Le 40ème album des aventures du petit Sioux vient de paraître : L’Esprit des chevaux. Cette série à succès, disponible en breton, déclinée en dessin animé, est une précieuse ressource éducative pour les parents d’aujourd’hui. Décryptage de sa morale mod kozh, qui détonne dans la littérature jeunesse standard.
Une bédé indienne, de qualité belge, par des auteurs suisses
Le soir au chaud sous la tente, les mamans apaches ne racontent pas d’histoires de papooses celtes courant dans la lande. À l’opposé, les petits Bretons, eux, n’ont guère de chance de tomber à la télé, à l’école ou à la médiathèque sur des histoires tirées de leur propre tradition. Alors faut-il participer au grand déracinement auquel aboutit la littérature jeunesse actuelle ?
Une exception pour Yakari est légitime, en raison de sa qualité, qui l’égale aux grands classiques comme Tintin. Fils de l’artiste néoclassique François de Ribeaupierre, le dessinateur Dérib a appris le métier dans l’atelier bruxellois de Peyo, le créateur des Schtroumpfs. Le scénariste Job, autre suisse, a également contribué à faire de Yakari une production tout de suite reconnaissable :
- La palette vive de ses couleurs, la précision de ses traits dans la grande tradition belge de la ligne claire, la dramaturgie hollywoodienne de ses cadrages, l’intrigue toujours dense.
- Les connaissances encyclopédiques sur la géographie, la faune, la flore, les coutumes indiennes, à un âge où les gamins sont férus de détails érudits et de mots inédits.
- L’humour, adapté aux plus jeunes, sous la forme d’un comique de caractère : l’enfant ne peut manquer de rire sur des contre-modèles comme Elan Lent, adulte à côté de ses pompes ; ou, au contraire, l’effet miroir joue à plein, avec Tilleul l’enfant castor écervelé. « Castigat ridendo mores », aurait approuvé Molière…
https://www.youtube.com/watch?v=oMAcPILsKNQ
Yakari éducateur : prendre exemple sur les Peaux-Rouges
La série voit le jour en 1969 et pourtant elle échappe à la contre-culture de Mai 68. Ont encore leur place :
– Le courage, y compris physique : le courage des pères qui vont à la chasse ; le courage de Yakari, qui prend des risques à chaque aventure et à qui il arrive même d’avoir recours à une force proportionnée, en cas de légitime défense. Avec cette série, il ne s’agit pas d’éradiquer chez le petit garçon les pulsions agressives, mais de leur donner une limite et un but, de les canaliser pour le bien commun.
– L’amour de la nature, dans un sens classique, pas dans le sens végan : seule la chasse excessive est condamnée ; la domestication des animaux est considérée comme pouvant être profitable aux deux parties (Petit Tonnerre accepte de se laisser apprivoiser).
– La loyauté, la considération pour la parole des anciens, le respect de la souveraineté des parents, le goût pour le travail manuel : des valeurs pas inscrites au fronton des mairies, mais qui peuvent être utiles…
– L’ouverture vers le surnaturel : le petit Indien a une spiritualité de type « amazonienne » (Nanabozo, le lapin farceur, l’équivalent des korrigans de nos aïeux), mais aussi une spiritualité plus « sérieuse », plus transcendante : Grand Aigle, figure énigmatique qui plane là-haut, encourage Yakari à faire ses expériences sans intervenir directement, peut-être une allusion au Dieu paternel des Évangiles…
– Une morale réaliste : comme dans les Fables de la Fontaine, le but de Yakari n’est pas de révolutionner le monde, mais de s’y adapter et de contribuer à son harmonie.
Yakari pour les tout-petits : profiter du temps très court où les parents sont prescripteurs
Ces hautes considérations passent largement au-dessus de la tête des jeunes lecteurs. Le public cible s’arrête en effet à l’école primaire, où il passe à d’autres choses, moins « bébé », mais parfois plus pauvres sur le plan artistique. Les parents doivent donc profiter d’une courte saison pour avoir le plaisir de partager Yakari avec leur progéniture.
Dès 3-4 ans, on peut s’en servir comme d’un livre d’image, à découvrir avec l’enfant. L’intrigue est découpée en petites scènes d’action, très visuelles, dont la compréhension est adaptée aux tout-petits. On peut s’éloigner du texte et simplifier l’histoire.
Yakari 40. L’Esprit des chevaux https://t.co/0QGTOwRqDr
— La Bulle (@La_Bulle_BD) October 31, 2019
Quelques albums marquants
- Yakari et Grand Aigle (1970) : Yakari réalise un exploit qui le réhabilite aux yeux de son père et de la tribu ; il mérite d’arborer la plume des braves.
- Yakari et l’étranger (1981) : Yakari vient en aide à un pélican migrateur malade dont la présence déstabilise la faune locale. Soigné, le pélican rembourse sa dette et repart avec les autres pélicans. Cette fin a été modifiée dans l’adaptation en dessin animé de 2005.
- Yakari et la Toison Blanche (1985) : au cours d’une chasse, un guerrier de la tribu brave les signes surnaturels qui lui interdisaient une proie. En représailles, il est plongé dans le coma. Yakari part seul dans la haute montagne récupérer le talisman qui sauvera le chasseur.
- Yakari et le Coyote (1986) : afin de sauver son copain imprudent qui a surestimé ses capacités de chasseur, Yakari s’allie à un coyote rusé et fait preuve de stratégie pour vaincre un puma.
Enora
Crédit photos : DR
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