L’abbaye de Rochefort, son histoire mouvementée et ses bières trappistes

L’histoire de Saint-Rémy de Rochefort commence en 1230. À l’époque, c’est un couvent de religieuses qui est fondé. Mais deux siècles plus tard, le monastère étant mal géré, délabré et fortement endetté, les soeurs sont remplacées. Elles partent donc de Rochefort pour aller à l’abbaye de Félipré, non loin de là. Ce seront désormais les moines de Félipré qui viendront habiter à l’abbaye de Rochefort.

Au fil des siècles, l’abbaye subira des pillages à cause de l’instabilité de la région : en 1558 par des calvinistes, en 1568 par un prince de Habsbourg. En 1636, les moines échappent de peu à la peste, qui sévit alentours. Mais en 1650, ils sont chassés de leur abbaye par les troupes du baron de Châtelet, qui pille et s’installe sur les lieux.

Les moines finiront par revenir en 1664, et se lanceront dans de grands travaux de reconstruction. Ils inscrivent même leur nouvelle devise sur le porche : « Curvata Resurgo » ce qui signifie « Courbée je me redresse ».

Ce sera finalement la Révolution française qui dispersera les moines pour de bon, laissant l’abbaye abandonnée. Ce ne sera qu’en 1887 qu’une nouvelle communauté de moines trappistes s’installera dans les ruines de l’abbaye, jusqu’à aujourd’hui encore.

Malgré toutes les mésaventures de l’abbaye, le porche du XVIème siècle peut toujours être admiré par les visiteurs

Les bières de Rochefort : ce qu’il faut savoir

La brasserie trappiste de l’abbaye fut lancée en 1595. Sa bière était alors réservée à la communauté, au réfectoire. Ce n’est qu’après la Seconde Guerre Mondiale que les moines se lancent dans sa commercialisation. Ils développent alors la Rochefort 6, la Rochefort 8 et la Rochefort 10. Ces bières sont aujourd’hui la principale source de revenus de l’abbaye, permettant aux frères de poursuivre leur vie de prière et de contemplation, selon la règle de saint Benoît « ora et labora » (« prière et travail »).

Les moines ne brassent plus physiquement eux-mêmes les bières, car la communauté se fait vieillissante et les vocations moins nombreuses. Ils sont donc aidés d’une dizaine de laïcs. Mais ce sont toujours eux qui en contrôlent rigoureusement les recettes, la fabrication, la production…

Savez-vous pourquoi les bières de Rochefort portent les numéros 6, 8 et 10 ? Et non, cela ne renvoie pas à leur degré d’alcool. En réalité, ils font référence à une ancienne mesure belge du taux d’alcool : le degré Beaumé. C’est pour rappeler cette tradition que les moines ont choisi ce moyen de numérotation.

Saviez-vous aussi que les ingrédients utilisés pour brasser les bières de Rochefort sont uniques ? Comme beaucoup d’abbayes trappistes, Rochefort possède sa propre souche de levure, mais son eau aussi est unique. Elle provient en effet directement de la source de Tridaine, qui se situe à proximité de l’abbaye. En 1797, les moines étaient en train de creuser une galerie de mine de plomb sous leur monastère. Sans le faire exprès, ils ont alors découvert cette source. Depuis, l’eau s’écoule ainsi naturellement, 42 mètres sous l’abbaye. Elle est si pure qu’elle n’a pas besoin d’être traitée, et est consommée directement par les moines au réfectoire.

Les moines de Rochefort brassent aujourd’hui trois bières trappistes : la Rochefort 6, la Rochefort 8 et la Rochefort 10

La Rochefort 6, une perle rare

Avant de s’appeler la Rochefort 6, cette bière était nommée « La Trappiste ». Sa recette date de 1953 et n’a pas changé depuis. Des trois bières vendues par l’abbaye, c’est celle qui est brassée dans les plus faibles quantités, seulement quelques semaines par an. Sa production ne représente ainsi que 10% des bières brassées par Rochefort. Elle est par conséquent devenue une bière rare très recherchée par les connaisseurs. Sa robe est ambrée et est recouverte d’une mousse fine blanc cassé. Côté dégustation, on découvre des arômes de caramel, d’épices, de fruits noirs et de torréfaction.

La bière Trappiste Rochefort 6, autrement appelée « la Trappiste »

La Rochefort 8, la festive devenue populaire.

C’est aussi en 1953 que les moines ont lancé la Rochefort 8. Elle fut brassée pour fêter le Noël d’un très gros client de l’abbaye. Face à son succès, elle fut brassée pour le grand public en 1960. On l’appela alors aussi… la « Spéciale » ! Aujourd’hui, la Rochefort 8 est brassée deux semaines sur trois.

Visuellement, sa robe est brune orangée avec des couleurs légèrement caramélisées, surmontée d’une mousse fine beige. Le petit plus ? La Rochefort 8 est l’une des rares bières qui se bonifie avec le temps !

La bière trappiste de Rochefort numéro 8, la « Spéciale »

La Rochefort 10, la huitième « merveille » du monde ?

La Rochefort 10 était l’une des bières les plus fortes de Belgique lors de sa création dans les années 50. En effet volume d’alcool est de 11,3%. Aujourd’hui, elle est considérée comme l’une des meilleures bières du monde, puisqu’elle est notée 100/100 sur le site RateBeer. On la surnomme donc aussi « la Merveille » !

Sous sa robe brune et sa mousse beige, on laisse découvrir des notes de malt, de prune et de chocolat.

La bière trappiste Rochefort numéro 10, la « Merveille ».

Crédit photo : DR
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