Le 21 octobre dernier, les Canadiens votaient. Pas de grands changements dans cette société anesthésiée et prospère. Ô Canada, le vrai Nord fort et libre est bien mal barré. Retour sur les résultats, d’après la presse québécoise.
Voter pour que rien ne change
Le parti libéral de Justin Trudeau, le Macron canadien, garde le pouvoir, mais perd la majorité absolue. Avec 33,1 %, il perd 6,4 %, mais reste comme LREM le parti pivot.
Le parti conservateur (équivalent de LR) progresse de 2,5 % et remporte 34,4 % des voix mais le système électoral majoritaire le met à la deuxième place en sièges. Il ne parvient pas à rassembler tous les opposants aux libéraux.
Le clivage entre ces deux partis dominants semble trop faible, comme le suggère la proximité des slogans de campagne : « Choisir d’avancer » pour le premier ; « Il est temps d’aller de l’avant » pour le second.
La gauche multiculturaliste et féministe représentée par le Nouveau Parti Démocratique continue à faire de la figuration, avec 15,9 % (-3,8 %). Ce parti est dirigé par le Sikh Jagmeet Singh Dhaliwa et défend l’État-Providence comme ligne principale. Il a été quasiment rayé de la carte au Québec (où il passe de 14 à 1 sièges).
À noter le communautarisme sikh du président de ce parti : avocat du monde associatif, il a milité pour que les motards portant le turban soient dispensés du port du casque ; il a été déclaré persona non grata par le gouvernement indien pour son activisme communautaire.
Les partis contestataires progressent doucement
Le Bloc Québécois (Yves-François Blanchet), souverainiste, de gauche à l’ancienne, gagne 3 points à 7,7 %, ce qui est beaucoup puisqu’il ne se présente que dans le Québec. Il n’a pas été soutenu par Québec Solidaire, le parti d’extrême gauche indépendantiste, qui a préféré le NPD et a fait le jeu des libéraux. Malgré une démographie très défavorable, la question identitaire québécoise reste posée.
Les Verts (avec Elisabeth May) gagnent également 3,1 points à 6,5 %, une belle percée dans un pays dont le modèle économique repose largement sur l’exploitation de la nature jusqu’à épuisement.
Le Parti Populaire du Canada, nouveau parti libertarien et anti-immigration, ne parvient pas à entrer au parlement fédéral et dégote un modeste 1,64 %. Maxime Bernier, son chef de file, est un ancien député conservateur. Il a rompu avec son parti et avec une « politique canadienne prise en otage par des groupes de pression ». Il s’est également prononcé contre le « multiculturalisme à l’extrême » et le « culte de la diversité à tout prix » (Le Devoir de Montréal, 15/9/2018).
Des polémiques assez minables mais révélatrices des mentalités
Les enjeux du pays ont été éclipsés par des polémiques puériles mais révélatrices de la mentalité d’une époque.
Trudeau a été mis en cause pour s’être déguisé en prince arabe quand il était lycéen (avec sur la photo 4 demoiselles en guise de harem). De façon plus sérieuse, une affaire financière récente lui a été reprochée (Affaire SNC-Lavalin), ainsi que sa proximité avec l’Agha Khan, chef religieux milliardaire. Le candidat conservateur Andrew Scheer a été critiqué pour ses convictions religieuses anti-avortement, alors que ce sujet n’était pas au programme de son parti.
Une véritable cabale à base d’insinuations a été organisée par le parti conservateur contre Bernier du PPD pour l’empêcher d’entrer au Parlement. Ces manœuvres déloyales étaient orchestrées par l’officine de communication Daisy Group et ont même été dénoncées comme antidémocratiques par le président du parti de gauche NPD.
La grande presse orwellienne a enquêté sur les traces même anciennes laissées dans les réseaux sociaux par les candidats antisystème. Ils y ont trouvé beaucoup d’islamophobie. Des candidates du parti vert ont dû ainsi faire une autocritique publique pour avoir émis une opinion négative sur la situation des femmes dans l’islam. Une candidate du Bloc Québécois, Caroline Desbiens, a été mise en cause pour avoir tenu autrefois des « propos élogieux pour Marine Le Pen ». Le Québécois fait décidément tâche au Canada pour sa liberté de parole d’un autre siècle.
Les Québécois ont eu de leur côté aussi des motifs de plainte. Le parti libéral a en effet diffusé une chanson électorale au français hasardeux, qui a fait rire le pays de Gilles Vigneaux et de Mathieu Bock-Coté… d’un rire un peu jaune. Pour adapter le texte anglais d’origine, on s’est contenté d’une traduction Google, ce qui donnait : « Enlève une main haute/ Pour tout main/Enlève une main haute/ Osé toi/ On peut être avenir aujourd’hui/ Si tu restes avec moi ».
Le parti de Trudeau vénère toutes les minorités, sauf la minorité québécoise, dédaignée dans ce qu’elle de plus sacré, sa langue maternelle.
Yffic
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