De plus en plus de parents se tournent vers des scolarités alternatives pour leurs enfants, pour leur éviter d’être pris dans les griffes d’une Éducation nationale de moins en moins performante, et qui par ailleurs ne prend pas en compte les singularités des enfants. Parmi les fondations qui aident les écoles indépendantes qui éclosent en France, la Fondation pour l’école. Nous avons interrogé Diane Roy, qui s’occupe de la communication de la Fondation, à propos de la sortie du classement PISA notamment, qui révèle une certaine médiocrité du système éducatif français si on le compare à d’autres systèmes éducatifs dans le monde.
Un classement PISA qui a suscité de nombreuses critiques dans la presse mainstream français, mais aussi dans l’enseignement : forcément, les pédagogues qui dirigent et influent sur l’Éducation nationale ne sont pas contents que l’on remette en cause leur façon d’enseigner à nos enfants…
Breizh-info.com : Parlez-nous du changement récent au sein de la fondation pour l’école ?
Diane Roy (La Fondation pour l’école) : Notre directrice générale historique, Anne Coffinier, a été licenciée. Nous recrutons actuellement son successeur.
Breizh-info.com : Qu’est-ce que le classement PISA ? Comment est-il établi ?
Diane Roy (La Fondation pour l’école) : C’est un classement des systèmes éducatifs établi par l’OCDE après une étude sur les élèves de 15 ans dans 79 pays. PISA mesure des savoir-faire et des savoir-être, et la façon dont les élèves utilisent ces acquis et ces savoirs dans la vie quotidienne. C’est une vision très anglo-saxonne de la scolarité, très éloignée de la tradition française d’une école qui privilégie les contenus académiques. Ce biais explique — mais partiellement seulement — le classement très moyen de la France, qui se situe dans le ventre mou des pays de l’OCDE.
Breizh-info.com : surtout si l’on compare aux Asiatiques…
Diane Roy (La Fondation pour l’école) : Il faut nous comparer par rapport à ceux qui mettent le même budget que nous dans leur système éducatif. Effectivement, même avec un niveau de dépenses équivalent, la France a des résultats en dessous. Nous ne sommes pas bons sur pas mal de sujets, notamment l’apprentissage des fondamentaux. Les réactions des médias et des gens de l’Éducation au sens large me frappent toujours beaucoup : en France, on va plutôt chercher à critiquer PISA plutôt que de chercher à résoudre ce qui ne va pas.
Breizh-info.com : Oui, pourquoi la presse ainsi que certains pédagogues relativisent-ils ces résultats ? Sont-ce réellement les inégalités sociales qui provoquent ce classement ?
Diane Roy (La Fondation pour l’école) : Il y a certes le biais dont je vous ai parlé au début. Mais je ne suis pas surprise de voir que c’est l’Establishment du système éducatif français qui est le plus prompt à critiquer PISA. Jean-Michel Blanquer explique avoir besoin d’être ministre 10 ans pour améliorer les résultats. Il fait preuve de réalisme là dessus : refonder l’école en France prendra au moins 10 ou 20 ans. Mais ce n’est pas son action uniquement qui fera remonter la France dans le classement PISA.
Breizh-info.com : Mais ça signifie que des générations vont être sacrifiées…
Diane Roy (La Fondation pour l’école) : Cela fait bien longtemps que nos élèves sont sacrifiés sur l’autel de la pédagogie nouvelle et de la démagogie. PISA 2018 ne révèle rien d’extraordinairement nouveau. Les éditions précédentes l’avaient déjà montré. Vous avez plein d’indicateurs qui permettent de mesurer la décrépitude du système éducatif en France. Certains de nos bacheliers n’auraient pas le niveau pour repasser le certificat d’études des années 50… Cela fait longtemps qu’on sait que le système scolaire ne remplit plus sa mission. On diminue la difficulté des examens qui bouclent les cycles, comme le Brevet, qui ne compte plus pour le passage en seconde, ou le Bac, bien moins difficile qu’il y a trente ans. Ce qui est nouveau, c’est de voir combien les gens commencent à baisser les bras, à ne plus rien attendre de notre école publique…
Breizh-info.com : Est-ce qu’au sein de la Fondation pour l’école vous avez des pistes pour rehausser le niveau, pour améliorer le système scolaire ?
