Qui pollue la Méditerranée ?
A cette question, le site internet de France Télévision apportait en juin dernier une réponse claire : « La France largement épinglée par le rapport de WWF sur la pollution plastique en Méditerranée. Pour l’organisation non gouvernementale, la France est l’un des plus importants pollueurs de la Méditerranée, avec plus de 11 000 tonnes de plastique qui finissent dans la mer chaque année. »
Au contraire, Breizh-Info, son confrère régional, titrait : « Plastique en Méditerranée : le WWF stigmatise la France, alors que les principaux responsables sont l’Éypte et la Turquie ».
Checknews.fr de Libération : le plus honnête des main-stream
L’internaute MC Vulcain a eu l’idée de soumettre ce désaccord factuel au service CheckNews.fr du journal Libération. Les conclusions de notre confrère parisien sont consultables ici
Pour résumer, les faits révélés par l’enquête de Breizh-Info sont confirmés : avec 2 % des rejets, la France n’a qu’un rôle secondaire dans l’assassinat collectif de la Méditerranée.
Il y a eu erreur de bonne foi du rédacteur de France Télévision : à l’origine de la confusion, on trouve le rapport de l’ONG WWF qui est titré ainsi : « Chaque année, 600 000 de tonnes de déchets plastiques sont rejetées en Méditerranée », et sous-titré un peu plus loin : « la France, premier producteur de déchets plastiques de la région ». Or la majorité des déchets plastiques en France sont traités et ne terminent pas dans la mer. Les tableaux statistiques complets se trouvent dans un rapport plus global en anglais, qui n’a pas été consulté par le journaliste de France Télévision.
AFP Factuel : décoder pour déconsidérer ce qui vient d’internet
L’Agence France Presse dispose aussi d’un service de vérification de l’actualité, qui a enquêté récemment sur un sujet proche. Ses limiers ont repéré une information inexacte mentionnée en juin 2019 par le National Geographic et qui circulait depuis plus longtemps sur internet. Elle avait été relayée par Breizh-Info dès octobre 2017
Le média breton titrait à l’époque : « 95 % du plastique polluant les océans provient de 10 fleuves ». Or vérification faite, il aurait fallu titrer : « 95 % du plastique amenés par voie fluviale dans les océans viennent de 10 fleuves ».
L’enquête de l’AFP montre que l’erreur est de bonne foi. Le titre fautif vient des formulations des chercheurs qui ont sorti ces données sur la pollution. Ils n’ont pas fait de recherche sur la pollution par voie aérienne et donc, en toute rigueur scientifique, leur énoncé généralise abusivement.
Les sources scientifiques sont claires sur l’origine de la pollution plastique des mers : l’Europe n’est pas coupable
AFP Factuel aurait pu pousser son enquête en répondant à la question : « est-ce que cela change quelque chose au fond de l’affaire ? ». En effet, on peut raisonnablement penser que la pollution des plastiques volatils par voie aérienne provient dans les mêmes proportions et des mêmes contrées que celles traversées par les fleuves ultrapollués. Un article scientifique, qui évalue pour 2010 la pollution plastique maritime quelles que soient les voies de déversement, va clairement dans ce sens.
Cet article de Jenna Jambeck, chercheuse de l’Université de Géorgie, est disponible ici : https://www.iswa.org/fileadmin/user_upload/Calendar_2011_03_AMERICANA/Science-2015-Jambeck-768-71__2_.pdf
Les 19 premiers pollueurs plastiques mondiaux sont tous asiatiques et africains. Dans ce classement apparaissent 4 pays méditerranéens : l’Egypte, l’Algérie, la Turquie, le Maroc.
La présence de l’Algérie (avec des rejets 10 fois plus importants que la France ou la Tunisie) semble au passage démentir l’implication des touristes européens, telle qu’elle est suggérée par le tout dernier rapport estival du WWF : en effet, l’Algérie n’est pas un pays de tourisme international.
Plus généralement le sac plastique jetable est massivement ancré dans les habitudes des Sud-Méditerranéens, pour qui il est un emballage des produits frais achetés sur les petits marchés. Le touriste occidental qui se sert au buffet de son hôtel all-inclusive a peu d’occasion de jeter directement dans la nature un plastique.
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