De l’élection partielle de Brecon and Radnorshire, au Pays de Galles, la semaine dernière, une bonne partie de la presse française ne semble avoir retenu qu’une chose : après la victoire de la candidate libérale-démocrate, Jane Dodds, la majorité de Boris Johnson au parlement britannique est réduite à une seule voix. Et la plupart de s’en réjouir, car presque personne n’aime Boris Johnson…
Il y a pourtant d’autres leçons à tirer de cette élection. D’abord, elle montre la vitalité de la démocratie britannique. Elle faisait suite à une recall petition. Cette procédure, qui renoue avec une tradition remontant à la Grèce antique, a été adoptée au Royaume-Uni en 2015. Elle permet d’invalider l’élection d’un député sur demande d’au moins 10 % des électeurs. Les Britanniques sont plus respectueux de la volonté du peuple qu’un Philippe Grosvalet ignorant la demande de réunification de la Bretagne signée par 10 % des électeurs de son département !
Les partisans du Brexit majoritaires mais divisés
C’était la seconde fois qu’une recall petition aboutissait au Royaume-Uni, après l’invalidation de la députée travailliste Fiona Oluyinka Onasanya, à Peterborough, pour avoir menti à la police dans une enquête sur un délit routier. À Brecon and Radnorshire, le député conservateur Chris Davies est tombé pour une fausse déclaration relative à ses dépenses de campagne.
Contrairement à certains commentaires lus en France, la victoire de la candidate Lib-Dem ne signale pas un rejet massif du Brexit au Pays de Galles. D’abord, elle n’a été acquise que par une marge de 4,5 points. Or les conservateurs partaient avec un handicap notoire : leur candidat à l’élection était Chris Davies, celui-là même qui venait d’être invalidé par la recall petition ! En fait, certains commentateurs sont même surpris que les conservateurs aient recueilli autant de voix.
Et puis, tandis que les adversaires de la sortie de l’Union européenne s’étaient unis derrière Jane Dodds, ses partisans étaient divisés : à côté des conservateurs, le Brexit Party de Nigel Farage présentait aussi un candidat, Des Parkinson, qui a obtenu 10,5 % des voix. Alliés, conservateurs et brexiteurs auraient largement battu Jane Dodds.
Alliance des Lib-Dem avec le Plaid Cymru
Un aspect intéressant de cette union derrière Jane Dodds est qu’y figuraient tout à la fois le parti libéral-démocrate, les Verts et les nationalistes gallois du Plaid Cymru. Ce dernier n’est peut-être pas une force majeure dans la circonscription : il n’a obtenu que 3,1 % des suffrages à l’élection générale de 2017. Mais il a au moins démontré dans cette circonstance sa capacité à passer des alliances « dans un esprit de coopération ». C’est un relatif succès pour Adam Price, qui en a pris la présidence en septembre dernier en battant Leanne Wood. Adam Price est conseillé par Angus Robertson, ancien deputy leader du Scottish National Party (SNP).
Dernier enseignement de Brecon and Radnorshire : le parti travailliste, en pleine déroute, n’a recueilli que 5,3 % des voix – un recul de 12,42 points depuis l’élection générale de 2017. Toutes les élections partielles récentes de 2018 et 2019 au Royaume-Uni ont donné lieu à un recul analogue, sinon pire, du vieux parti de gauche. Le laminage du P.S. français aux dernières élections européennes n’est pas un cas isolé mais un symptôme supplémentaire : trente ans après la chute du mur de Berlin, l’espace d’une génération, le socialisme européen voit venir l’heure du destin.
C.R.
Crédit photo : domaine public, photo du centre de Brecon par Velela via Wikipedia
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