la distinction de « Master of Port », une reconnaissance pointue nécessitant d’appréhender un vin éminemment technique dans son élaboration mais aussi dans son service. En somme, Monsieur Sommier est un cador, un ponte respecté et courtisé pour son image de fin connaisseur du vin.
Travailler à la transmission du goût pédagogique chez Roche Mazet…
Oui mais un beau parcours ne fait pas tout, selon la bonne vieille règle qui préside à la réussite, il s’agit maintenant de rendre ce que l’on a reçu. Ce dernier le concède sur son site : son titre de MOF en sommellerie lui impose de « travailler à une transmission du goût pédagogique ». Alors Fabrice Sommier lance en direction des enfants son projet original « premier accord » : aux fins d’éduquer la sensibilité des enfants à l’alliance des plats avec les jus de fruit artisanaux.
Pleinement investi par sa mission de transmission, il décide d’approfondir sa démarche de passeur du goût pour le compte des marques Roche Mazet et Malesan créées par le groupe Castel. Sur les réseaux sociaux, notre MOF se prête au piquant jeu des accords avec les savoureuses créations de la gamme « les Accords ».
Des vins de pays caricaturaux et sans âme qui inspirent néanmoins la verve du sommelier au travers de mémorables descriptions laudatives à l’image de celle tenue pour cet assemblage syrah /marselan : « sous une robe rubis avec des reflets framboise très brillants, un nez superbe de cerise et de poivre, de fruit compoté également comme la mûre, le cassis, la bouche est riche, fraîche, élégante, beaucoup de tension également et une finale tout en dentelle ».
À son corps défendant, dans son pitoyable numéro de promotion, Monsieur Sommier nous livre une précieuse leçon de pédagogie : celle qui consiste à regarder le verbiage de la dégustation sensorielle comme un dangereux paravent barrant l’accès à une véritable connaissance du vin. Au final, Fabrice Sommier pourrait user avec autant d’emphase des mêmes afféteries oratoires et resservir ses descripteurs aromatiques rebattus, aussi bien pour le compte d’un roche Mazet que pour un grand vin. Une façon de démontrer que l’art de la sommellerie s’abrite en partie derrière une muraille langagière qui aime associer à la technicité du discours une perception très abstraite et normée des vins, bien en peine d’être contredite par le novice.
MOF : plus qu’une vocation, une véritable tirelire !
On le devine aisément, un tel abaissement se monnaye chèrement, après tout, tant de sacrifices consentis pour l’acquisition d’un haut niveau de savoir-faire, méritent légitimement une contrepartie sonnante et trébuchante.
Rien d’anormal donc, que de vouloir mordre à la grappe lorsque l’on atteint les sommets de la profession, et puis d’autres le précèdent… Le maître en la matière était Paul Bocuse. D’ailleurs, la vénération de ses pairs n’était sans doute pas étrangère à l’inauguration d’un nouveau modèle d’enrichissement par la vente à prix d’or de l’image du grand chef auprès des grandes marques.
Le problème concerne cette inquiétante systématisation de l’esprit de lucre chez les plus hauts représentants de la sommellerie et de la gastronomie, tous prêts à transgresser les valeurs d’excellence pour lesquelles ils se sont battus durant leur vie. Les visées financières tendent à prendre le pas sur les finalités éducatives du prestigieux concours, en offrant aux apprentis un modèle de starification en décalage complet avec les réalités de chaque métier. Loin de défendre les vertus de l’artisanat, les impétrants roulent à grands frais au service des intérêts d’entreprises en contradiction complète avec la recherche de la qualité alimentaire.
Oh, bien sûr, le grand argument a toujours été de dire qu’il valait mieux s’introduire dans l’ennemi pour infléchir ses pratiques. Comprenez que la caution des grands chefs apposée sur les plats préparés de l’agro-alimentaire procède d’une volonté de pédagogie de l’intérieur…
L’excellence au service de l’indigence
En la matière, la sommellerie décroche la timbale, ses illustres figures stipendiées, patronnent les breuvages les plus insipides sur les catalogues des Foires aux vins. Quand l’excellence se met au service de l’indigence, il y a comme un malaise, curieusement préservé de toute réprobation manifeste. Chez les caciques de l’artisanat, ce blanc-seing à l’enrichissement personnel sonne comme une revanche bien méritée, rétribuant une reconnaissance tardive de l’artisan dans le monde des élites.
En toute logique, lorsqu’il se met à la solde d’un groupe qui sert à la masse non éduquée la tisane du quotidien, Fabrice Sommier ne fait que reproduire cet idéal de perfection en pleine dégénérescence. Mais attention ! Toujours sous le vernis d’une pédagogie de façade, susceptible d’adoucir les remords de conscience de Fabrice Sommier, porteur d’un nom qui l’invite à prendre le chemin de la retraite.
Raphno
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