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Yoran Delacour : « Ecrire une Histoire de l’Occitanie n’est pas chose facile » [Interview]

Histoire de l’Occitanie, le point de vue occitan. Tel est le titre de l’ouvrage, indispensable pour comprendre une terre méconnue des Bretons, rédigé par Philippe Martel et édité par Yoran Embanner.

Attention : il s’agit de l’Occitanie « véritable » et non pas de la nouvelle région appelée à tort « Occitanie » et qui n’en est qu’une petite partie. De plus, cette région comprend la Catalogne-Nord (Pyrénées orientales) qui est catalane et pas occitane.

L’hypothèse de cet ouvrage, c’est qu’un espace linguistique est par définition un espace de communication. Cela implique au-delà de la langue, des contacts, des traits culturels partagés, et une certaine conscience, ne serait-elle que « méridionale ».
Du coup, il est possible de raconter l’histoire de cet espace et de ses habitants.

Philippe Martel, né en 1951, historien, spécialiste de l’espace occitan et de la revendication occitane contemporaine, est professeur des universités émérite à l’Universte de Montpellier 3-Département d’occitan.

Pour présenter l’ouvrage, nous avons interrogé l’éditeur, Yoran Delacour.

Histoire de l’Occitanie, le point de vue Occitan – Philippe Martel – Yoran Embanner – 12€ (à commander ici)

Breizh-info.com : Historiquement, à quand remonte le terme Occitanie ?

Yoran Delacour : Sous son nom latin (ou occitan), le mot « Occitania » remonte au Moyen-Age. Trois langues romanes (ou latines) commençaient à émerger :

  • la langue d’oc (occitan)
  • la langue d’oïl (français)
  • la langue de si (italien)
  •  le « oui » a été pris comme critère pour dénommer ces 3 langues. Le « oc » a donc donné « Occitanie », probablement forgé sur la province occitane « Aquitania ».

Breizh-info.com : Géographiquement et culturellement, qu’est-ce que l’Occitanie ?

Yoran Delacour : L’Occitanie authentique (pas la région officielle dite « Occitanie », qui a usurpé le nom mais qui fait tout au plus un cinquième de l’Occitanie réelle). Donc l’Occitanie, ça fait 32 départements plus le Val d’Aran (Espagne) et 7 vallées piémontaises (Italie). Environ 15 millions d’habitants. L’Occitanie, c’est ce vaste territoire où l’on parle la  langue d’oc. C’est par cette langue que, jusqu’à la 1ère guerre mondiale, se faisaient les échanges. Un espace linguistique étant par essence un espace de communication. Sur des critères linguistiques et historiques, les occitanistes (militants occitans), ont définis 7 provinces, correspondant aux 7 dialectes :

– l’Aquitaine
– l’Auvergne
– le Bas-Dauphiné
– la Gascogne
– le Languedoc
– le Limousin
– la Provence

Ces 7 provinces sont représentées sur le drapeau occitan par une étoile à 7 branches avec la croix de Toulouse. On peut y rajouter le Dauphiné méridional (Drôme, Hautes-Alpes, sud Isère) ainsi que 12 vallées piémontaises, et une commune calabraise (Guardia Piemontese).

occitanie2

Breizh-info.com : L’historiographie sur l’histoire de l’Occitanie est-elle aussi développé, par exemple, que ce qui a attrait à l’histoire de la Bretagne ? Pourquoi avoir édité cet ouvrage ?

Yoran Delacour : L’historiographie sur l’Histoire de l’Occitanie est loin d’être aussi dense que celle sur la Bretagne et ceci pour une raison très simple, il n’y a jamais eu , au cours de l’Histoire, un état qui ait unifié toute l’Occitanie. Ce serait sans doute arrivé sauf qu’au début de XIII e siècle, prétextant une croisade contre les cathares, la France a conquis le comté de Toulouse (qui est devenu le Languedoc), mettant fin à un rêve et à une civilisation florissante. Caution morale : avec la bénédiction du pape Innocent III. Une fois de plus, l’alliance du sabre et du goupillon. Alors, écrire une Histoire de l’Occitanie n’est pas chose facile car ça revient à raconter l’Histoire des différents pays d’oc, qui, un à un, ont été conquis par l’Etat français.

