À l’image des volcans de la région, les vins d’Auvergne ont sombré dans une profonde torpeur, au point qu’un bon nombre d’œnophiles ignorent ou mésestiment le spectaculaire regain en cours dans ce terroir promis à un grand avenir.
Couvrant près de 40 000 hectares à la fin du 19ème siècle, le vignoble arverne comptait parmi les principaux pourvoyeurs de vins de consommation courante, juste derrière le Languedoc. La contraction du vignoble, au sortir de la crise du phylloxera, fut spectaculaire, jusqu’à se réduire à moins de 300 hectares dans les années 80, l’une des plus grandes régressions en terme de superficie perdue.
Le retour de la vigne, amorcé depuis près de 20 ans, a trouvé la reconnaissance de l’appellation d’origine en 2011, et aujourd’hui, la crise qui a précipité la chute des vignes auvergnates peut désormais se percevoir comme un précieux bienfait. La renaissance des Côtes-d’Auvergne s’engage en effet sous un jour totalement nouveau, loin des errements de la production de masse du passé. Les vignerons fourbissent à présent les armes du volcanisme, de l’histoire et d’un tourisme de qualité pour imposer des vins de caractère au rapport qualité /prix remarquable, sur le marché national.
Dans cet article nous vous livrons les facteurs de réussite à l’origine d’une résurgence viti-vinicole inespérée, ainsi que les noms des vignerons de référence qui font bouger les lignes de la qualité par des vins soignés, hautement attachés à l’expression singulière et plurielle de leurs terroirs.
Des vins placés sous les auspices du volcanisme
De par le monde, la vigne se complaît sur les substrats d’origine volcanique, qu’ils se composent de pierre ponce ou de basalte, ces derniers ont toujours fourni des sites d’implantation privilégiés pour la vigne. La personnalité distinctive des vins d’auvergne est assurément modelée par l’influence d’une géologie éruptive à l’origine de sites viticoles uniques .Il convient toutefois de ne pas surrinterpréter le pouvoir de la géologie dans sa capacité à déterminer le caractère final d’un vin, tout au plus elle en conditionne les principaux traits, nonobstant l’existence d’autres facteurs (élévation, choix du clone, techniques de vinifications et d’élevage).
Une chose est sûre : si le gamay auvergnat parvient à accentuer d’aussi belle manière son charme poivré, le rôle des roches volcaniques n’y est pas complètement étranger. Outre les coulées basaltiques, les étendues de pierre ponce, les vignobles affectionnent les flancs calcaires des buttes hérissant le fossé de la Limagne. Mais ils expriment véritablement leur pleine originalité sur des formations particulières nommées « pépérite », dans lesquelles le basalte est incrusté au sein d’un calcaire induré.
Une renaissance portée par l’essor d’un tourisme civilisé
Parmi tous les facteurs en jeu dans la promotion des vins d’Auvergne vient en premier plan le spectaculaire développement touristique, d’une région non démunie en ressources grâce à son thermalisme, aux grands espaces des parcs naturels , à ses lacs etc…
L’histoire montre pourtant que vin et tourisme ne font pas bon ménage car la garantie d’une source facile de débouchés conduit le plus souvent à un avilissement de la qualité sous la pression d’une demande axée sur le prix et la quantité.
Mais la donne du tourisme en Auvergne est bien différente de celle qui caractérise encore la Vendée ou le littoral languedocien. Au lieu de s’avachir sur les plages et de se bâfrer des spécialités de la malbouffe de bord de mer, le touriste d’Auvergne (qui compte une proportion non négligeable d’étrangers) arbore un profil plus sportif et cultivé.
Il s’adonne notamment à la randonnée et raffole des spécialités culinaires de la région : fromages ou salaisons et de fait, apparaît comme le client idéal pour découvrir à bons prix les nouvelles valeurs de la viticulture auvergnate. Les vignerons l’ont bien compris, eux qui s’échinent à se faire représenter sur les principaux marchés villageois, écoulent une bonne partie de leur production en vente directe. Et puis il y a cette fierté régionale, à l’origine d’un formidable élan pour promouvoir les côtes d’Auvergne : Chaque été, la petite la cité de caractère située en contrebas de la station de Super Besse donne la part belle aux vignerons auvergnats, au sein d’une gigantesque foire aux vins réunissant plus de 50 vignerons de l’hexagone.
