La perspective de voir réapparaître une frontière physique entre les deux Irlande, à cause du Brexit, a ravivé les craintes d’un retour des tensions dans cette partie de l’Irlande coupée de la mère patrie et déchirée par un conflit meurtrier entre partisans d’une Irlande réunifiée et fidèles à Londres. Mais la violence s’est-elle jamais vraiment arrêtée ? En dehors de l’Irlande du Nord, la plupart des gens pensent que les violences paramilitaires ont officiellement pris fin en 1998 à la signature de l’accord du Vendredi saint. Pour toutes les factions républicaines, le combat est toujours inachevé tant que l’Irlande du Nord reste britannique.
De 2013 à octobre 2018, 417 attaques paramilitaires étaient néanmoins recensées. Entre règlements de comptes liés à la drogue et expéditions punitives, les groupes paramilitaires continuent d’inspirer la crainte, même si pour certains vétérans de l’IRA provisoire ces groupes armés ont perdu en puissance, victimes de divisions internes.
Menaces de mort, attaques punitives : des groupes républicains catholiques luttent contre le trafic de drogue avec des méthodes radicales. On ne badine pas avec la drogue et les comportements asociaux en Irlande du Nord et les organisations nationalistes menacent directement les dealers ainsi que leurs familles.
La lutte contre les dealers n’est pas nouvelle chez les paramilitaires républicains. Dès les années 70, l’IRA éliminait les trafiquants de drogue des quartiers catholiques et en 1994 avait créé la DAAD (Direct Action Against Drugs) dans le but précis de « tarir la source des comportements antisociaux, des cambriolages, des vols de voitures et des intimidations dans le quartier » et de préciser « les parents qui tolèrent et permettent à leurs enfants de participer seront tenus responsables de leurs actes. Contrôlez votre jeunesse ou nous le ferons ». Un message clair ! Un autre groupe clandestin armé, la RAAD (Republican Action Against Drug), composé en parties d’anciens membres de l’IRA, entend également aujourd’hui supprimer le fléau du trafic de drogue de la communauté catholique. Il est principalement actif à Derry et dans les environs, Londonderry, Tyrone et même en Irlande du Sud dans le comté de Donegal. Les méthodes employées contre les trafiquants de drogue sont multiples : menaces de mort, expulsion du quartier, avertissement (portraits des dealers affichés aux carrefours de la ville ou du quartier et leurs appartements mis à sac), attaque à la bombe ou incendie sur les biens, tirs par arme à feu dans les jambes ou les bras, et enfin l’assassinat pur et simple du délinquant. La RAAD revendique son premier meurtre en février 2012 quand Andrew Allen, père de deux enfants, est tué d’une balle dans la tête à son domicile de Buncrana, dans le comté de Donegal. La RAAD rejoint officiellement l’Armée Républicaine Irlandaise (véritable) en juillet 2012 et forme ainsi avec d’autres groupes paramilitaires républicains la Nouvelle IRA.
Comme nous le mentionnions plus haut, cette lutte sans merci opposant les trafiquants de drogue et les groupes liés à l’IRA ne date pas d’aujourd’hui. Pendant le conflit, l’Armée Républicaine Irlandaise jouait le rôle d’une police parallèle contre le trafic, elle veillait à ce que ses membres ne vendent ni ne consomment de drogue, faisait la chasse aux trafiquants et pensait que le trafic de drogue était contraire aux valeurs de la communauté catholique. Cette lutte contre la drogue était aussi un puissant moyen pour les membres de l’IRA d’apparaître comme les protecteurs des quartiers défavorisés et de maintenir leur emprise sur la population catholique et nationaliste ainsi que sur la jeunesse qui composait une grande partie de ses soldats. La consommation de drogue en Irlande du Nord était donc beaucoup plus faible comparée au reste de l’Irlande, mais après les accords de paix de 1998, le trafic en tout genre et surtout de l’héroïne s’est développé grâce à la démilitarisation.
Aujourd’hui, que fait donc la police ? En réalité, elle n’est pas vraiment la bienvenue dans les quartiers farouchement républicains, toujours haïe pendant les troubles pour sa complaisance avec les paramilitaires loyalistes protestants attachés à la couronne britannique. La communauté catholique n’a aucune confiance en la police qui n’en fait pas assez contre les dealers, et est frustrée de la voir relâcher certains trafiquants présumés, après les avoir dénoncés. De plus en plus de jeunes Irlandais tombent dans la cocaïne, l’héroïne, et dans la spirale infernale de la drogue sans que les pouvoirs publics ne réagissent.
Les actions de représailles pour neutraliser les dealers sont toujours d’actualité, et même plus présentes que jamais avec la tension liée au Brexit. Les menaces des groupes paramilitaires républicains ne faiblissent pas. Ils déclarent continuer à cibler tous les trafiquants de drogue ainsi que la police. Si la population semble parfois gênée par les attaques punitives et a du mal à se positionner, en revanche, elle approuve quand les dealers sont expulsés des quartiers et, d’une façon générale, il y a un réel soutien, même si très discret, aux groupes nationalistes anti-dealers.
Des moyens radicaux certes, mais qui répondent à une menace tout aussi radicale. La drogue est un fléau majeur. Elle peut même être une arme pour tuer un peuple. En Bretagne, associées à l’alcool, les drogues doivent être combattues de façon drastique afin que notre belle jeunesse ne devienne pas une génération perdue, une génération de parasites et d’éléments anti-sociaux.
Jelvestr Le Cloarec.
Article publié dans War Raok n°56 et reproduit avec l’aimable autorisation de la rédaction
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