Gilles Lebreton est né à Brest. Député européen du Rassemblement national depuis 5 ans, il entame son deuxième mandat. Nous l’avons interrogé sur son travail au Parlement européen, mais aussi sur les deux questions fondamentales qui détermineront le visage de l’Europe dans les années à venir, c’est-à-dire la question écologique (sous le prisme de la démographie) et la question migratoire.
Breizh-info.com : Mauvaise nouvelle pour vous au Parlement européen avec ce cordon sanitaire qui s’est monté contre vous pour vous empêcher de présider toute commission. Votre réaction ?
Gilles Lebreton : Ce n’est pas un phénomène nouveau, nous avons déjà été victimes de ça. Lorsque nous nous présentons à une élection, les autres groupes s’entendent pour ne pas voter pour nous, pour nous écarter. D’après les règles internes du Parlement, nous avions droit à la présidence de la commission des affaires juridiques. Mon groupe m’avait soutenu et désigné. J’aurais dû être élu en fonction de ces règles. Mais ils se sont entendus dans notre dos, pour désigner un deuxième candidat, une Britannique du groupe Renew (centriste, Macron), qui a été élue par 15 voix contre 6 en ma faveur et 2 bulletins blancs.
Breizh-info.com : Vous faites partie de ces députés européens du RN qui semblent avoir le plus travaillé lors de la dernière mandature. Expliquez-nous quels ont été vos grands axes de travaux, au sein d’une Assemblée finalement méconnue par nos concitoyens.
Gilles Lebreton : Pendant 5 ans j’ai travaillé sur plusieurs dizaines de dossiers. Certains ont eu la faveur des médias comme le Règlement général sur la protection des données (RGPD) qui protège nos données personnelles informatisées. C’est une mesure sur laquelle j’ai travaillé plusieurs mois.
Nous avons voté un texte sur la protection des lanceurs d’alerte en Europe. Il y avait un manque à ce sujet dans certains pays, comme au Luxembourg. C’est ce qui a permis à ce pays de condamner en justice des personnes qui avaient dénoncé le scandale du Luxleaks dans lequel était impliqué M. Juncker, Président de la Commission européenne. J’ai soutenu très activement ce dossier (rapporteur en second). Cela a été voté en avril dernier, juste avant que le parlement se sépare.
On a aussi voté un texte sur les actions collectives de consommateurs. Un texte qui permet en Europe aux associations de consommateurs de faire des actions de groupe contre les multinationales qui pourraient nous porter préjudice. Chacun a en mémoire le scandale du Dieselgate de Volkswagen. Il faut savoir qu’en l’absence d’un tel texte, les consommateurs sont traités de façon inégale en fonction des pays, alors qu’ils sont victimes du même problème.
Breizh-info.com : Dans votre travail de tous les jours au Parlement, ressentez-vous ce cordon sanitaire très médiatisé et médiatique, contre vous ?
Gilles Lebreton : La réalité est différente de l’image que les autres groupes veulent donner officiellement. Dans la réalité, des parlementaires comme moi qui travaillent beaucoup jouissent d’un certain respect. J’ai fait aujourd’hui le Paris-Strasbourg à côté d’un député centriste qui m’a dit respecter beaucoup mon travail. En commission, je n’ai aucun mal à travailler, à proposer des améliorations de texte, qui bien souvent sont prises en compte. Mais ce n’est pas devant les médias, c’est du travail un peu secret.
Cela ne les gène pas que je prenne part à l’élaboration des textes. En revanche pour élire quelqu’un à des responsabilités, là, systématiquement, nous sommes barrés. Mais les eurodéputés viennent me voir en disant : « ce n’est pas dirigé personnellement contre vous, c’est une position politique ».
Chacun sait que sur les deux candidats en lice pour la présidence de la commission des Affaires juridiques, j’étais le plus expérimenté des deux.
Breizh-info.com : C’est donc une forme d’hypocrisie à caractère nuisible ?
Gilles Lebreton : oui. Là c’est particulièrement net. Ils ont élu une Britannique, nouvelle, sans expérience, c’est une folie, ce n’est pas sérieux. Mais c’est en plus quelqu’un qui va normalement partir dans trois mois avec le Brexit. C’est même de nature à perturber les travaux de la commission, ce n’est pas très sérieux.
Breizh-info.com : Question centrale, dans le rôle que vous allez jouer dans les prochaines années au Parlement. La guerre politique et médiatique est déclarée au sujet de l’immigration. Les camps sont définis, ce qui explique aussi le succès du RN aux dernières élections. Qu’allez-vous faire, comment allez-vous vous battre pour empêcher la submersion migratoire de l’Europe ?
Gilles Lebreton : Nous allons nous battre contre la submersion migratoire. Nous allons être beaucoup plus efficaces qu’avant, car nous étions 37 députés jusqu’ici, dans l’ancien parlement, et désormais nous sommes 73, puis 76 à l’issue du Brexit. Nous serons le 4e groupe sur 7 dans le Parlement ce qui n’est pas négligeable. Il y a un autre groupe à côté de nous qui partage nos positions contre la submersion migratoire (conservateurs, ECR). On a déjà passé une alliance pour proposer un président à la présidence du Parlement, qui a fait un très bon score (162 voix, deuxième position, c’est un séisme).
En dehors des conservateurs, certains partis, qui sont dans le PPE comme le parti d’Orban, vont voter ouvertement avec nous. Les députés hongrois du Fidesz ont déjà pris publiquement notre défense depuis le début de la rentrée parlementaire. Ils voteront avec nous, contre les consignes du PPE.