Une myriade de crus : châteaugay, corent, Neschers, Boudes, Chanturgue, Madargues
Même au plus fort du reflux, l’antériorité et la réputation des crus historiques d’Auvergne ont permis de soutenir des îlot de vignes confinés à une consommation quasi domestique. L’obtention de l’AOP en 2011, entérine avec justice la prise en compte méritée de individualité des vignobles d’Auvergne. Comme pour le système des villages bourguignons, ces terroirs peuvent dorénavant accoler leurs noms à celui de l’appellation régionale Côtes-d’Auvergne. Une diversité pouvant apparaître un rien trop complexe aux yeux du consommateur, mais qui distingue des vins aux origines et aux profils bien différents.
Parmi les plus résilients d’entre eux : Châteaugay dont les rouges à base pinot noir et de gamay, friands et légers, ont fait les beaux jours de l’ivresse ouvrière du pneumatique.
Vient aussi l’évocation de Corent. L’emblématique colline couronnée d’un entablement de basalte affiche une curieuse ressemblance avec celle de Corton, ses versants marno-calcaires portent une vigne remontant au passé gallo-romain. Son nom est associé à un rosé très pâle, obtenu par un pressurage direct. Son acidité mordante s’est au fil du temps estompée, moins abrupte que dans le passé, le corent a gardé néanmoins ce caractère acidulé si spécifique, dévoilant une facette irrésistiblement fruitée du gamay d’Auvergne. Indiscutablement le corent fait parti de ces petits trésors œnologiques méconnus, malheureusement encore snobés par les grands dégustateurs de l’intelligentsia du vin.
Autre cru notable Neschers, situé au cœur du plateau des Dômes, un secteur recouvert d’une couche épaisse de pierre ponce qui s’avère plutôt singulier et rare en Auvergne. Sur ce terroir très resserré, la production de vin se limite à des petits volumes mais elle atteint un très haut niveau qualitatif .La pierre ponce modèle des Côtes d’Auvergnes au tempérament affirmé , des pinots noirs marqués par des notes torréfiées caractéristiques que l’on peut avec prudence attribuer raisonnablement au terroir.
Carnet d’adresse :
Gilles Persilier, le mentor de l’appellation.
Dans chaque vignoble se démarque une figure visionnaire et s’agissant des Côtes-d’Auvergne on peut décerner ce rôle de phare à Gilles Persilier. Les vins sont ambitieux et méritent d’être considérés comme des maîtres-étalons pour jauger le grand potentiel de l’appellation.
Son domaine converti au bio, tire parti d’une localisation chargée d’histoire au coeur du célèbre plateau de Gergovie. Gilles Persilier enracine ses vins dans une fibre gauloise aux accents guerriers en baptisant ses cuvées du nom des grands chefs gaulois : Verca, Vercingétorix, Celtil.
Verca notamment, exhibe un pinot noir impressionnant pourvu d’un fruité gonflé , finement extrait et souligné par une sève quasi bourguignonne…Pour 13€, le millésime 2016 constitue une affaire remarquable s’adressant aux inconditionnels du pinot noir.
27 rue Jean Jaures 63670 Gergovie. Tel. 06.77.74.43.53
Stéphane Bonjean, le géologue de l’appellation.
Stéphane Bonjean vinifie des cuvées pointues qui déclinent toutes les nuances offertes par la diversité terroirs auvergnats .Les plus belles réalisations de ce féru de géologie se découvrent sur le cru de Chateaugay, avec une mise en valeur sublime des gamays et pinots noirs nés sur les terroirs de pépérite.
12 rue de la Tour 63112 BLANZAT. Tel :06.83.12.88.90
Domaine Miolanne. Résolument volcanique!
Ce domaine réputé et respecté est le fier représentant du petit terroir de Neschers dominé par la présence d’un tuf volcanique original. Les rouges se composent généralement d’un assemblage équilibré gamay/pinot noir et manifestent des personnalités fumées redoutablement séductrices.
RD 978 63320- Neschers. Tel :06.72.41.22.56
Yvan Bernard, la nouvelle valeur du Bio en Auvergne
La réputation de ce vigneron consciencieux commence tout juste à se constituer. Les vins sont sérieux, sans extravagance, mais révèlent avec justesse et précision les expressions du terroir bien au -delà du simple registre fruité apporté par le cépage. Son chardonnay se distingue par une belle harmonie d’ensemble là ou beaucoup de ses confrères se perdent dans un style hésitant et sont le plus souvent alourdis par des tonalités alcooleuses. Notre coup de cœur va cependant au corent , rosé plein et charnu tendu par une acidité magique qui donne longueur et brillance au gamay.
Place de la Reine 63114 Montpeyroux. Tel : 04.73.55.31.97
Raphno
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