Yvon Pouliquen : « Il n’y a que la France qui sépare l’Alsace de la Bretagne ! » [interview]

Yvon Pouliquen est l’un des noms phares de l’histoire du football breton. Né dans le Finistère, où il a fait ses premiers pas en tant que joueur professionnel du Brest Armorique en 1982, mais aussi vainqueur de la Coupe de France en 2002 en tant qu’entraîneur du FC Lorient, celui qui est désormais agent de joueurs a accepté d’évoquer les différentes étapes de sa carrière. Avec bonne humeur, mais également des déclarations d’amour à sa Bretagne natale et à l’Alsace !

Yvon Pouliquen, agent de joueur

Breizh Info : Comment êtes-vous devenu agent de joueur ?

Yvon Pouliquen : Je ne vais pas vous dire « par hasard », c’est quelque chose qui m’avait trotté dans la tête à la fin de ma carrière de joueur. Quelques agents m’avaient contacté pour les rejoindre mais je venais de passer mes diplômes d’entraîneur.
Quand Grenoble a coulé en 2011, j’ai décidé de prendre une année sabbatique pour aller voir comment travaillaient certains entraîneurs et j’ai décidé de passer ma licence d’agent.
Je l’ai obtenue et quelques joueurs sont venus vers moi très rapidement, tout s’est enchaîné naturellement ensuite.

Breizh Info : En quoi consiste cette fonction, notamment durant la période du mercato ?

Yvon Pouliquen : Je suis un agent un peu différent des autres puisque je dois être le seul dans le monde du football à avoir à la fois eu une carrière de joueur, d’entraîneur et de directeur de centre de formation. J’agis peut-être un différemment de certains agents, en tous cas dans le domaine sportif, dans la mesure où je conseille les joueurs sportivement, un peu à la manière d’un coach mais toujours en accord avec leurs entraîneurs respectifs bien sûr.
Après, j’agis comme un agent classique, que ce soit lors du mercato ou même durant toute la saison, puisque finalement il y a cette période des transferts mais l’objectif est de représenter nos joueurs toute l’année, de leur trouver éventuellement des portes de sortie si ça ne se passe pas très bien dans le club dans lequel ils sont. C’est un travail permanent !

Breizh Info : Que vous apporte cette expérience ?

Yvon Pouliquen : Je suis au contact permanent de mes joueurs ! Quelque part, je reste un petit peu entraîneur. La différence est que je n’ai pas d’équipe, ça s’apparente d’avantage à la période où j’étais directeur du centre de formation de Strasbourg. J’essaye de mettre tous les joueurs que j’ai dans les meilleures conditions possibles pour qu’ils réussissent et puissent exercer leur métier. C’est un travail à la fois sportif et psychologique.

Breizh Info : Les agents de joueurs ont une réputation parfois sulfureuse, voire mauvaise, comment l’expliquez-vous ?

Yvon Pouliquen : C’est très simple, mon objectif et le rôle d’un agent à mes yeux sont comme je le disais de placer les joueurs dans les meilleures conditions, ce qui veut aussi dire dans les meilleurs clubs, là où leurs chances de réussite sont les plus importantes. Ce n’est pas l’argent qui prédomine !
Aujourd’hui, c’est vrai que beaucoup d’agents ne sont pas licenciés et que ce métier-là n’a pas bonne réputation, à nous de la changer. C’est aussi l’une des responsabilités des joueurs puisque beaucoup d’entre eux changent d’agent lorsqu’ils ne sont pas performants considérant qu’ils en sont responsables. Or, moi qui était joueur, je peux dire qu’un footballeur détient 98% de sa réussite et est toujours responsable de la carrière qu’il va effectuer.

Breizh Info : Vous nous avez parlé de la façon dont vous voyez votre métier, mais avez-vous des ambitions particulières en tant qu’agent ?

Yvon Pouliquen : Non je n’ai pas d’ambition particulière, je souhaite simplement continuer ce que je fais. Je travaille avec beaucoup de jeunes joueurs qui sont encore en formation, n’ont pas de statu pro, n’ont pas encore prouvé, c’est quelque chose qui me plait énormément. J’ai vraiment l’impression de revenir vingt ans en arrière, quand j’étais directeur du centre de formation. On façonne les joueurs de manière à ce qu’ils puissent devenir professionnels et effectuer une carrière de dix ou quinze ans.

Une longue carrière de joueur

Breizh Info : Quel souvenir gardez-vous de vos débuts au Brest Armorique en 1982 ?

