Entretien avec Gérard Crespo, auteur de La décolonisation portugaise en Afrique 1960-1975, préface de Francis Stuck (Éditions Dualpha) ; propos recueillis par Fabrice Dutilleul.
Gérard Crespo est diplômé de l’EHESS Paris et Docteur en Histoire. Spécialisé dans l’histoire des migrations en Méditerranée occidentale aux XIXe et XXe siècle.
Comment êtes-vous passé de l’histoire du Maghreb contemporain qui est votre spécialité à l’histoire des colonies portugaises africaines ?
Gérard Crespo : J’avais lu un ouvrage de Maria Dulce Cardoso, Le retour, qui m’avait bouleversé. L’histoire qu’elle racontait, le départ des Portugais d’Angola en 1975, lors de l’indépendance du pays, était la mienne ; celle que j’avais racontée dans un livre qui narrait mon départ d’Algérie en juillet 1962.
C’est-à-dire ?
Gérard Crespo : Les personnages du roman – mais est-ce un roman ? – de Maria Cardoso vivaient le même départ chaotique que le mien.
C’est alors que vous avez décidé de vous informer sur les conditions d’accession à l’indépendance des colonies portugaises en Afrique ?
Gérard Crespo : Exactement. Et je me suis rendu compte qu’il y avait de grandes similitudes entre l’Algérie de 1962 d’une part, et l’Angola et le Mozambique de 1975 d’autre part. À savoir :
. Une indépendance octroyée après des années de guerre.
. Lesquelles guerres n’ont pas été gagnées par les indépendantistes.
. Des indépendances données à la hâte sans se soucier de l’avenir des ressortissants européens.
. La fuite éperdue de ces derniers sans que la Métropole assure leur sécurité et les conditions de leur départ.
. Des conditions d’accueil déplorables et dans certains cas l’hostilité des populations locales vis-à-vis de leurs compatriotes considérés parfois comme des intrus.
. Enfin l’abandon des soldats autochtones qui avaient combattu aux côtés de l’armée portugaise (nous ferons le parallèle avec les Harkis).
Comment expliquez-vous cela ?
Gérard Crespo : Dans les deux cas, Algérie et Afrique portugaise, il y a chez les gouvernants métropolitains la volonté de se débarrasser de territoires qu’ils considéraient comme un boulet au mépris de leurs concitoyens assimilés à des colons, personnages à contre-courant de l’Histoire. La colonisation appartenait à un passé qu’en Europe, on reniait déjà.
La décolonisation portugaise en Afrique 1960-1975, Gérard Crespo, préface de Francis Stuck, Éditions Dualpha, collection «Vérités Pour L’Histoire », dirigée par Philippe Randa, 214 pages, 25 euros.
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