Les syndicats SUD-Rail et CGT appellaient ce vendredi 18 octobre les conducteurs et les contrôleurs à faire valoir leur droit de retrait. En cause : le détricotage de plus en plus massif des procédures de sécurité par la SNCF, et le fait que de plus en plus de circulations sont maintenant privées de contrôleur. Le 16 octobre, le pire a été évité de justesse en Champagne-Ardennes lorsqu’un train a percuté un convoi exceptionnel.
Le conducteur, lui-même blessé, a du gérer seul les 10 passagers blessés et la situation – il était en EAS (équipement agent seul), c’est à dire sans contrôleur pour assurer la circulation. Ces circulations se multiplient, pour des raisons d’économies. Ce que dénonce avec force Sud-Rail : « la direction SNCF reste sourde aux demandes, pourtant justifiées, des usagers et des agents SNCF, rejetant toute la faute sur les régions organisatrices des transports ».
Ce dont témoigne Michel, usager régulier de la ligne Nantes – le Mans. « La moindre merde sur le réseau prend un retentissement énorme car c’est le jeu perpétuel du c’est pas moi c’est l’autre, tout ça sur fond de pénurie totale de moyens. Hier encore le TER le Mans – Nantes de 17h41 s’est retrouvé bloqué une demi-heure à Sablé suite à la panne– traction et portes, tout de même – d’un autre train, et sur le quai un agent SNCF visiblement à bout expliquait à un usager que c’était la faute de la région qui veut privatiser et démanteler la SNCF ».
Cet autre usager bloqué à Nantes est lui « très énervé. C’est pénible, même si pour une fois ça se comprend. Je travaille dans le BTP, il y a des moments où j’envoie bouler mon patron. La sécurité, ce n’est pas négociable. Mais c’est encore une grève, encore du retard. Ras le bol ! ». Omar, lui, « constate que la loi sur le service minimum, c’est encore du baratin de politique. La vérité, c’est que personne ne peut obliger les cheminots à travailler ou à rouler s’ils décident tous d’arrêter, et que personne ne peut le prévoir ». Pour Jacqueline, « ça montre que malgré ce que disent médias et politiques, les syndicats servent encore à quelque chose et sont encore assez efficaces pour mobiliser toute une profession ».
Cette cheminote en Pays de Loire témoigne : « on fait tous à l’os, au ras des carreaux. Le moindre imprévu fiche tout en l’air car il n’y a plus de réserve, plus de moyens mobilisables en cas de problème. Nous mêmes on est pris en écharpe entre les injonctions contradictoires de la région et de la SNCF. Ça ne nous fait pas plaisir que les usagers voyagent dans des bétaillères, où ils sont debout dedans, car le matériel n’est pas adapté à la charge, ou que les gares sont de plus en plus fermées – mais la région le demande, et tant que ça fait économiser de l’argent à notre direction, tout passe. Même au prix de notre insécurité ! ».
La CGT de son côté « exige le retour des contrôleurs sur l’ensemble des circulations afin de permettre aux agents de conduite de se concentrer uniquement sur la gestion de la sécurité ferroviaire ». Un cheminot chevronné nous explique pourquoi il a débrayé : « les règles de sécurité sont écrites avec du sang. D’agents ou de voyageurs, au fur et à mesure des accidents dans l’histoire. Si on les détricote il y aura à nouveau du sang et on n’en veut pas. Le pire a déjà été évité à plusieurs reprises récemment. On se bouge avant qu’il y ait des morts ».
Ce vendredi, les circulations sont intensément perturbées, notamment en Normandie, Bretagne, PACA, Pays de la Loire où les circulations de certaines lignes sont entièrement suspendues. Selon la direction de la SNCF, un TER sur deux circule. En réalité, tous les réseaux sont perturbés : TGV, Transilien, RER, TER. Hors du cadre légal – les agents exercent leur droit de retrait parfois quelques minutes avant de prendre en charge leur train – mais très mobilisés, les agents SNCF espèrent renverser la vapeur et maintenir la sécurité des usagers.
Louis-Benoît Greffe