L’Arménie refuse de se joindre aux sanctions américaines contre l’Iran. Encadrée par la Géorgie au nord, la Turquie à l’ouest et l’Azerbaïdjan à l’est, elle ne veut pas se trouver plus isolée encore. En juillet, elle a annoncé qu’elle passerait ses transactions avec l’Iran dans les monnaies nationales – le dram pour l’Arménie qui vaut aujourd’hui 88 rials iraniens (1 euro vaut 47.000 rials iraniens et 532 drams). Une délégation iranienne va se rendre en Arménie pour discuter de la question.
Elle envisage par ailleurs l’unification des réseaux électriques arménien, russe, géorgien et iranien. À ce grand dessein se rattache la construction de ce la centrale hydroélectrique de Meghri (100 MW) dans la vallée de l’Araks, un projet ébauché depuis 1995. Son électricité ira principalement en Iran. Les deux pays ont annoncé au printemps qu’ils recherchaient des investisseurs pour construire en cinq ans la centrale et une ligne haute tension pour en exporter l’électricité en Iran.
L’Arménie construit actuellement une ligne à haute tension vers l’Iran, d’un coût de 107 millions de dollars, prête à 25% et en prévoit une vers la Géorgie, avec deux sous-stations à la frontière géorgienne. Elle coûtera 326,9 millions d’euros, dont 10% payés par la Géorgie et 168 millions prêtés par la banque allemande KfW.
Une zone économique franche irano-arménienne va être créée à Meghri. Elle sera aussi une plateforme pour les entreprises des pays de l’Union économique eurasiatique (Arménie, Biélorussie, Kazakhstan, Russie et Kirghizie, plus la Moldavie comme observateur). L’Union a conclu des accords de libre-échange avec le Vietnam, Cuba, mais aussi l’Iran et la Chine. L’Arménie est le seul de ces pays qui dispose d’une frontière terrestre avec l’Iran.
Des possibilités encore mal exploitées
Lors de la visite de Nicola Pashinian, premier-ministre de l’Arménie, en Iran les 27 et 28 février dernier étaient aussi envisagés une voie ferrée et un gazoduc transfrontaliers. Mais ces projets sont pour l’heure restés lettre morte. Une voie ferrée ne serait pas rentable sans un prolongement vers la Russie et coûterait 3,2 milliards d’euros – un budget colossal dû surtout aux 120 km de tunnels nécessaires côté arménien.
Un autre secteur économique – le tourisme transfrontalier – reste très peu développé. La vallée de l’Araks est magnifique et sépare deux des plus anciens pays du monde. Hélas, selon le globe-trotter russo-israélien Puerrtto (Alexandre Lapshin), qui a déjà visité plus de 140 pays du monde et s’est rendu à Meghri en février 2019, « tout va mal avec le tourisme à Meghri. Il n’y a ni hôtels normaux, ni office de tourisme, ni infrastructures minimales. Pour la plupart, Meghri est juste un endroit qu’ils traversent en bus de nuit entre Erevan et Téhéran et où ils ne s’arrêtent même pas. Pourtant, la nature et l’architecture locale méritent quelques jours de halte dans la région ».
Tout près de Meghri se trouve aussi la république autonome azérie du Nakhitchevan, séparée du reste du territoire azéri par le Haut-Karabagh, état satellite de l’Arménie, ainsi que les ruines de la voie ferrée Erevan – Bakou, fermée en 1992 lors des troubles interethniques entre arméniens et azéris. Cette frontière irano-arménienne est maintenant gardée par les douaniers russes du FSB.
Louis-Benoît Greffe
Crédit photo : [cc 2.0] Meghri par unbdaveable, Wikimedia Commons
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