« Nantes déborde », note tranquillement Julie Laernoes. « Je ne goûte pas cette expression », s’insurge Johanna Rolland avec un petit air pincé. La première, 37 ans, est aujourd’hui une lieutenante de la seconde comme vice-présidente de Nantes Métropole. Mais elle conduira la liste d’Europe Écologie Les Verts (EELV) aux élections municipales du printemps 2020. Plus de cinq mois à l’avance, leur duel électoral débute au sabre d’abordage.
C’était vendredi dernier, au cours du conseil de Nantes Métropole. La majorité municipale avait montré une unité de bon aloi en votant un vœu sur « l’urgence climatique ». Cela ne mangeait pas de pain. Puis l’ambiance s’est gâtée à propos de l’Arbre aux Hérons. Quoique ancien, ce projet est aujourd’hui emblématique pour la maire socialiste. Il semble assez populaire dans l’opinion. Mais ces hérons en fer ont du plomb dans l’aile. Les études de faisabilité lancées début 2017 auraient dû être achevées depuis longtemps. Elles ne le sont pas et les auteurs de l’Arbre ont réclamé 1,5 million d’euros pour les poursuivre.
Nantes change trop vite et attire trop
Johanna Rolland risque sa crédibilité sur ce dossier. Les Verts ont refusé de partager le risque : ils ont voté contre le budget supplémentaire. Julie Laernoes en a profité pour s’en prendre à la « stratégie d’attractivité » suivie par Nantes depuis plus de vingt ans, dont l’Arbre est un symbole :
Nantes change plus vite que ne le souhaitent ses habitants. Nantes, pour le dire d’un mot, déborde. […] Et la stratégie de rayonnement et d’attractivité que vous proposez de poursuivre va aggraver cet état des lieux, faute d’admettre qu’il est temps de passer à autre chose : encore une fois, Nantes n’a pas de problèmes d’attractivité. Nantes a désormais des problèmes nés de son attractivité.
Elle l’a redit un peu plus tard, à propos d’un projet d’agrandissement de la Cité des Congrès de Nantes :
Nantes n’a pas, n’a plus, de problèmes d’attractivité. Nantes a aujourd’hui des problèmes nés de son attractivité. […] Nous allons finir par construire une ville agréable à traverser, agréable à visiter, mais une ville impossible à habiter.
Julie Laernoes ne se contente pas de vœux sur l’urgence climatique. Elle réclame des actes. Selon elle, Johanna Rolland et les siens se contentent de simulacres.
Le fossé politique est aggravé par une inimitié personnelle entre les deux jeunes femmes. « Je n’ai jamais eu de très bons rapports avec Johanna Rolland », disait Julie Laernoes à Éric Cabanas, de Presse Océan, en juillet dernier. Elle assume son comportement abrupt : « Je pense qu’il y a quelque chose de l’ordre du culturel. J’ai été élevée aux Pays-Bas où l’on a une approche très pragmatique. Quand il y a besoin de résoudre un conflit, il faut poser les bases de manière claire sinon on ne peut jamais le dépasser. » Le style de Johanna Rolland, habituée aux manœuvres d’appareil socialistes, est évidemment tout différent.
Les écologistes imbattables… à condition d’ouvrir les yeux sur les migrants
Pour les municipales, à Nantes comme à Rennes, les écologistes pouvaient choisir de maintenir une stratégie d’alliance avec les socialistes ou jouer leur propre carte. Ils ont non seulement choisi d’y aller seuls mais de taper dur.
Ils ont obtenu 24,35 % des voix à Nantes aux européennes du printemps 2019, à deux points derrière le parti présidentiel. Le PS, dont la liste était pourtant intitulée « Envie d’Europe écologique et sociale », a dégringolé à 9,42 %. Pour Johanna Rolland, même si l’électorat nantais est plutôt conservateur, la catastrophe menace.
Elle serait encore plus certaine si Julie Laernoes, dont le parti reste obéré par le passé gauchiste d’une partie de ses membres, menait jusqu’au bout son raisonnement sur cette « attractivité » de Nantes qu’elle refuse de cultiver. Quand l’État s’est décidé à faire évacuer le square Jean-Baptiste Daviais, en septembre 2018, les quelque 300 migrants qui le squattaient se sont repliés sur le gymnase Jeanne-Bernard, à Saint-Herblain. La préfecture a refusé de les expulser. Nantes n’en est devenue que plus attractive : de nouveaux illégaux arrivent tous les jours. Le gymnase « déborde », en effet.
Les Roms illustraient déjà cette « attractivité » de Nantes. À l’approche de l’adhésion de la Roumanie à l’Union européenne, Jean-Marc Ayrault, avait décidé de leur ouvrir les bras en préparant des mobil-homes pour 80 arrivants. Douze ans plus tard, ils étaient deux mille en Loire-Atlantique.
Tous les Nantais sont témoins du coût social de l’immigration et peuvent se faire une idée de son coût écologique énorme. La « pragmatique » Julie Laernoes fait semblant d’ignorer le problème. Reste à savoir si cette cécité idéologique résistera aux nécessités électorales.
E.F.
Crédit photo : copie partielle d’écran retransmission en direct du conseil de Nantes Métropole par Télénantes
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