Alors que l’Italie vient de vivre une crise de gouvernement sans précédent et qu’au mépris du vote des Italiens et de tous les sondages, la gauche s’est réinstallée au pouvoir, il est temps de faire la lumière sur une des plus grandes figures de la gauche italienne en la personne de Renzi et de son ancien parti, le Parti Democratico (PD) dans lequel il est resté 10 ans. L’histoire de Matteo Renzi et celle du PD sont pour le moins indissociables et si Renzi a fait le choix de partir, ce sont principalement pour des raisons personnelles : il n’avait plus le contrôle total du PD.
Le PD est le parti d’Italie rassemblant le plus de scandales divers et variés et Renzi est, selon des observateurs, une personne complexe, à la fois maline, hypocrite et peu sérieuse, dotée de surcroît d’un égo surdimensionné.
Matteo Renzi : sa carrière et ses affaires judiciaires
Renzi commence sa carrière en 2009 comme maire de Florence. Andrea Carriero, analyste politique, nous explique son parcours. « Avec sa manière d’être [de Matteo Renzi – NDLR] particulièrement effrontée et son audace, il débute son ascension vers le sommet du PD. En 2012, il défie Bersani aux primaires du parti mais il est battu avec 39,1 % des voix. Il gagne seulement en 2013. Ainsi à la tête du PD, il est appelé par Giorgio Napolitano pour former un nouveau gouvernement : un peu plus de 2 années caractérisées par des conflits internes continuels entre la vision de Renzi et celle des membres plus anciens. En effet, Matteo Renzi est un homme trop “centralisateur” et égocentrique voulant commander seul. Toutes les décisions importantes du Parti, il voulait les prendre seul, il voulait être le seul à diriger. Il a voulu transformer le PD en un parti à son image et à sa convenance ». En effet, Renzi en a fait un parti personnel qui aboutira à l’effondrement monumental du PD car il ne lui aura ainsi laissé aucune issue ni aucun renouvellement possible, et l’aura notablement décrédibilisé.
Toutefois, dans un premier temps, Renzi mène le PD à la victoire avec 40,8 % de voix, lors des Européennes de 2014. Mais dès 2015-2016, les premières défaites arrivent. « Il a commencé à perdre, continue Andrea Carriero, parce qu’il a promis beaucoup, comme baisser les taxes ou élever la voix en Europe, mais n’a rien fait. Il n’est même pas cohérent dans ses propos et se montre hypocrite : par exemple il a toujours dit que s’il perdait son référendum en 2016, il disparaissait de la politique [voulant imiter De Gaulle bien qu’il n’en ait ni la prestance, ni l’aura – NDLR]. Alors que sa défaite au référendum est retentissante – 59,12 % des Italiens rejettent les mesures proposées par Renzi et son équipe – Renzi reste à la tête du PD et les conduit à la défaite de 2018 où il obtient seulement 18,76 % des voix. Seulement alors, il démissionne de son rôle de secrétaire du PD mais reste sénateur dans le parti. Puis il lâche le PD et propose son nouveau parti “Italia Viva” afin de se retrouver un parti personnel qu’il puisse contrôler tout seul ». Et d’ailleurs, en quittant ainsi le PD, Matteo Renzi lui assène un dernier coup : premièrement il lui enlève une grande partie de ses membres – 41 parlementaires – en créant un appel d’air et ensuite il lui cause un dommage de 3 millions d’euros. En effet, ils n’auront, tout d’abord, pas les 2 millions d’euros de subventions que versent la Chambre et le Sénat en fonction du nombre d’élus dans un parti, ensuite ils n’auront plus les contributions mensuelles s’élevant à 1 500 euros des parlementaires qui ont quitté, soit un total de 918 milles euros à l’année.
« Le but de Renzi, avec Italia Viva – nous explique encore Andrea Carriero – est d’observer les différentes mesures du gouvernement PD-M5S qui, pour faire passer les lois, ont tout de même besoin de leurs voix. De plus, l’an prochain auront lieu des nominations importantes dans quelques entreprises d’État italiennes, telles que ENI [Ente Nazionale di Idrocarburi – NDLR] ou Leonardo [dans les secteurs de la défense, l’aéronautique et spatial – NDLR], et Renzi entend bien pouvoir y placer quelques-uns de ses hommes à leur tête. Il veut que son parti soit déterminant dans le sort d’un éventuel nouveau gouvernement qui se créerait. Si le PD venait à prendre des mesures négatives, Italia Viva veut en profiter pour récupérer une grosse partie des électeurs du PD. Et si le gouvernement tient, Renzi compte bien pouvoir avoir son mot à dire à la prochaine élection présidentielle ».
