Loi Avia : la France met fin à l’État de droit en matière d’expression

Plus que la Corée du Nord ou autres lieux où il fait bon vivre, « la France est une des plus grandes menaces mondiales contre la liberté d’expression », telle est l’opinion de Jonathan Turley, professeur de droit à l’Université Georges Washington, exprimée dans The Hill, « la colline », quotidien réunissant des journalistes démocrates et républicains distribué gratuitement dans et autour du Capitole. À quoi fait-il référence ? À la loi Avia, présentée et votée en France en tant que « loi de lutte contre la haine sur internet ».

La Loi Avia : de qui s’agit-il ?

Laetitia Avia, née en Seine-Saint-Denis, est députée LREM de la 8e circonscription de Paris, avocate (il est donc possible de passer le périphérique dans ce sens-là, en vrai) et femme de couleur originaire du Togo.

Elle a pu enseigner à Sciences Po Paris grâce à l’ouverture de l’école aux banlieues, faisant partie des premières générations ainsi issues de la « diversité » à s’engager en politique (du même bord, dans tous les cas). Laetitia Avia l’a clairement dit : c’est du fait de son expérience personnelle de « victime » qu’elle voulait une telle loi.

La Loi Avia est donc en premier lieu une loi typique de l’ambiance progressiste actuelle : loi d’émotion comme il existe des lois d’exception. Dans ce cas, les deux ont tendance à se confondre. Notons que le 5 juillet 2017, Le Canard Enchaîné révélait que Laetitia Avia avait mordu à l’épaule un chauffeur de taxi, le 23 juin 2017, à Saint Mandé, suite à une altercation. La députée a reconnu les faits devant la police, avant d’ensuite nier avoir mordu le chauffeur à l’épaule.

Une loi votée à la quasi-unanimité

La loi est intitulée « loi contre la haine sur internet » a été votée à l’Assemblée Nationale le mardi 9 juillet par 434 voix pour et 33 contre. C’est en soi un indicateur de l’état de la démocratie représentative en France. Elle avait été annoncée par le président Macron lors du dîner du CRIF en février 2019. Son objet est de bannir des grandes plateformes en ligne les discours dits « haineux ».

Les principales mesures sont l’obligation pour les plateformes et moteurs de recherche principaux de retirer sous 24 heures des contenus dits haineux car ils cibleraient l’appartenance religieuse (même les païens et les chrétiens ?), ethnique (cela concerne-t-il les blancs ?), sexuelle (les hétéros aussi ?) ou le handicap (les personnes favorables à l’euthanasie de Vincent Lambert seront-elles concernées ?). A ces propositions de départ, larges et peu claires, l’assemblée a ajouté « la provocation au terrorisme et la pédopornographie ». Toute plateforme ne retirant pas ces contenus paiera 1,25 millions d’euros d’amende

Prime à la délation

La question est : qui détermine que le contenu est illicite, et ce en moins de 24 heures ?

Réponse : ce sont les internautes qui signalent ces contenus. Autrement dit, il n’y a pas de procédure judiciaire ni d’intervention d’un juge. La pratique organise une forme de délation, donne le primat à l’émotionnel et le pouvoir à des petits groupes organisés plutôt qu’à la justice. La question de l’état de droit relativement à la liberté d’expression est en effet maintenant posée en France.

Sur toutes les plateformes, il y aura donc un bouton très visible permettant de signaler tout contenu jugé illicite par tout internaute. Le CSA veillera ensuite au grain, pouvant imposer une sanction, si une plateforme résiste, allant jusqu’à 4 % du chiffre annuel mondial de cette plateforme.

Les plateformes sont obligées de coopérer avec la justice et donc de fournir, à l’instar de Facebook maintenant, à la justice les adresses IP d’auteurs de propos supposés haineux (rappelons que ces derniers, vous, moi, votre voisin, seront dénoncés par la seule grâce d’un simple bouton, en un clic), ce qui permettra de mettre en place une base de données, que les plateformes auront le devoir de conserver afin de pouvoir comparer les nouvelles publications avec d’anciens cas.

Une loi dangereuse pour la démocratie, les libertés et l’État de droit

Toute personne de bonne foi le reconnaîtra : l’État, par le biais de sa justice, a le devoir de faire respecter la loi et de sanctionner les manquements. Dans le cadre de la loi. Ainsi, tout propos qui tombe sous le coup de la loi doit être sanctionné par la justice, dans le cadre de l’État de droit. C’est précisément ici que le bât blesse : la justice n’intervient qu’après la sanction. Et encore… il faudra voir, avec l’expérience, si la justice a le temps de se focaliser sur les milliers de cas qui vont être concernés puisque les internautes vont sans doute se mettre à « boutonner » comme de jeunes filles au printemps. A commencer par les organisations d’ultra gauche, jamais inquiétées, jamais poursuivies en justice, qui doivent déjà fêter cela bruyamment dans l’un ou l’autre camping de Saint-Tropez.

Les reproches faits à cette loi sont nombreux. Elle est accusée de limiter la liberté d’expression (RN, LFI) ou de nécessiter trop de moyens humains et matériels pour être efficace (PS). Le fait est que les plateformes vont avoir intérêt à faire du zèle, ainsi que le montre l’exemple allemand, un des rares pays où ce type de dispositif existe déjà : Facebook a été assujettie à une amende de deux millions d’euros simplement pour avoir manqué de clarté en signalant le nombre de contenus supprimés… Des associations comme La Quadrature du Net, peu sujette à soupçons, indiquent que « Le gouvernement ne veut pas du tout régler ce problème de haine en ligne » (Franceinfo, 10 juillet 2019). Cette association démontre d’ailleurs que la surveillance généralisée des contenus et que la vérification qu’ils ne sont pas remis en ligne sont strictement interdits par une directive européenne depuis 2000, ce qui conduit effectivement à douter de la légalité de la loi Avia – à l’échelle européenne.

La Quadrature du Net insiste aussi sur le point fondamental : étant amenées à partager une base de données supposément illicites, les plateformes vont remplacer les instances judiciaires. Pire, pour cette association, la loi Avia marque le franchissement d’une marche supplémentaire vers le fait de léguer le pouvoir politique aux grandes entreprises, en particulier multinationales. Cela étonnera-t-il de la part de Macron et de son gouvernement ? La loi Avia, contrairement à ce qui est annoncé, n’est pas une loi de protection des personnes ni de la démocratie, elle est au contraire une loi politique autoritaire qui nie l’État de droit en France. Et bientôt en Europe.

Texte publié sur le site de l’OJIM

 

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