Yvon Pouliquen : Un bon souvenir ! J’avais marqué lors de ma première apparition en pro, c’était une victoire face à Tours. J’y ai passé dix ans et je ne garde que de bons souvenirs, à la fois avec mes éducateurs au centre de formation qui m’ont beaucoup appris puis avec l’équipe professionnelle pendant quatre ou cinq ans. Brest restera toujours mon club de cœur.

Breizh Info : Pouvez-vous dire à nos plus jeunes lecteurs quel type de joueur vous étiez ?

Yvon Pouliquen : J’ai démarré ma carrière dans le secteur offensif, je jouais habituellement dans les couloirs, derrière l’attaquant de pointe, et au fur et à mesure je suis redescendu d’un voire deux crans pour me retrouver milieu défensif à 25-26 ans. J’étais un joueur relativement technique pour le poste. J’étais en gros un premier relanceur et j’avais un volume de course assez important, ainsi qu’une capacité à aller gratter le ballon dans les pieds des adversaires.

Breizh Info : Quels sont à vos yeux les plus grands accomplissements de votre carrière de joueur ?

Yvon Pouliquen : C’est l’ensemble ! Je suis content d’avoir fait quinze ans en tant que professionnel. Il y a des faits marquants et des matchs plus importants que d’autres bien-sûr, mais c’est plus l’ensemble de ma carrière qui me satisfait. Je vais disparaître des tablettes un jour mais je crois que je suis le troisième joueur breton à avoir effectué le plus de matchs en Ligue 1. Etienne Didot a battu ce record l’an dernier et Paul Le Guen est devant. C’est une fierté, tout comme avoir disputé 400 matchs en première division.
Je pense aussi avoir laissé de bons souvenirs partout où je suis passé, notamment en Alsace. Aujourd’hui je dis que je suis naturalisé Alsacien mais c’est un peu la réalité. Il n’y a que la France qui sépare l’Alsace de la Bretagne d’ailleurs ! (rires)

Breizh Info : Que représente votre sélection en équipe de Bretagne en 1988 contre les Etats-Unis ?

Yvon Pouliquen : Alors ça c’est quelque chose qui figure sur internet mais je n’ai jamais joué en équipe de Bretagne ! Si mes souvenirs sont bons j’avais été appelé à ce moment-là mais je n’ai jamais porté ce maillot. C’est un match qui devait tomber en fin de championnat, il y en a très peu, ça ne me laisse pas de regret particulier.

L’entraîneur de la victoire lorientaise en Coupe de France

Breizh Info : Avant d’évoquer « Yvon Pouliquen, l’entraîneur », pouvez-vous nous dire quelques mots sur votre poste de directeur de centre de formation, que vous avez occupé à Strasbourg à l’issue de votre carrière de joueur et jusqu’en 2001 ?

Yvon Pouliquen : Je pense que j’étais parti pour faire ma carrière en tant que directeur de centre de formation parce qu’être avec les jeunes est ce qui me plait le plus. Les aléas ont fait que je suis passé de l’autre côté, chez les pros. J’ai pris énormément de plaisir à diriger le centre de formation de Strasbourg, on a sorti pas mal de joueurs durant ces trois ou quatre ans. C’était un plaisir de travailler au sein de ce club, notamment avec des éducateurs comme François Keller et Jean-Marc Kuentz qui sont devenus des amis. Ce dernier est aujourd’hui adjoint de Julien Stéphan au Stade Rennais

Breizh Info : Vous êtes revenus en Bretagne en tant qu’entraîneur, à Lorient puis à Guingamp, était-ce une volonté de « rentrer chez vous » ?

Yvon Pouliquen : Non pas forcément, c’est un peu le hasard des rencontres ou des coups de téléphone. J’ai eu l’équipe professionnelle de Strasbourg pendant six mois lors desquels nous avons eu la chance de gagner la Coupe de France (ndlr : en 2001 contre Amiens) et puis un an plus tard, à la trêve hivernale de la saison 2001/2002, le président de Lorient André Jégouzo m’a contacté pour que je prenne la suite d’Ángel Marcos, qui partait pour Nantes.
Il a fallu réfléchir rapidement ! Est-ce que le fait que ce soit Lorient et que cela me rapprochait de la Bretagne a participé à mon choix ? Certainement un petit peu, mais j’avais surtout envie de repartir sur un banc. J’avais entraîné des pros pendant six mois et même si je me plaisais énormément au centre de formation strasbourgeois je voulais replonger dans l’atmosphère de la première division.