Diane Roy (La Fondation pour l’école) : Notre mission est d’aiguillonner le système éducatif, en expérimentant sur le terrain via les écoles libres. Il faut redonner de la souplesse aux professeurs comme aux directeurs d’école. Nous croyons dans la liberté scolaire — d’ailleurs aujourd’hui les professeurs de l’Éducation nationale sont censés pouvoir faire usage de cette liberté au sein de leurs classes. Mais l’Éducation nationale verrouille les programmes par le haut et les insuffle jusqu’en bas : les professeurs ne font pas ce qu’ils veulent, ne peuvent pas adapter leur enseignement à leurs classes. C’est hyper rigide.
À la Fondation pour l’école, nous croyons que quand un élève est en difficulté, il mérite d’avoir plus de temps pour acquérir des apprentissages, cela vaut le coup d’apprendre plus lentement. Et à contrario, que d’autres pourraient être libres d’apprendre plus rapidement s’ils en ont besoin pour ne pas s’ennuyer en classe. Les écoles indépendantes sont créées pour être une alternative aux écoles publiques. Nous ne sommes pas contre elles, mais des propositions alternatives et de qualité.
Pour les élèves qui ont besoin d’évoluer, avec plus de temps pour certains, en avance pour d’autres, quitte à être dans les mêmes classes : les petits effectifs des écoles indépendantes permettent justement cette liberté au professeur d’adapter ses cours. Tous les enfants sont les bienvenus dans nos écoles, dont beaucoup proposent des pédagogies différentes (bilingues, Montessori..). Le succès des écoles indépendantes témoigne du souhait des familles que l’école se réforme. Il n’y a aucune fatalité à ce que la France produise 20 % d’élèves avec des difficultés d’écriture et de compréhension en 6e : il y a des solutions, les écoles indépendantes en sont une.
Breizh-info.com : Les pays en tête du classement PISA sont des pays homogènes culturellement et ethniquement. Ne pensez-vous pas que cela puisse jouer également dans la réussite de la jeunesse d’un pays ?
Diane Roy (La Fondation pour l’école) : Non je ne crois pas. Si on prend les pays asiatiques, qui ont des résultats excellents en maths, ce n’est pas parce les asiatiques ont une « bosse des maths », mais parce qu’ils ont d’excellentes méthodes d’apprentissage des mathématiques, notamment « La méthode de Singapour », à laquelle nous formons les professeurs et qu’utilisent de nombreuses écoles indépendantes.
Breizh-info.com : Je ne parlais pas de génétique, mais de brassage. Ce sont des pays (asiatiques, ou d’autres comme l’Estonie) avec faible immigration, donc moins de conflits d’intégration, moins de temps pris pour cela par les professeurs et par le cursus en France.
Diane Roy (La Fondation pour l’école) : Je n’en sais rien. Je n’ai pas de statistiques sur le sujet, et en France, les statistiques sur les origines sont interdites. Je crois que l’école doit être le lieu où l’intégration se fait. Si les méthodes sont bonnes, quel que soit le milieu, les résultats devraient suivre. Après malheureusement, il est certain qu’en France, les inégalités sociales sont très importantes, c’est notre seule « médaille » du classement PISA : notre système scolaire reproduit les inégalités sociales et les accentue tout au long de la scolarité. Encore une preuve que l’école doit être largement repensée.
Breizh-info.com : Quel bilan dressez-vous à l’issue de ce premier trimestre 2019 pour la Fondation pour l’École ?
Diane Roy (La Fondation pour l’école) : Je ne peux pas répondre sur les résultats scolaires au sens strictement académique du terme, ce n’est pas le rôle de la Fondation. Mais nous pensons qu’il n’y a pas que le niveau académique qui compte : l’école doit être un lieu d’épanouissement de l’enfant dans son ensemble, ce n’est pas « une bête à concours ». Nous accompagnons des écoles qui ont la volonté de développer l’enfant dans son intégralité, quels que soient ses talents. Une bonne école est celle qui prend un enfant au début de sa scolarité, tel qu’on le lui confie, et qui est capable de le rendre à sa famille à la fin de sa scolarité en l’ayant épanoui dans toutes les dimensions de sa personne. Et si c’est quelqu’un qui sait correctement penser, qui est bien dans sa tête, mais qu’il n’a pas obligatoirement mention très bien au bac, et bien l’école aura quand même réussi sa mission.
Propos recueillis par YV
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