Volontairement ou pas, les transports Douaud, société basée en Loire-Atlantique, viennent de créer un cas d’école à propos de la propagande autour de l’accueil des migrants. Quand la volonté de communication à outrance se conjugue avec le refus de répondre aux questions qui fâchent. On vous explique tout.
Tout par d’un email adressé début juillet à l’ensemble de la presse. « Un jeune migrant, apprenti au sein des Transports Douaud (44), obtient son CAP mécanique » peut-on lire en titre du communiqué, signé de l’agence Sensorielle, qui a visiblement été mandatée par la société de transports pour lui assurer sa publicité autour de l’accueil du migrant donc. Le groupe Douaud pèse 500 salariés, 400 cartes grises et est par ailleurs membre du groupement de transporteurs Tred Union, est installés à Clisson (44) depuis 1938.
On vous propose de retrouver ci-dessous l’intégralité du communiqué de presse
Depuis septembre 2017, les Transports Douaud, membres du groupement français de transporteurs Tred Union, ont accueilli en apprentissage Ibrahim Moussa, un jeune migrant Nigérien, pour l’aider à préparer son CAP Mécanique. Une expérience fructueuse puisqu’ Ibrahim a obtenu son certificat ce vendredi 5 juillet 2019 !En proposant de nombreuses formations qualifiantes comme celle-ci, les entreprises du secteur du transport et de la logistique offrent de belles perspectives d’avenir et d’évolution trop souvent méconnues. De nouvelles opportunités de carrière qui se transforment en véritable facteur d’intégration sociale comme en témoigne l’histoire d’Ibrahim.
La mécanique comme fil conducteur
Arrivé en France il y a 2ans et n’ayant jamais été à l’école, Ibrahim Moussa, jeune nigérien de 18 ans, est accueilli par les Transports Douaud en découverte de la mécanique poids lourd.Une révélation pour lui et pour l’entreprise : « Ibrahim nous a épaté par sa facilité d’adaptation et sa compréhension de la mécanique » indique Philippe Chemin.C’est donc tout naturellement que l’entreprise lui propose d’effectuer un CAP maintenance de véhicules.Avec courage et persévérance à l’école, il termine brillamment et a reçu son CAP en juillet 2019.
De Niamey à Gétigné, guidé par un seul et même objectif : s’ouvrir de nouvelles perspectives d’avenir
C’est en 2013, suite au décès de son père, qu’Ibrahim décida de fuir son pays natal, le Niger, afin de s’éloigner des attaques terroristes et des tensions infligées par le régime de Boko Haram. Avec son beau-frère, ils se dirigèrent alors en Libye où Ibrahim restera jusqu’en 2015 avant de prendre le bateau direction Lampedusa. L’arrivée d’Ibrahim sur l’île italienne marqua le début d’un long périple en Europe puisqu’il traversa la Suisse, l’Autriche et l’Allemagne avant d’arriver enFrance et plus précisément à Paris. La vie dans la mégapole se révèle difficile et Ibrahim décide de quitter la capitale pour la province. Il se rend alors à la gare pour prendre le premier train qui se présente à lui et c’est ainsi qu’Ibrahim débarque à Nantes en 2017. Il y est accueilli par l’AEMINA, une association qui œuvre pour l’hébergement des personnes précaires et la mise à l’abri des mineurs isolés. Bien qu’âgé de 16 ans seulement, Ibrahim est animé par l’espoir de s’en sortir et de subvenir seul à ses besoins. N’ayant jamais été à l’école avant d’arriver en France et intéressé par la mécanique, le jeune réfugié se renseigne alors sur les entreprises nantaises susceptibles de l’accueillir dans leurs ateliers. C’est ainsi qu’il pousse la porte des Transports Douaud en septembre 2017 et qu’il choisit la voie de l’apprentissage.