Breizh Info : Pouvez-vous nous parler de l’improbable saison 2001/2002 vécue sur le banc des Merlus ?

Yvon Pouliquen : Le regret est d’être descendu cette saison-là lors du dernier match, à Metz. Nous avons eu les opportunités pour nous en sortir, on n’a malheureusement pas su les saisir.
Il y a eu les deux finales de coupe qui nous ont certainement « pompées de l’énergie » mais qui ont aussi permis de maintenir tout le groupe concerné en fin de saison. Nous avons vécus des moments très forts, malheureux avec cette descente et heureux une semaine plus tard avec cette victoire en Coupe de France. C’est le seul trophée de l’histoire du club, il est gravé à jamais, c’est une fierté. J’ai ramené la Coupe de France de ma région d’adoption à ma région d’origine !

Yvon Pouliquen, lauréat de la Coupe de France 2002 en tant qu’entraîneur du FC Lorient

Breizh Info : Qu’est-ce que vous retenez de votre passage à Guingamp ?

Yvon Pouliquen : Que des bons souvenirs même, comme partout où je suis passé, même si ça ne s’est pas forcément bien passé à Guingamp. C’était une équipe en reconstruction après une descente en Ligue 2, ça ne s’est pas déroulé comme je l’aurais souhaité, ça a empiré après d’ailleurs puisqu’ils sont descendus en National quatre ans plus tard.
Cela m’a quand même permis de sortir des joueurs comme Yann Jouffre, Fabrice Abriel, qui étaient jeunes et ont ensuite fait une grosse carrière professionnelle. Je pense aussi à Laurent Koscielny !

Breizh Info : Vous n’avez plus entraîné en Bretagne ensuite, aviez-vous fait le tour ?

Yvon Pouliquen : Non, c’est une question d’opportunités ! Après Guingamp je suis parti à Grenoble.
Vous savez, dans le football, que ce soit en tant que joueur ou entraîneur, on ne privilégie pas une région plus qu’une autre et on sait pertinemment qu’on ne fera pas toute sa carrière dans sa région d’origine. Je me suis plu partout où je suis allé ; vous savez, le Breton a cette capacité de pouvoir s’adapter partout où il va ! (rires) Je me suis énormément plu à Grenoble et à Metz aussi.

Breizh Info : Est-ce que vous envisagez de revenir sur les bancs de touche ?

Yvon Pouliquen : Non, ça m’étonnerait. Le règlement ne permet pas à un agent de stopper sa carrière et de devenir entraîneur, il faudrait que je rende ma licence et que j’attende un an pour cela.

Le football breton et la place de Nantes

Breizh Info : Vous avez déjà évoqué l’Alsace, où vous avez passé une partie importante de votre carrière. Avez-vous découvert des similitudes entre Alsaciens et Bretons ?

Yvon Pouliquen : L’Alsacien a des caractéristiques qui ressemblent beaucoup à celles du Breton ! Il est aussi tête, il est aussi amoureux de sa région et de son identité. C’est une région où j’ai passé dix ans et je m’y suis énormément plu.

Breizh Info : Quel regard portez-vous sur le football breton d’aujourd’hui ?

Yvon Pouliquen : Un regard bienveillant parce qu’il est performant. Guingamp est descendu mais Brest est remonté.
Si Guingamp n’était pas descendu on pourrait dire qu’un quart du championnat français serait en Bretagne, avec Nantes et Rennes. Le foot breton se porte bien !

Breizh Info : Qu’est-ce que le retour de Brest au plus haut niveau vous inspire ?

Yvon Pouliquen : Beaucoup de plaisir ! Ce fut un véritable crève-cœur lorsque le club s’est écroulé (ndlr : dépôt de bilan en 1991), donc le fait de le voir retrouver la Ligue 1 aujourd’hui est un grand plaisir. J’espère qu’il se maintiendra, c’est l’objectif prioritaire. Il faudra ensuite qu’il pérennise sa place.

Breizh Info : Vous avez évoqué Nantes brièvement, êtes-vous d’accord avec Christian Gourcuff qui expliquait récemment que Nantes est bretonne ?

Yvon Pouliquen : (rires) Oui, à 50% quoi ! Je crois que le parlement de Bretagne a été pendant de nombreuses années à Nantes, donc Nantes était rattaché à la Bretagne, et je crois que c’est ce que les Nantais souhaitent aujourd’hui. Cela ferait un club supplémentaire en Bretagne !

Propos recueillis par Alexandre Rivet

Crédit photo : DR / www.yvonpouliquenfootconseil.com/
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