Des proches de Renzi rattrapés par des affaires
Pour ce qui est de la carrière et du portrait de Matteo Renzi, une des principales figures de la gauche italienne, le décor est campé. Mais il reste ses affaires judiciaires, les siennes et celles de ses proches.
En effet, lui-même, ses parents, Laura Bovoli et Tiziano Renzi, son beau-frère, Andrea Conticini, ainsi que les frères de son beau-frère, Alessandro et Luca Conticini, sont en cours de procédure judiciaire pour des raisons de fraudes financières.
Renzi a été condamné en première instance par la Cour des comptes de Toscane, pour n’avoir pas payé à l’État, la somme de 15 000 euros d’impôt, alors qu’il était président de la province de Florence. Fraude fiscale, donc.
Alessandro, Luca et Andrea Conticini sont, eux, jugés par le parquet de Florence, pour appropriation indue de fonds, et détournement de fonds d’une valeur de 6,6 millions d’euros, fonds destinés à l’assistance à l’enfance en Afrique.
Enfin, les parents de Matteo Renzi sont mis en examen pour faillite frauduleuse et fausses factures. Au centre de l’enquête, on trouve la faillite de Delivery Service, Europe Service et Marmodiv, qui sont toutes des coopératives autour de la société de la famille Renzi, Eventi6. Dissolution, liquidations, transferts de bureaux, transferts d’actions, redistribution des rôles, faillites programmées, factures gonflées, voilà tout ce qui entourait l’entreprise des parents Renzi.
Plus grave, le scandale de la Consip, implique entre autres le père de Matteo Renzi et un autre élu du PD. La Consip est une société par action, dont l’unique actionnaire est le ministère de l’Économie et des Finances. Le parquet de Rome a ouvert une enquête sur des fuites de données et corruption. Plusieurs personnes sont déjà mises en examen. Parmi elles, Tiziano Renzi et Luca Lotti, ex-sous-secrétaire du président du Conseil et ex-ministre des Sports. La carrière politique de Matteo Renzi et son honnêteté douteuse évoquées, passons au parti qu’il a fait à son image.
Le PD, parti italien ayant le plus d’affaires judiciaires à son actif
Le PD naît en 2007, rassemblant les partis socialistes, ceux de la gauche communiste, les démocrates-chrétiens, mais aussi les partis européistes. C’est un parti qui rassemble donc tout à la fois, la gauche caviar et les pseudo-prolétaires et cela est loin de signifier honnêteté et transparence. Et de fait, le PD est le parti italien qui recense le plus d’affaires judiciaires – au total quelques 125 élus du PD faisant l’objet de poursuites judiciaires –, le tout bien qu’une bonne majorité de juges leur soient acquis. Le parti est donc plutôt caractérisé par l’hypocrisie et les magouilles financières plus ou moins graves.
Ce ne sont plus, en effet, des épisodes de corruption isolés mais un véritable système de fraude organisée, comme le souligne Il Panorama.
En 2016, en Basilicate, l’ex-maire de Corleto Perticara, Rosaria Vicino est arrêtée le 30 mars 2016 par le parquet de Potenza. Elle avait transformé le bourg en place forte personnelle : elle truquait les primaires du PD, elle se servait des voitures de fonction pour aller chez le coiffeur, elle avait réduit les vigiles urbains à être ses gardes du corps…
En outre, s’enchaînent des affaires de détournement de fonds (les affaires les plus courantes) avec un profit allant de centaines de milliers d’euros à 1 million d’euros, parfois en lien plus ou moins explicite avec la mafia, le plus souvent la Camorra (Campanie) et la ‘Ndrangheta (Calabre). Cela devenait tellement une habitude au sein du PD, qu’en 2016, divers journaux sortent la liste par régions des élus du PD, impliqués dans des affaires de corruptions, comme Il Fatto Quotidiano, Il Panorama…
Mais en 2019, éclate un nouveau scandale, bien plus grave, basé sur un trafic avec des enfants, toujours pour des raisons financières mais peut-être aussi idéologiques, de destruction de la famille.
