Le premier à qui c’est arrivé, à ma connaissance, c’est au grand saint Martin. Il venait de mourir à Candes. On était en 397, après le 8 novembre. Enfin, plutôt le lendemain du 8, car, ce soir-là, des moines le veillaient dans la sacristie de l’église… Ces moines se divisaient en deux groupes : ceux de l’abbaye de Ligugé, en Poitou, qui s’étaient « murgés » au bon vin offert hypocritement par leurs confrères de Marmoutiers (Touraine). Une fois enivrés, ceux de Ligugé tombèrent dans « un profond sommeil ». Nonobstant, les frocards de Marmoutiers s’emparèrent du corps de leur père abbé, le passèrent par la fenêtre, et embarquèrent silencieusement sur une grosse platte qui se trouvait là. Ils poussèrent sans effort jusqu’à la Loire voisine : Candes est, comme chacun sait, au confluent de la Vienne. Là, ce fut un autre problème : il fallait remonter le courant. En novembre, le fleuve gronde sur les bords. Qu’attendait le ciel ? Que le corps de saint Martin fut dans la barque. Un vif coup de vent se mit à souffler en galerne et l’embarcation fila vers Tours où l’attendaient les autorités et le peuple en gilets jaunes…
Le deuxième saint héros à la « remonte » fut Gohard qui s’y prêta en 843. Gohard était évêque de notre bonne ville de Nantes. Il avait réuni les fidèles dans la superbe église d’Evhemerius, non loin de la chapelle du Baptistère. Au loin, c’est-à-dire sur la rive gauche, à Trentemoult, brûlaient les feux d’une horde sauvage : les Vikings (qui n’arrivaient pas de N.D. des Landes, mais du pôle Nord, quasiment). Au bout de trois journées, la horde sauvage passa le bras de la Madeleine et se répandit dans la cité, pillant, brûlant, violant les dames qui n’avaient pas rejoint le saint édifice. La horde finit par s’agglutiner devant la cathédrale et ses lourdes portes garnies de ferrures qui interdisaient l’entrée. Mais un déluré passa par une fenêtre dépourvue de grillage… Et ce fut la curée. On poursuivit les chrétiens dans tout l’édifice et on les occida par douzaines. Gohard essayait de dominer le tumulte, il fut le dernier à y passer. Un Viking des plus costauds lui trancha la tête (comme il est décrit sur le tableau d’Édouard Jolin) et la jeta dans l’allée centrale. Gohard décapité chancela, mais, se ressaisissant, et prenant son chef sous le bras, gagna la sortie. Ainsi, il descendit l’Erdre avant d’enfiler la Loire à contresens. C’est comme cela qu’il arriva à Angers (par Bouchemaine).
La chronique est déjà faite des noyades de Jean-Baptiste Carrier – hideux jacobin qui régna sur Nantes de septembre 1793 à février 1794. Les chiffres varient – on trouve encore des égarés, misérables robespierristes, qui osent parler de 500 noyés… Retenons le chiffre avancé par Alfred Lallié, l’érudit historien de cette période : 4 860 ! Ceux-là ne remontèrent pas le courant, leurs cadavres s’accumulèrent jusqu’à La Baule et Saint-Nazaire. Ils étaient mêlés aux civelles qui abondaient en février de ce temps-là. Ces noyades nantaises servirent de modèles à ceux qui étaient en amont, aux Ponts-de-Cé, en Anjou. Hentz et Francastel, représentants du peuple pour « la » Maine-et-Loire, non contents de faire tanner des peaux humaines, noyèrent environ 1 500 « brigands », c’est-à-dire, ce sont leurs mots, autorisèrent des « baptêmes républicains ». Mais les émerveillements qui entourent les légendes de saint Martin et de saint Gohard ne se reproduire pas.
Néanmoins, pour la première fois depuis cette lointaine époque, le corps d’un noyé a réussi le prodige de Martin et de Gohard. Caramba ! grommelle Bart Simpson lorsque la contradiction éclate sous ses yeux. En effet, Caramba ! comment se fait-il que le corps du jeune Steve ait parcouru 1 300 mètres à la « remonte » vers l’amont, dans le bras de la Madeleine, depuis le quai Wilson (où il serait tombé à l’eau) jusqu’à la « grue jaune » et le quai Fernand-Crouan (où on a retrouvé son cadavre), et cela, après avoir pris le virage à la pointe de l’île… « de Nantes » ? Je ne suis pas hydropathe ni hydrologue, mais il y a là un problème que la Justice, n’en doutons pas, va prendre en considération.
MORASSE
Crédit photo : Romain Viaud/Wikipedia (cc) : Vallée de La Loire, Le Cellier, Loire Atlantique
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