Les médias mainstream présentent souvent le Darknet – cet Internet « profond », caché, qu’on ne trouve qu’en utilisant des navigateurs spéciaux et des adresses en .onion, comme un immense supermarché des produits et des services interdits, armes, drogues, stupéfiants. C’est en partie vrai, surtout pour la drogue, mais tout sur le Darknet ne vaut pas son pesant d’or… ou de bitcoins. Revue des principales escroqueries.
Le canal Telegram spécialisé russe DeepNet passe en revue les principales escroqueries : « il y a des utilisateurs escrocs, il y a des sites escrocs, et encore tout un tas de parasites qui utilisent les noms de sites et de vendeurs fiables pour escroquer les utilisateurs ».
Fausse monnaie, cartes bancaires volées…
Parmi les propositions d’escrocs, des faux billets vendus à 50 ou 60% de leur valeur faciale : « dans ce cas là, on se casse vite fait du site, ce sont des escrocs », conseille DeepNet. « Je n’ai jamais vu de fausse monnaie de bonne qualité », relève l’auteur du canal. « On n’y voit que de la qualité moyenne, qu’on peut repérer de visu et au toucher. La fausse monnaie est détectée par le détecteur le mois cher ».
Un autre passage obligé du Darknet, ce sont les services qui vendent des cartes bancaires volés. « Quand on voit une proposition d’acheter des cartes bancaires avec une somme d’argent précise dessus, on ferme la fenêtre – ce sont des escrocs. Certains disent aussi qu’ils connaissent le code PIN, ils prennent vraiment les gens pour des cons ». En réalité, on trouve bien des cartes volées sur le Darknet, «mais elles ne peuvent servir qu’à faire des achats. Personne ne sait combien il y a d’argent dessus », et personne ne connaît non plus leur code PIN.
Cartes de police, passeports, suppression des mentions du casier judiciaire…
D’autres vendent des documents officiels : pour la Russie, comptez 60 à 300.000 roubles [860 à 4250 €] pour un passeport, 30 à 150.000 roubles [420 à 2100€] pour un permis de conduire, 30 à 250.000 roubles [420 à 3600€] pour une carte de police, 35 à 300.000 roubles [500 à 4300€] pour une carte des membres des services secrets, 260.000 roubles un faux diplôme [3700€], 25 à 350.000 roubles [360 à 5000€] pour un livret militaire selon qu’on choisisse un simple faux ou un « document vérifié ».
Commentaire de DeepNet : « si vous voyez un truc pareil, fuyez ! N’importe quelle carte officielle, et même un livret de travail, ce sont des cotisations retraites et des charges salariales. Autrement dit toute organisation paie des impôts pour votre salaire, donc vous ne pouvez pas être mis dans l’organigramme d’un seul coup d’un seul. Pour les diplômes, c’est pareil, chacune de vos notes, tout au long de votre scolarité, fait l’objet d’un enregistrement papier et sur ordinateur ».
« Idem pour les suppressions de mentions dans le casier judiciaires, ou sur l’article 228 [détention de drogue dans le code pénal russe] : tout est écrit et en format papier, et dématérialisé. Par exemple pour une mention au casier judiciaire, c’est noté dans les services d’enquête, au tribunal, chez le procureur, au sein de la police, au sein de l’administration pénitentiaire… supprimer toutes ces mentions est irréaliste ». Certains escrocs proposent même d’effacer les mentions au registre des interdits bancaires russes – l’équivalent du Fichier central des chèques en France. Plus c’est gros…
Comment repérer les escrocs sur le Darknet ?
Il n’y a pas de méthodes, sinon la vigilance. « On surveille le site. Les visites, les statuts des utilisateurs, les thèmes, les avis, tout cela ne veut rien dire. Le site peut être un miroir [copie conforme] d’un autre site, fiable celui-là, et être régulièrement mis à jour. […] Faire confiance aux administrateurs ne marche pas, car les affirmations « ce sont des flics » ou « ce sont des escrocs » sont utilisées à tout bout de champ pour éjecter des concurrents. Demandez plutôt aux vendeurs et aux usagers qui ont des comptes actifs sur plusieurs sites. La plupart des annuaires ne sont pas dignes de confiance non plus, ils sont contrôlés par tel ou autre site, ou payés, ou l’auteur est directement intéressé ou même subjectif ».
Dernier conseil : éviter d’entrer depuis un moteur de recherche : « gardez l’URL d’un magasin que vous savez fiable dans un coin à l’abri, un document texte chiffré par exemple. En arrivant depuis un lien, on peut tomber sur une copie fake qui aura au passage vos identifiants ».
Louis-Benoît Greffe
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