L’apprentissage, vecteur d’intégration professionnelle et sociale
Désireux de s’insérer rapidement dans le monde du travail tout en acquérant une certification reconnue, Ibrahim s’est naturellement tourné vers la voie de l’apprentissage. Adaptée au métier qu’il souhaite exercer, cette formation diplômante lui permet de poursuivre sa scolarité, d’appréhender l’univers de l’entreprise et aussi d’accélérer son intégration sociale. En effet, l’apprentissage lui a permis d’acquérir un nouveau rythme de vie, de se trouver un logement et de commencer à tisser son propre réseau professionnel mais aussi amical. « Une belle intégration qu’Ibrahim doit également à son savoir-être et à ses valeurs. Nous sommes fiers de son parcours et surtout de sa réussite au CAP ! Notre filière a besoin d’éléments comme lui. » ajoutePhilippe Chemin.
Les Transports Douaud recrutent des conducteurs routiers
Les Transports Douaud peuvent compter sur le soutien et la force d’actions du groupement Tred Union dans leur démarche d’intégration et leur campagne de recrutement. Ce dernier a effectivement lancé il y a quelques mois une plateforme de recrutement en ligne, letransportrecrute.fr, afin de faciliter la mise en relation des entreprises et des candidats. « A l’heure actuelle, nos métiers ne sont pas assez valorisés et souffrent d’une image réductrice. En réalité, le secteur du transport et de la logistique présente une multitude de métiers avec de belles perspectives d’avenir et d’évolution. Une large palette qui s’accompagne de nombreuses formations qualifiantes pour permettre aux jeunes d’accéder à des carrières qu’ils n’avaient pas envisagées. C’est pourquoi les Transports Douaud soutiennent le lancement de cet outil de recrutement» précise Philippe Chemin.
Des questions qui fâchent sur les migrants ? Silence radio des transports Douaud
Au sein de la rédaction de Breizh-info.com, nous avions trouvé intéressante cette manière de communiquer. Ainsi, les Transports Douaud, en formant un migrant, en racontant son parcours et en communiquant à ce sujet, avaient décidé de s’engager en politique.
Accueillir un migrant dans son entreprise n’est en effet pas un acte anodin, alors même qu’une partie croissante de la population, dans toute l’Europe, souhaiterait que tous ces migrants retournent dans leurs pays d’origine, sur leurs terres. D’autant plus quand, outre l’accueil, on emploie des moyens médiatiques, via une agence de communication, pour le faire savoir.
Nous avions donc proposé à l’agence de communication gérant « le dossier » (puisqu’il n’est pas possible d’avoir directement la société) d’interviewer Ibrahim Moussa, fraichement diplômé. Pour connaitre son parcours, pour comprendre « sa migration ». Voici les questions que nous souhaitions lui poser (puisqu’il fallait adresser les questions en avance) :
- Tout d’abord, pouvez vous vous présenter ?
- Pourquoi avez vous décidé de quitter votre terre pour venir en Europe ?
- Pourriez vous nous parler des étapes marquantes de votre parcours ?
- Comprenez vous les Européens qui sont inquiets de voir de nombreux migrants arriver en Europe ? L’avenir des Africains n’est-il pas en Afrique ?
- N’avez vous pas l’impression d’avoir « pris la place » d’un jeune apprenti breton ? Qu’avez vous apprécié durant votre apprentissage ?
- A l’avenir , pensez-vous un jour retourner en Afrique, pour apporter votre savoir faire à ce continent ou dans votre pays d’origine ? Ou pensez vous que votre avenir est ici ?
Pour la direction des transports Douaud, ces questions n’étaient manifestement pas acceptables. L’interview a donc été tout simplement annulée. En réalité, le but de l’opération était manifestement de se servir de cet exemple pour se faire de la publicité (et pour annoncer un recrutement – qui a été relayé dans la presse spécialisée).
Tout en oubliant quand même le risque, important, de bad buzz, eu égard du sujet, particulièrement sensible et clivant, dans toute l’Europe….
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