Après un premier roman adultes en 2018, Déchirer les ombres, et une bibliographie florissante en littérature jeunesse, Érik L’Homme vient de publier chez Calmann-Lévy un nouveau roman, Un peu de nuit en plein jour. Un roman qui mêle avec brio ombres tragiques et douceurs lumineuses des échappées poétiques.
Dans le monde du gris, du « ni nuit, ni jour », l’auteur taille le destin de deux héros. Un homme d’abord, Féral, un cogneur, un dur, qui, pour trouver en son cœur la lumière qui lui manque, s’adonne au combat à mains nues. Ces combats qui sont, pour tous ses semblables réduits à habiter les caves, la seule possibilité de s’arracher en quelques instants, sauvages et intenses, à la vacuité d’une vie courte et pauvre. Un peu comme des fenêtres intérieures, ouvertes sur l’ancien monde où régnaient encore les étoiles et les rêves des hommes, les rayons du soleil et la perspective de choisir sa destinée. Dans cette épaisseur de sombre, Féral va se cogner à Livie. L’héroïne cette fois, dont le prénom rime si gaiement avec la vie qu’elle incarne, énergique et clairvoyante, pétillante de jeunesse. Du choc de leur rencontre, naît un amour fulgurant, qui transperce leur existence et les pousse au plus profond d’eux-mêmes.
À la surface, seuls vivent les nantis, ceux qui ont voulu s’affranchir de la mort. Ceux qui ne côtoient jamais les clans asservis du dessous, qui n’ont pu que se partager les sous-sols de la capitale. Dans ce Paris désenchanté, les confins de la nuit et du jour se confondent avec les brumes de la mort et de la vie. Et si échapper à l’une, c’était renoncer du même coup à l’autre ? Une belle réflexion soulevée par l’écrivain. Quel sera le choix de Féral et de Livie ? Jusqu’au s’autoriseront-ils leurs rêves ?
« Le silence les enveloppe. Ça ne dérange pas Féral, il connaît le silence. Depuis longtemps il est en paix avec lui-même, avec son essence profonde qui pulse en attendant l’explosion des étoiles. Le silence ne lui fait pas peur, pas plus que le bruit, d’ailleurs, qui fait vibrer le ventre et gonfler la poitrine quand il s’échappe des gorges de ses frères, mais pour continuer à dialoguer avec le monde il faut le silence et Féral n’a pas besoin de mots pour dire aux arbres qu’il les aime. Le silence a ses respirations, ses densités, parfois étouffe et parfois libère. Livie, elle, ne craint pas non plus de se taire et Féral apprécie, il se sent mieux, un poids s’en va, un battement d’ailes délivre sa poitrine. Aussi il hoche la tête quand Livie lance, ses yeux de ténèbres brillant de promesses et d’attentes mêlées : “On se rejoint après la douche ?” »
Isabelle Lainé
Un peu de nuit en plein jour, Érik L’Homme, Calmann-Lévy, 17 €
Crédit photo : wikipedia (cc)
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