Tout a commencé à l’été 2019, quand le procureur de Reggio Emilia (en Émilie-Romagne), Valentina Salvi, alertée par le nombre de dénonciations faites par les services sociaux contre des parents accusés de violences en famille, décide d’ouvrir une enquête qui impliqueront des avocats, des psychologues, des assistantes sociales et des hommes politiques.
Parmi les dénonciations suspectes, il y avait un grand nombres d’accusations d’abus sexuels et de maltraitance qui dans la plupart des cas, étaient classées sans suite parce qu’infondées ou sans preuves tangibles. L’enquête a mis en évidence de faux rapports, faux documents et des pressions psychologiques utilisées par les psychologues afin de pouvoir arracher les mineurs à leur familles. De véritables mécanismes de persuasions et usage d’histoires fantaisistes pour décrédibiliser les familles des jeunes. Une fois détruits, les jeunes enfants étaient contraints de dénoncer leurs parents en racontant avoir subi des violences imaginaires.
Des enfants manipulés
Selon ce qui ressort des documents, les enfants étaient manipulés pendant des séances de psychothérapie auxquelles ils étaient tenu de se soumettre, comme indiqué par les services sociaux. Pour conditionner les déclarations des mineurs, les thérapeutes utilisaient aussi des appareils. En effet, durant les perquisitions, des appareils ont été saisis : ils étaient appelés « machines à souvenirs » et serviraient à aider les enfants à éliminer les mauvais traitements passés de leur esprit. Ces machines, mises au point aux États-Unis, produisent de légères vibrations et sont utilisées pour les traitements de traumatismes et de problèmes liés au stress post-traumatique.
Dans les 277 pages d’enquêtes, sont consignées des heures et des heures de lavage de cerveau pratiqué par les médecins envers les enfants et interceptés par la police. Les mineurs étaient poussés par les thérapeutes à confesser des faits jamais survenus – dans la plupart des cas, abus sexuels ou violences physiques. Pour rendre encore plus crédibles les violences, les psychologues ajoutaient eux-mêmes des détails troublants sur les dessins des enfants, souvent avec une connotations sexuelle claire. Pendant les heures de thérapie, les psychologues mettaient en scène aussi des jeux de rôle pour influencer les enfants, dans lesquels ils se déguisaient en personnages de fables pour représenter leur parents ayant l’intention de leur faire du mal.
Et cela, selon l’enquête, n’est qu’une partie des méthodes employées envers les enfants dans le but de les éloigner de leur parents, et ensuite de les mettre en famille d’accueil et de les soumettre à un organisme de cures, privé et payant de l’association Hansel et Gretel. L’association, gérée par Claudio Foti avec sa femme Nadia Bolognini, se serait attribué l’usage de bâtiments publics sans avoir participé à aucun appel d’offre et occupe l’immeuble sans payer de loyer. Foti est considéré comme un spécialiste en matière de traitement de mineurs victimes d’abus, thème sur lequel il a écrit de nombreux traités et tenu de nombreuses conférences pour former d’autres psychothérapeutes à ses méthodes. Selon les accusations, les enfants, une fois confiés à l’association Hansel et Gretel, auraient été soumis à des séances de psychothérapie payées environ 135 euros la séance par la mairie, alors que le coût moyen d’une séance est de 60 à 70 euros. Un système qui aurait coûté 200 000 euros au service sanitaire de Reggio Emilia.
Comment cela fonctionnait-il ? Le paiement des travaux de psychothérapie ne respectait pas les procédures : les familles d’accueil recevant les enfants payaient les soins à leur nom et ensuite se débrouillaient pour tout récupérer à travers des remboursements. Et ainsi même les bilans des communes impliquées étaient falsifiés. Selon les rapports du parquet de Reggio Emilia, rares sont les cas pour lesquels les familles d’accueil n’ont pas de relations amicales ou sentimentales avec les responsables des services sociaux, familles qui sont souvent des couples homosexuels. Par exemple, une petite fille a été confiée à Daniela Bedogni et à Fadia Bassmaji, couple gay uni civilement en 2018. Federica Anghinolfi, chef des services sociaux, traduite en justice, avait des liens amicaux avec le couple et avait même eu une relation sentimentale avec Fadia Bassmaji.
