Un ancien vice-ministre de l’Intérieur iranien exprime sa crainte par rapport au soulèvement en Iran

Seyed Mostapha Tajzadeh, vice-ministre iranien de l’Intérieur sous l’ex-président Mohammad Khatami, a récemment exprimé sa consternation face à l’instabilité que connaît le pays après le soulèvement sanglant du 15 novembre.

Le 9 décembre, Tajzadeh a parlé sur le site Internet Etemad d’une éventuelle flambée de manifestations plus larges avec des manifestants plus excédés. « J’avais prévu ce qui se passait, et je prévois que cela se reproduira tôt ou tard », a-t-il déclaré.

« En novembre 2019, les manifestations ont été plus étendues et plus violentes qu’en décembre 2017. Les prochaines manifestations seront encore plus répandues et plus violentes. »

Tajzadeh avait joué un rôle clé dans le ministère de l’Intérieur du régime pendant huit ans. Il a donné les raisons de sa prédiction : « Les protestations ont été contenues, mais les causes demeurent. Tous les motifs qui ont conduit aux manifestations dans plus de 100 villes du pays subsistent. Aucun n’a été résolue, et certains ont même empiré à cause du comportement du gouvernement. Alors la population attend une autre occasion pour répéter ses protestations. »

Tajzadeh est allé plus loin en expliquant les causes. Il a déclaré : « Si nous voulons que la violence et la haine aillent hors de notre société, le régime doit agir. Pas besoin de prédicateurs. La prédication ne résoudrait aucun problème. Aujourd’hui, on entend les autorités dire qu’elles reconnaissent au peuple le droit de protester, mais qu’elles rejettent les émeutes. Une condition préalable pour accepter le droit de protester est de reconnaître votre adversaire. Le régime ne reconnaît aucune opposition. Jamais ! Les opposants peuvent-ils avoir des journaux, des partis politiques ou des rassemblements libres ? Leurs candidats peuvent-ils jouir d’un droit égal de participer aux élections législatives ? Non, ce n’est pas le cas. Donc, quand le gouvernement dit qu’il reconnaît le droit de protester, personne ne le croit. Il en va de même lorsque le gouvernement prétend que l’augmentation du prix du carburant n’aurait pas d’incidence sur les autres prix. La population prend cela pour une blague. »

L’analyse de Tajzadeh sur un futur et probable soulèvement semble assez juste. Voici les raisons :

  • Contrairement au moral bas des forces répressives du régime, que ce soit parmi les forces de sécurité de l’État ou les pasdaran, les manifestants ont le moral dans les publications sur les réseaux sociaux, ils n’ont pas peur dans les rassemblements publics comme ceux qui ont eu lieu dans les universités le 8 décembre, jour des étudiants en Iran. Les représailles pour les massacres commis par le régime semblent être le mot-clé qui circule sur la plupart des plateformes de médias sociaux.
  • Pendant les manifestations, le régime a eu de réelles difficultés à mobiliser suffisamment de forces répressives étant donné l’extension des manifestations à près de 200 villes à travers le pays.
  • Les désertions sont devenues courantes parmi les forces répressives à mesure que le dégoût social à leur égard grandit.
  • Avec plus d’un millier de personnes tuées, la plupart par balle à la tête ou à la poitrine, une ligne rouge a été franchie, marquant historiquement un point de non-retour en Iran. Le régime du Shah n’a duré que quelques mois après avoir franchi cette ligne rouge, et le régime théocratique ne jouit pas nécessairement d’une plus grande latitude.

Alors qu’une énorme quantité d’informations sortent du pays depuis la restauration d’Internet, le monde entier, les Iraniens chez eux, ainsi que la diaspora, sont tout simplement trempés dans les immenses dimensions de ce qui s’est passé pendant les cinq jours de coupure d’Internet qui ont commencé au deuxième jour des soulèvements.

De nombreux témoignages de l’intérieur de l’Iran confirment le caractère organisé du soulèvement de 2019 par rapport à celui de 2017. Une grande partie des preuves vidéo provient de l’émission de télévision par satellite diffusée 24 heures sur 24 en soutien aux objectifs démocratiques du Conseil national de la Résistance iranienne (CNRI) et de l’Organisation des Moudjahidine du Peuple d’Iran (OMPI), dont les mollahs au pouvoir reconnaissent le rôle dans le mouvement insurrectionnel. La stratégie de l’OMPI depuis au moins deux ans a été la formation d’Unités de résistance, de conseils et de villes, capables d’intercommuniquer et d’assurer la mobilité des militants. Les autorités du régime affirment avoir arrêté des dizaines de membres de ces unités, sans confirmation de la part de l’OMPI.

Il est certain qu’au cours du prochain soulèvement redouté par des personnes comme M. Tajzadeh, des formations de résistance mieux organisées joueront un rôle, ce qui conduira certainement à un résultat bien pire pour le régime au pouvoir, de plus en plus isolé et sous pression.

La grande question, cependant, est celle du timing. Le régime du Shah est tombé en moins de six mois après que l’armée a tiré à bout portant sur les manifestants. Personne ne peut garantir la même chose pour ce régime, mais le Shah semblait plus stable un an avant la chute de son régime que les mollahs au pouvoir ne le croient maintenant.

Hamid Enayat

Crédit photo : DR
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