Editer ce livre était un projet que j’avais depuis longtemps mais je ne trouvais pas d’auteur, jusqu’au jour où je suis tombé sur Philippe Martel, une « pointure » dans le domaine et sans doute un des plus compétents. Ce livre rentre tout à fait dans le cadre de ma collection « Histoire … , le point de vue …  » car c’est une collection qui concerne les nations sans état.

Enfin j’ajouterai que j’ai fait mon service militaire en 1973 à Carcassonne, que, bien sûr j’avais pris contact avec les autonomistes locaux et que, donc je me suis intéressé dès cette époque à la question occitane.

Breizh-info.com : Y’a t »il des points communs entre la Bretagne et l’Occitanie ? Quels sont-ils ?

Yoran Delacour : Ce sont 2 régions avec 2 peuples qui luttent pour garder leur langue, leur culture et leur identité, pour autant, la revendication occitane est essentiellement culturelle et … très dynamique ! Un peu partout, sauf en Provence (sauf à Orange et à Gap), fleurissent les écoles « Calandreta », l’équivalent occitan des écoles Diwan. Le problème, c’est la Provence, et certains Provençaux qui font un rejet de tout ce qui est occitan. Chaque commune a sa rue ou sa place Frédéric Mistral mais ils ne font rien du tout pour préserver leur langue, ajoutez à cela que les Provençaux ont leur propre orthographe, dite « mistralienne », ça fait donc 2 orthographes pour une langue minorisée parlée par 10% de la population.

Autre différence avec la Bretagne : le drapeau occitan avec l’étoile à 7 branches, beaucoup de militants culturels n’en veulent pas car inventé par le nationaliste François Fontan. Notre drapeau « gwenn-ha-du » a aussi été conçu par le nationaliste breton Morvan Marchal en 1923, mais, ici, ça ne gène personne et le gwenn-ha-du est adopté depuis longtemps par tous les Bretons. En 1973, il y avait déjà cette querelle du drapeau, on est en 2019 et c’est toujours pareil …

Breizh-info.com : Parlez nous d’Occitans célèbres ayant contribué à la renommée de leur culture ?

Yoran Delacour : Mon choix est personnel :

  • Bernart de Ventadorn (XIIe), le plus célèbres des troubadours occitans
  • Jean-Bernard Mary-Lafon (XIXe), le 1er à avoir défini l’espace occitan et suggérer une autonomie dans le cadre français.
  •  Joseph Roumanille (XIXe), le fondateur du Félibrige, mouvement littéraire et linguistique qui entend valoriser et dynamiser la langue d’oc.
  •  Frédéric Mistral (XIXe), lui aussi « félibre » mais, loin de rester cantonné à la seule Provence, il a étendu le Félibrige à tous les pays d’oc, c’est d’ailleurs lui qui a ravivé le nom « Occitanie », avant, on disait le « Midi ». Lui aussi souhaitait que l’Etat français évolue vers le fédéralisme.
  • François Fontan (XXe), fondateur du PNO, Parti Nationaliste Occitan, il est le théoricien du nationalisme occitan moderne, basé sur la langue.
  •  Marcel Pagnol, il fait « cliché » pour nombre d’occitanistes mais, moi j’aime bien, même s’il n’a jamais été un militant de la cause occitane, il a donné une image sympathique des « Méridionaux », fiers, avec une forte personnalité. Lui au moins n’a jamais eu honte de l’accent occitan, au contraire, il l’a valorisé.
  •  Emmanuel Le Roy-Ladurie, le Per-Jakez Hélias occitan, son livre « Montaillou, village occitan » a eu un franc succès.
  •  Claude Marti, le Gilles Servat occitan, j’ai eu le plaisir de le connaître en 1973. Une de ses chansons « Los corbasses » (Les corbeaux) est l’équivalent de « La blanche hermine ».

Propos recueillis par YV

Crédit photos : DR
[cc] Breizh-info.com, 2018, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine

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