De nombreuses personnalités françaises apparaissent dans le « Carnet Noir de Jeffrey Epstein », le richissime homme d’affaires américain, retrouvé mort pendu dans sa cellule de prison de Manhattan et dont la mort reste encore très suspecte aujourd’hui.
Le «carnet noir» du milliardaire, subtilisé il y a plusieurs années par son majordome, mentionne les coordonnées (entre autres) de ses contacts en France. Publié en 2015 sur le site américain Gawker, notamment connu pour ses révélations explosives et le fait d’héberger plusieurs blogs populaires, le carnet d’adresses de Jeffrey Epstein liste ainsi plusieurs contacts répertoriés par ordre alphabétique, tantôt par noms, tantôt par catégories.
Parmi les personnalités listées (voir ici la liste complète) sur les carnets du prédateur sexuel soupçonné de pédophilie et de trafic international d’enfants – ce qui ne présume en rien d’un quelconque lien de ces gens avec cette sordide affaire – Jacques de Crussol d’Uzès (héritier du domaine d’Uzès), Hermine de Clermont-Tonnerre (actrice), Jean-Yves Le Fur (hommes d’affaires), Albert Benamou (gérant d’une galerie d’art parisienne), les princes Louis Albert de Broglie et Pierre d’Arenberg, Azzedine Alaïa (designer de mode), Marie Joseph Experton (avocate), Alberto Pinto (photographe et designer d’intérieur), Betty Lagardère (épouse de l’homme d’affaire Jean-Luc Lagardère), Edouard de Rothschild (homme d’affaires et héritier de la famille Rothschild), Jacques Grange (décorateur et architecte d’intérieur), Philippe Junot (banquier, premier mari de Caroline de Monaco).
Mais aussi le représentant permanent de la région Hauts de France au Royaume-Uni, Jean-Paul Mulot, proche de Xavier Bertrand (les deux hommes se connaissent depuis 30 ans) qui l’a nommé à ce poste.. Jean-Paul Mulot – on retrouve également sa femme, Annie Verdin, très impliquée dans le milieu du luxe – est ancien directeur délégué du Figaro. Pas moins de 6 numéros de téléphone des époux figurent sur le carnet d’Epstein.
Au conseil régional des Hauts de France, certains s’interrogent.
A commencer par le patron de l’opposition, Philippe Eymery, qui a directement interpellé Xavier Bertrand sur twitter.
Peut-on avoir un éclaircissement @xavierbertrand ? @jeanpaulmulot est tout de même représentant permanent du conseil régional des @hautsdefrance au Royaume-Uni. https://t.co/TdMKkb6am2
— Philippe Eymery (@PhilippeEymery) August 28, 2019
A la région Hauts de France, nous avons tenté de joindre le cabinet de Xavier Bertrand. La personne que nous avons eu au téléphone (secrétaire de cabinet) n’a pas souhaité faire de commentaire, nous indiquant ne pas être au courant. M. Eymery, lui, n’a obtenu aucune réponse à son tweet et M. Mulot n’a pas répondu à son interpellation via twitter, le 24 août, par un lanceur d’alerte basé en Pologne.
#Epstein :
Monsieur @jeanpaulmulot c’est bien vous qui êtes sur la « liste noire » du pédocriminel Epstein?
Si oui. Pourriez-vous, SVP, nous en dire plus sur Epstein? Que faisait-il à Paris? Que saviez-vous? C’est bien le digicode de votre Château de Puisieux qu’il avait?— Patrick Edery (@patrick_edery) August 24, 2019
Ce dernier a toutefois répondu le 28 août à Daily Nord, de façon catégorique : « J’ai rencontré Jeffrey Epstein une fois il y a une quinzaine d’années lors d’un repas à l’Orangerie à Paris. Il était affreusement mal élevé, odieux avec les serveurs. Et a exigé du poulet en criant “Chicken chicken” ! Je suis resté une trentaine de minutes (…) Mon épouse a fait ses études à Oxford – où elle est née – avec Ghislaine Maxwell. Il n’y a jamais eu de digicode à Puisieux-en-Clanlieu. L’assimilation avec un pédo-criminel est une dégueulasserie. A travers moi, c’est Nicolas Sarkozy et Xavier Bertrand que l’on vise »
On devrait en savoir rapidement plus sur les liens des uns et des autres et sur la raison de leur présence sur ce carnet, accidentelle ou pas.
En effet, le parquet de Paris , dans la foulée des révélations autour de l’affaire Epstein, a ouvert une enquête pour «viols» et «agressions sexuelles» notamment sur mineurs. «Les investigations, confiées à l’Office central de répression des violences faites aux personnes, auront pour objet de mettre au jour d’éventuelles infractions commises non seulement sur le territoire national, mais aussi à l’étranger au préjudice de victimes françaises» ainsi que d’éventuels «auteurs de nationalité française», expliquait le procureur de Paris Rémy Heitz dans un communiqué. Cette enquête préliminaire a aussi été ouverte des chefs d’«association de malfaiteurs en vue de commettre des crimes» et «association de malfaiteurs en vue de commettre des délits punis d’au moins 5 ans d’emprisonnement».
L’Affaire Epstein, qu’est-ce que c’est ?
L’affaire Epstein traite notamment d’un vaste réseau de pédocriminalité mais aussi de liens financiers entre des personnalités du monde entier. Le 6 janvier 2015, le journal britannique Daily Mail a révélé au grand jour le carnet (+90 pages) de Jeffrey Epstein, homme d’affaires américain. Le nom de plus de 600 personnalités de plusieurs pays sont répertoriés. Il s’agirait du réseau constitué par Epstein avec notamment les personnes qui lui fournissaient les jeunes filles et celles profitant du réseau pédophile.
Le 9 juillet 2019, il est arrêté à New York de retour de Paris. La justice le met en examen pour trafic sexuel sur mineurs de moins de 15 ans sur la période 2002-2005. Mais rapidement de nombreux témoignages de jeunes filles révèlent que cela s’était déroulé en continu.
Accusé d’avoir mis en place pendant plusieurs années un réseau constitué de dizaines de jeunes filles sous influence, avec lesquelles il avait des rapports sexuels, l’ex-gérant de fonds, réputé proche de Bill Clinton, encourait jusqu’à 45 années d’emprisonnement. Son suicide, le 10 août, près d’un mois après son arrestation, avait suscité une vive indignation, notamment chez ses victimes déclarées, qui souhaitaient qu’il réponde de ses actes devant la justice. Depuis, c’est la fille du défunt magnat britannique des médias Robert Maxwell, Ghislaine Maxwell, 57 ans, qui fait figure de suspect numéro un dans l’enquête.
Malgré des éléments troublants (surveillants endormis, changement de traitement médicamenteux, co-détenu changé de cellule la veille), le suicide est confirmé par la police américaine.
Photos d’illustration : DR
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