Françoise Gatel s’inquiète pour le « repos dominical ». Pourtant lorsque les groupes de distribution ont multiplié les magasins dans le Pays de Rennes, elle n’a pas eu l’air de se tracasser. Pourquoi ?
Ouvrir le dimanche matin
On le sait, les grands groupes de distribution (Carrefour, Casino, Leclerc, Intermarché, Auchan, Cora, Système U) ont connu leur heure de gloire. Aujourd’hui ces grandes surfaces souffrent : trop nombreuses, modification des goûts de la clientèle, concurrence féroce de Lidl. Alors on tente diverses solutions : vente, fermeture et restructuration des magasins, grande place accordée aux produits locaux et bio, extension des galeries marchandes… Mais cela ne suffit pas pour maintenir le chiffre d’affaires. Alors on essaie autre chose. C’est ainsi que l’hypermarché Cora, à Pacé (près de Rennes), ouvre désormais le dimanche matin. D’où le mécontentement de Françoise Gatel (UDI), sénateur d’Ille-et-Vilaine : « Si toutes les grandes surfaces ouvrent le dimanche, on va assister à une véritable catastrophe économique. En tant qu’élu, je me bats pour faire rouvrir, dans les petites communes, des boulangeries, des boucheries ou des épiceries. Ces petits magasins rendent service aux habitants et assurent une grande partie de leur chiffre d’affaires le dimanche. » (Ouest-France, Ille-et-Vilaine, mercredi 18 septembre 2019).
Avec son « agenda rural », Édouard Philippe s’est contenté d’établir un constat : « Depuis plus de quarante ans, la France a fait le choix de développer très vite et très fort les grands équipements commerciaux en périphérie des villes. Peut-être avons-nous été trop loin. » (Ouest-France, 21-22 septembre 2019).
L’aveuglement des élus
À la vérité, on trouve deux niveaux de responsabilité dans la multiplication de ces grandes surfaces et de ces centres commerciaux en périphérie des villes et qui ont, littéralement, tué les petits commerces aussi bien dans les communes rurales que dans les quartiers des villes. D’abord les élus avec un PLU (plan local d’urbanisme) favorable à l’implantation des groupes de distribution. L’argument avancé par les maires était toujours le même : création d’emplois. Effectivement, une grande surface pouvait embaucher une centaine d’employés, mais elle détruisait le double ou le triple d’emplois dans un rayon de quinze à vingt kilomètres. L’aveuglement des élus était total.
Une corruption qui a fonctionné à plein
Ensuite le projet d’installation était soumis à l’approbation de la CDUC (Commission Départementale d’Urbanisme Commercial). Composées d’élus, de représentants d’associations de consommateurs, de membres de la chambre de commerce et de la chambre des métiers, ces commissions donnaient le feu vert aux créations et aux extensions. Rarement elles ne s’y opposaient. D’où l’explosion du nombre des grandes surfaces et des centres commerciaux à la porte de villes. Évidemment, pour obtenir le vote favorable des membres de la CDUC, la corruption a fonctionné à plein ; un vote, ça s’achète. Le journaliste Denis Robert a fort bien expliqué dans ses ouvrages comment s’y prenaient « les directeurs du développement » de ces groupes afin d’obtenir la « compréhension » des membres des CDUC.
L’arrosage des partis politiques
Et si ça ne suffisait pas, les groupes savaient utiliser les grands moyens : obtenir une dérogation du ministre du Commerce. Là encore, l’arrosage des partis politiques produisait des effets miraculeux. Le PS fut le grand champion de la méthode « échange signature contre valise » pendant l’époque Mitterrand. D’où le développement formidable d’un groupe né d’une scission…
Si elle voulait se rendre utile, Françoise Gatel devrait demander à ses assistants parlementaires d’établir un rapport sur les conditions dans lesquelles les grandes surfaces et les centres commerciaux on pu croître et se multiplier dans le Pays de Rennes. Et surtout le détail des votes sur chaque dossier. Avec indication des noms des individus et l’organisme représenté ; on aurait des surprises. On appelle cela la transparence.
Bernard Morvan
Crédit photo : DR
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