À la suite de l’exclusion le 3 octobre de Pascal Gannat, ex-chef du groupe RN jusqu’en 2017 au conseil régional des Pays de Loire, le groupe des élus RN et apparentés s’est réuni sans ses assistants. Il n’a choisi ni la scission, ni la sécession, mais le maintien de Pascal Gannat au sein du groupe, le 14 octobre dans la matinée. Et ce malgré les consignes de Marine Le Pen, qui avait enjoint à l’actuel président non encarté, Jean Goychman, d’exclure Pascal Gannat du groupe.
Dans un courrier envoyé aux militants de la région le 3 octobre, Gilles Pennelle expliquait les raisons officielles de l’exclusion de Pascal Gannat, attendue depuis longtemps par certains militants, tant il n’était plus en grâce au sein de la direction du parti : « Non-remboursement des prêts que le RN lui avait consentis pour la campagne des élections législatives de 2017, alors que Pascal Gannat a eu personnellement remboursement de l’État des dépenses de campagne correspondantes ; non-versement mensuel, comme il s’y était engagé par écrit (comme tous les conseillers régionaux du mouvement), d’une partie de l’indemnité de conseiller régional au Rassemblement National [300 € par mois], déclarations répétées, y compris à la presse, critiquant la ligne du Rassemblement national, de sa présidente et de leurs choix stratégiques (exemple : liste des européennes) ».
Seule la dernière raison serait à l’origine de cette décision, selon des proches du dossier : « en fait, c’est un conflit d’autorité. Pascal Gannat, ex-chef de cabinet de Jean-Marie Le Pen et cadre du parti dans les années 80, est assez indépendant d’esprit, critique envers la direction que prend le RN, et il est nettement plus Marion que Marine, ce n’est pas un secret. De plus, il ne pouvait pas voir Philippot en peinture, et ce n’est guère mieux avec l’activiste LGBT Sébastien Chenu, nouveau protégé de Marine. Enfin, il est catholique et contre la PMA, alors qu’au sein du RN, Marine Le Pen n’a pris position contre la loi bioéthique que sur le tard, après avoir mesuré l’hostilité de la base. Les cadres du RN dans leur petite bulle n’y sont pas opposés ».
Pascal Gannat lui-même nous expliquait il y a peu que « la décision met un bordel terrible dans le groupe, notamment car le procédé [le courrier aux militants] est lui-même très bas ». Il ne conteste pas le non-remboursement, mais l’explique par « des problèmes d’argent liés à ma boîte quand je me suis engagé au RN. C’est une histoire banale : un type qui fait de la politique, qui connaît des problèmes d’argent et professionnels du fait de son parti ».
Il dénonce la purge entreprise : « je suis dans le collimateur car je suis dans l’union des droites et je suis anti-PMA. Du reste, Marine Le Pen m’avait nommé membre du bureau politique, alors que je n’étais même pas adhérent, et m’a pris en grippe aussi vite qu’elle m’avait pris en amitié. Il y a dans ce parti un autoritarisme terrible, qui s’abat aussi sur une région historiquement catholique et insoumise ».
Il estime que les perspectives du RN sont bouchées, « d’abord suite aux problèmes d’argent. J’avais bénéficié pour ma campagne de l’appui de la Cotelec, maintenant c’est fini. Le RN est en faillite, et il est incapable par ailleurs de former des majorités. Si c’est pour que Marine Le Pen refasse un tour de piste en 2022, cette fois un peu plus à gauche, et que Macron repasse, ce n’est pas la peine ». Il y a aussi un plafond de verre politique : « dans les années 90 le FN faisait des pointes à 17 %, aujourd’hui le RN est à 23-24 %, +5 % en 25 ans, c’est peu. En fait avec Marine Le Pen le RN fait du surplace ».
Marine Le Pen dicte ses ordres à Christelle Morançais (LR)
Il n’est pas sûr que la décision du groupe RN des Pays de Loire de maintenir Pascal Gannat en son sein lui fasse des amis au sein des cadres du RN. Selon nos informations en effet, Marine Le Pen s’est même fendu d’une lettre à la présidente de région Christelle Morançais pour lui annoncer l’exclusion de Pascal Gannat, le 10 octobre dernier : « je vous indique que M. Gannat ne peut plus se réclamer du Rassemblement national ni siéger dans un groupe se réclamant du Rassemblement national ».
Quoi qu’il en soit, les élus pensent que « la direction du parti n’en restera pas là ». Un élu précise : « Maintenant, soit ils reculent et perdent la face, soit ils continuent de foncer et risquent la scission ». Plusieurs élus seraient en effet prêts à quitter le groupe si Pascal Gannat en était sommé de partir.
Les élus RN sommés de quitter le groupe
Lundi soir, Louis Aliot selon nos informations s’est mêlé de la querelle : « les élus ont été sommés de quitter le groupe s’ils restent fidèles à Marine Le Pen ». Une réaction à chaud qui agace cette élue régionale : « on va laisser passer la [session] plénière [jeudi et vendredi] et voir. Je suis assez étonnée que quelqu’un qui a fait des études de droit, Marine, écrive ce genre de choses à une présidente de région. Elle n’a pas d’ordres à recevoir ! Je suis pour l’application stricte de la loi : on maintient le groupe, et c’est marre ».
Du côté des proches de Gannat, c’est une certaine satisfaction qui demeure : « ils ont foncé tête baissée dans le piège. Maintenant, ce n’est pas nous qui apparaissons comme les ferments de division, mais eux qui sont à l’initiative d’une volonté d’éclatement de notre groupe, contre la volonté d’une majorité d’élus », explique un élu régional. De quoi faire soupirer ce proche du dossier : « on dirait que le RN estime qu’ils ont encore trop d’élus et de militants en Pays de Loire ».
Scission plénière en Pays de Loire
Selon nos informations, Louis de Cacqueray aurait cependant été investi par le RN au Mans. Par contre, une trentaine d’autres candidats, pourtant bien implantés mais jugés trop catholiques ou trop à droite, auraient été refusés par la commission nationale d’investiture. De même, certains maires sortants, notamment en Vendée, qui souhaitaient obtenir le soutien du RN sans en afficher les couleurs sur leurs listes, n’auraient pas été agréés.
Louis Moulin
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