Une petite ville espagnole, La Linea, située à la frontière de Gibraltar, est la porte d’entrée principale du cannabis en Europe. Par cette ville de 65 000 habitants située au nord de Gibraltar, sur la côte, passe au moins 80 % du cannabis consommé en Europe sur une année complète – estime la police espagnole dans un rapport repris par le journal espagnol La Voz de Galicia.
La Galice est aussi en première ligne pour l’entrée de cocaïne en Europe : des « narco-sous-marins » construits par des cartels au Brésil ou en Colombie et chargés de milliers de tonnes de cocaïne y ont en effet touché terre à plusieurs reprises, notamment en 2006 à Vigo ce 24 novembre dernier en Galice – le submersible, en panne, intercepté au large de Cangas suite à une opération conjointe des polices espagnole et portugaise, contiendrait près de 3 500 kilos de drogue selon une estimation encore provisoire.
280 tonnes de cannabis chaque mois
Revenons au cannabis. Selon les sources proches de l’enquête espagnole, au moins 280 tonnes de cannabis sont ramenées à La Linea chaque mois, en provenance du Maroc tout proche. 20 jours par mois, 7 fois par nuit, les contrebandiers apportent 2 tonnes de cannabis à chaque rotation. Mais la police n’a réussi à intercepter que 4 % de la marchandise importée. Sur l’ensemble du pays, les saisies ont été de 335 tonnes en 2017 (dont 182 dans la province de Cadix) et 100 en 2016, ce qui représente dans les deux cas une très faible part de la marchandise importée.
Une inefficacité flagrante qui peut être le résultat, au vu des quantités et des profits, de la corruption des garde-côtes et de la police. En 2016-2017, lors du démantèlement d’un gros trafic en provenance d’Algérie et du Maroc, l’enquête a démontré que des douaniers, des garde-côtes et des magistrats espagnols avaient été corrompus.
Des protagonistes connus
D’autant que la police connaît les protagonistes – 3 000 personnes en tout (4,6 % de la population de la ville) issus de 60 familles, regroupés dans une trentaine de groupes organisés dont l’occupation principale est de transporter le cannabis du Maroc en Espagne. Ces familles ont pour la plupart des attaches des deux côtés du détroit. La Voz de Galicia cartographie les clans et les quartiers qu’ils tiennent : Junquillo, San Bernardo, La Atunara, El Zabal, Santa Margarita et La Alcaidesa sont les fiefs des trafiquants.
Plus de 60 % du cannabis qui entre en Europe via La Linea se trouverait contrôlé par les « frères Castaña », Antonio et Francisco, que la police estime être « les plus importants grossistes de haschich en Europe » ; l’un d’eux a depuis été arrêté en juin 2018, le second, Francisco, en octobre après qu’il a nargué la police dans un clip. En mai 2019, 15 personnes ont été arrêtées dans le cadre du démantèlement d’une organisation qui approvisionnait en nourriture et carburant les narcolachas, des semi-rigides très rapides qui livrent le cannabis du Maroc en Espagne. Néanmoins le trafic continue et s’amplifie, se disséminant maintenant dans les villes de toute l’Andalousie.
Louis Moulin
Crédit photo : Wikipedia – Domaine public
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