Breizh-info.com : Vous pensez donc que sur cette mandature à venir, il va y avoir une vraie bataille ?
Gilles Lebreton : Oui, le PPE est en train de se fracturer. D’autres nations d’Europe de l’Est sont mal à l’aise avec les mots d’ordre du PPE. On va avoir des surprises. La submersion migratoire est un sujet tellement important qu’on va pouvoir rejeter certains textes.
Breizh-info.com : Est-ce qu’il y a des propositions concrètes que vous allez mettre en œuvre au Parlement européen sur l’immigration ?
Gilles Lebreton : Nous avons beaucoup d’idées, mais pas encore adoptées officiellement par le groupe. Il y a deux façons de traiter l’immigration. Celle de nos adversaires qui consiste à ouvrir les portes de l’Europe. À accueillir beaucoup de migrants, à partager notre richesse avec ces gens qui souffrent de pauvreté.
Nous, nous sommes d’accord pour aider les pays en difficulté. Mais avec pour contrepartie le fait de les contraindre à garder leurs ressortissants chez eux. Il faut un marché donnant donnant. Ils doivent faire un effort. Ils doivent garder leurs ressortissants ou les récupérer quand on les appréhende. Certains États aujourd’hui touchent des aides et refusent de reprendre leurs ressortissants, on ne peut pas continuer comme ça.
Breizh-info.com : Une autre question, liée à l’immigration, est celle de l’écologie. On parle beaucoup du réchauffement climatique, mais très peu de la plus grande menace pour notre planète qui est la démographie mondiale. Quelles sont vos propositions à ce sujet ?
Gilles Lebreton : La démographie est doublement préoccupante. En Europe, car nous avons un déficit de naissances, pas nouveau d’ailleurs. Nous préconisons une grande politique nataliste au niveau européen pour qu’il y ait plus de petits européens qui naissent. La Hongrie est un exemple à suivre en la matière.
Le deuxième défi en matière de démographie est la démographie galopante de pays non européens, notamment en Afrique. Actuellement, d’après les chiffres officiels, il y a un peu plus d’un milliard en Afrique, pour 4 milliards d’ici 2100 au rythme où cette population croît. Ce n’est pas gérable. Il faut aider l’Afrique à régler son problème de démographie. Là encore, il faut faire du donnant donnant. Aider ces pays à fixer leurs ressortissants chez eux, et aussi à juguler leur natalité.
Breizh-info.com : Vous travaillez depuis des années au Parlement européen. Le souverainiste que vous êtes est-il devenu un pro européen, se rendant compte du point commun qu’il a avec des nombreux autres Européens ?
Gilles Lebreton : Il faut s’entendre sur ce qu’on appelle souverainiste. Nous voulons que chaque nation ait sa souveraineté, c’est à dire soit maîtresse de son destin. Cela n’exclut pas pour autant des coopérations au niveau européen, car il y a une civilisation européenne qui nous réunit tous. On a beaucoup de points communs, au-delà de la barrière des langues. On est favorable à une organisation européenne, mais moins intégrée que ne l’est l’UE qui se mêle de trop de sujets et devrait se recentrer sur l’essentiel. Et notamment la politique de l’environnement, la lutte contre l’immigration (défendre en commun nos frontières extérieures, ce n’est pas bien fait actuellement avec Frontex plus hôtesse d’accueil des migrants qu’un organe luttant pour la défense de nos frontières).
Nous ne sommes pas pour que chaque pays devienne totalement indépendant des autres. Nous sommes pour une concertation européenne.
Breizh-info.com : Questions d’actualité désormais : Si je vous dis Coupe d’Afrique des Nations et Algérie, que me répondez-vous ?
Gilles Lebreton : Sur le plan sportif, on verra qui du Sénégal ou de l’Algérie va gagner. Je ne prends pas position. Pour revenir à des problèmes franco-français, je suis inquiet. J’espère que, quel que soit le résultat de la finale, il n’y aura pas de problème en France.
Breizh-info.com : Si je vous dis Tour de France….
Gilles Lebreton : J’aime beaucoup le cyclisme, l’ayant pratiqué en amateur dans ma jeunesse. Un des rares sports où on lutte jusqu’au bord du malaise. J’admire ces coureurs cyclistes. Cette année, nous pouvons enfin avoir un vainqueur français, le premier depuis Bernard Hinault, notamment avec Thibaut Pinot (NDLR : interview réalisée avant le coup de bordure qui lui a fait perdre 1 min 30 s), ou Alaphilippe. Il est moins cité parmi les favoris, mais a un énorme mental de champion, à voir s’il passe la haute montagne. Avec une telle volonté de vaincre, je compte sur lui.
Breizh-info.com : Si je vous dis Rassemblement national et municipales…
Gilles Lebreton : Ce sont des élections très importantes pour nous, qui vont nous permettre de nous enraciner un peu plus dans nos régions. Je pense que nous aurons beaucoup plus de maires à l’issue de ces municipales que nous en avons pour le moment. Cela va être historique pour notre mouvement.
Breizh-info.com : Enfin, si je vous dis, malgré votre rentrée parlementaire, vacances en Bretagne, quel lieu choisissez-vous ?
Gilles Lebreton : J’aime toute la Bretagne. Mais j’ai une admiration particulière pour les Côtes-d’Armor. J’y vais assez souvent en vacances, même si j’aime bien mon Finistère natal également.
Propos recueillis par YV
Crédit photo : DR
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