Tout d’abord donc, des intérêts économiques qui liaient des communes de l’Union du Val d’Enza (communauté de communes d’Émilie-Romagne) aux responsables des associations privées. D’une part, les associations géraient la mise en famille d’accueil de tout le service de psychothérapie et d’autre part des personnes dépendantes de l’Union du Val d’Enza recevaient des charges rétribuées au sein de l’association. Et les familles d’accueil recevaient une somme d’argent souvent bien supérieure au seuil minimum consenti, le tout justifié par de faux documents soutenant que l’enfant nécessitait plus de soins. Un système tellement bien au point qu’il a permis l’ouverture d’un centre régional spécialisé dans les traitements du traumatisme infantile dû à des abus sexuels et des maltraitances…
Au total, 29 personnes ont été interpellées. Tout d’abord le maire PD de Bibbiano, Andrea Carletti mais aussi les ex-maires PD de Montecchio Emilia et Cavriago, Paolo Colli et Paolo Burani, en poste au moment des premiers faits : ils sont mis en examen pour fraude de procédure, abus de pouvoir, maltraitance sur mineurs, lésions graves, faux actes publics, violence privée, tentative d’extorsion et détournement de fond. Des avocats, la coordinatrice des services sociaux, une assistante sociale, deux psychothérapeutes, la responsable des services sociaux du Val d’Enza, Federica Anghinolfi, ainsi que quelques familles d’accueil ont également été arrêtés.
Politiquement, cela a déchaîné la colère des autres partis, depuis la Lega jusqu’au M5S – qui l’appelle « le parti de Bibbiano » – en passant par Fratelli d’Italia. Tous ont élevé la voix contre ce scandale et le fait que le PD n’ait pas pris de mesures rapidement pour enrayer le mal. Mais ce qui ressort aussi, c’est le silence du PD qui n’a pas daigné s’excuser et sa colère face à l’association du nom du parti avec le scandale de Bibbiano.
Italia Viva, le nouveau parti de Renzi aurait-il déjà des problèmes ?
Le parquet de Florence met en examen l’avocat Alberto Bianchi à la tête de la Fondation qui a soutenu l’ascension politique de Matteo Renzi. Un nouveau parti et déjà les premiers problèmes pour l’entourage de Matteo Renzi. Deux jours après la naissance du nouveau parti, Italia Viva, l’avocat Alberto Bianchi, financier des initiatives de la Leopolda de Florence (organisation de rencontre politiques à l’initiative de Matteo Renzi) et ex-président de la fondation Open, a été mis en examen pour trafic d’influence. La Fondation, née en 2012, aurait recueilli environ 7 millions d’euros pour soutenir Renzi.
Ainsi Renzi commence son nouveau parti avec une nouvelle affaire sur le dos, qui refait surface. Bizarrement, les juges lui sont moins cléments depuis qu’il a quitté le PD, comme le souligne Andrea Carriero.
Toutefois, Matteo Renzi a toujours une autre corde à son arc pour faire passer la pilule : la bien-pensance. En effet, il se dit le premier parti féministe (sic) d’Italie. Mais même là-dessus, il tombe sur un os. Effectivement, Giorgia Meloni de Fratelli d’Italia s’est empressé de lui répondre : « Le premier parti féministe ? Comment cela… pensé par Renzi, fondé par Renzi et dirigé par Renzi qui choisit et nomme les femmes du parti. Tous féministes dans les partis de gauche, mais l’unique parti dirigé par une femme est à droite et s’appelle Fratelli d’Italia ».
Il primo partito femminista?
Come no… Pensato da Renzi, fondato da Renzi e guidato da Renzi che sceglie e nomina le donne nel partito.
Tutti « femministi » i partiti di sinistra, poi l’unico guidato da una donna è a destra e si chiama @FratellidItaIia. pic.twitter.com/2bWfEX62xP— Giorgia Meloni ?? ن (@GiorgiaMeloni) September 25, 2019
De notre correspondante en Italie, Hélène Lechat.
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