Deux points de vue différents sur les élections britanniques à venir, ce 12 décembre.
Par David Collins, professeur en droit économique international à City University of London
L’élection générale britannique du 12 décembre est l’une des plus importantes de ces dernières années. Elle déterminera vraisemblablement le futur du processus du Brexit qui tourmente l’opinion publique britannique depuis bientôt trois années par des luttes intestines incessantes et des jeux parlementaires.
Plus important encore, le Parti Travailliste d’opposition est dirigé par un marxiste d’extrême gauche qui propose un programme radical de nationalisation, punissant les hausses d’impôts et, ce qui est encore plus incroyable, promettant une semaine de travail de quatre jours. Le Parti Travailliste n’a pas réussi à articuler une stratégie claire concernant l’avenir du Brexit. Les Travaillistes ont proposé un deuxième référendum sur l’adhésion à l’UE avec des options peu claires, probablement suivi d’un deuxième référendum sur l’indépendance écossaise entraînant potentiellement ainsi des années de confusion et d’hésitation.
En revanche, le Parti Conservateur au pouvoir offre une vision modérée et centriste avec une augmentation des dépenses publiques et une voie claire vers une sortie ordonnée de l’UE. Les sondages montrent que les Conservateurs ont une avance confortable, ce qui très probablement entraînerait une faible majorité en leur faveur. Les marchés ont réagi en conséquence, la livre sterling atteignant son plus haut niveau depuis des mois. Mais la course est beaucoup plus serrée que ce que de nombreuses personnes imaginent – certains sièges pourraient être attribués par quelques centaines de voix d’écart seulement. Le taux de participation pourrait jouer un rôle clé et « la mauvaise météo » le jour de l’élection pourrait signifier que les électeurs plus âgés, qui votent habituellement pour les Conservateurs, restent à la maison. Les élections les plus cruciales de toute une génération pourraient se jouer sur le fil du rasoir.
Par David Blunt, maître de conférences en relations internationales à City University of London
Alors que nous entrons dans les derniers jours de la campagne électorale, le Parti Conservateur de Boris Johnson est en tête dans tous les sondages. C’est remarquable, étant donné que les Conservateurs sont au pouvoir depuis près d’une décennie et que la dernière année de leur règne était particulièrement chaotique, notamment depuis que le Parlement a rejeté l’accord sur le Brexit conclu par Theresa May. Pourtant, « la couche de téflon » qui protégeait le Premier ministre ne s’est pas égratignée et il semble que les Conservateurs pourraient potentiellement se diriger vers une victoire écrasante.
Cependant, je n’ouvrirais pas le champagne tout de suite. Les Travaillistes essaient de reproduire la situation des élections anticipées convoquées par Theresa May en 2017, lorsque il y eut un revirement tardif des intentions de vote vers le Partis Travailliste et que Theresa May perdit sa majorité absolue. L’histoire se répète parfois.
Cette perspective est renforcée par le pouvoir bien réel que représente le vote tactique qui viserait à compromettre les chances électorales de Boris Johnson dans les circonscriptions qu’il doit gagner ou conserver. Contrairement à l’élection précédente, il y a eu des campagnes importantes pour obtenir des électeurs qu’ils soutiennent les candidats les mieux placés pour battre les Conservateurs. « Best for Britain » estime qu’il suffirait de 40 000 électeurs dans 36 circonscriptions pour reprendre la majorité aux Conservateurs. Dans l’ensemble, cela n’est pas impossible.
La stratégie des partis de l’opposition devrait changer au cours des prochains jours. Boris Johnson doit gagner avec une avance de 7 points pour disposer d’une majorité sûre. Le message de l’opposition portera sur les nombreuses fautes personnelles du Premier ministre, en particulier sur la question de savoir si on peut lui faire confiance pour tenir parole. Si l’opposition parvient à éroder son avance de seulement quelques points et à faire voter tactiquement les électeurs des circonscriptions clés, Boris Johnson risque d’être confronté à un bouleversement historique.
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