La marque de rasoirs Gillette avait annoncé partir en guerre contre la « masculinité toxique » en début d’année. Une croisade sociétale qui expliquerait (en partie) la dévalorisation de 8 milliards de dollars de la société ?
Gillette : de la « perfection au masculin » à la « masculinité toxique »
Le département marketing de Gillette a fait fausse route. C’est le constat que dresse la célèbre enseigne de rasoirs quelques mois après avoir lancé une campagne publicitaire contre ce qu’elle a nommé la « masculinité toxique ». Nous sommes alors en janvier 2019 et Gillette, surfant sur la vague #MeToo, veut radicalement changer son image en dévoilant une nouvelle campagne de pub. Pour le fabricant de rasoir, filiale du groupe Procter & Gamble, il est alors temps d’en finir avec le harcèlement et la figure du mâle dominant.
Aux États-Unis, pays dont est originaire Gillette, la signature de marque passe ainsi de « the best a man can get » [NDLR : « le mieux qu’un homme puisse avoir »] à « the best a man can be » [« NDLR : le meilleur qu’un homme puisse être » ].
Gillette : la stratégie de l’échec
Si le clip entend dénoncer les clichés sexistes voire homophobes, le public américain ne perçoit pas du tout la publicité en question d’un bon œil. Lors de sa publication sur YouTube, la vidéo, vue près d’un million de fois en 24 heures, recueille près de 90 % de « pouces bas » (130 000 contre seulement 13 000 likes). Le ratio tendra à s’équilibrer davantage par la suite (la vidéo compte actuellement plus de 31 millions de vues…) mais le verdict est sans appel : ce nouveau positionnement est une échec pour Gillette.
En pointe dans la critique de cette publicité, les conservateurs américains et plus particulièrement la sphère de l’alt-right. Mais également des personnalités influentes comme Jordan Peterson, notoirement connu pour ses diatribes contre le féminisme et pour ses éloges de la virilité.
Maybe men should just start getting better by refusing to purchase anything from Procter & Gamble: https://t.co/46foT9PwJA pic.twitter.com/6GKplmP0vs
— Dr Jordan B Peterson (@jordanbpeterson) January 15, 2019
Dans les commentaires YouTube de la publicité Gillette, Jordan Peterson ironisait alors : « Masculinité toxique ? 43 % des garçons sont élevés par des femmes célibataires. 78 % des enseignants sont des femmes. Le problème n’est pas la masculinité toxique mais le manque de masculinité ».
Au mois de mai dernier, la marque dévoilait une nouvelle vidéo mettant en scène un père apprenant à se raser à son enfant transgenre :
« Masculinité toxique » : une perte de 8 milliards de dollars
Puis vient ensuite l’heure de faire le bilan de cette opération publicitaire. Au début du mois d’août 2019, le groupe Procter & Gamble révèle ses résultats concernant le 2e trimestre 2019 : sa filiale Gillette affiche alors une charge pour dépréciation de 8 milliards de dollars (7,2 milliards d’euros).
Si les raisons de cette perte de valeur de la première marque au monde pour les articles de rasage sont officiellement la mode de la barbe ainsi que les fluctuations monétaires, il semblerait que Gillette ait préféré mettre fin (temporairement ?) à sa guerre contre la « masculinité toxique ». L’enseigne vient effectivement de réaliser un nouveau spot publicitaire mettant en scène Ben Ziekenheiner, un pompier et coach personnel australien incarnant le père de famille protecteur et viril. Un étrange et tardif changement de cap pour Gillette. Trop tardif ? Avec une clientèle traditionnelle à reconquérir, le combat contre la « masculinité toxique » attendra !
Arthur Keraudren
Crédit photo : Capture YouTube
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