Polémia continue son tour d’Europe du Grand Remplacement. Après avoir étudié l’emblématique cas de la Suède puis l’inquiétante submersion démographique de la Belgique et l’espoir d’une réaction politique au Danemark… c’est au tour de la Grande-Bretagne d’être étudiée par Paul Tormenen. La situation y est – comme partout en Europe de l’Ouest – désastreuse.
La Grande-Bretagne est confrontée depuis plusieurs décennies à une immigration massive. A l’instar d’autres pays anglo-saxons, ce pays a cherché avec le multiculturalisme à faciliter l’intégration des extra-européens. Ce modèle de société est sérieusement remis en cause depuis quelques années. Suite au vote en faveur du Brexit, l’avenir nous dira si l’establishment permettra aux britanniques de retrouver la maîtrise de leur destin, en particulier dans le domaine migratoire.
Une hausse récente de l’immigration
Si la Grande-Bretagne a connu au cours de son histoire plusieurs vagues d’immigration, en provenance d’Irlande, d’Europe occidentale et de pays du Commonwealth, c’est surtout à partir des années 1990 que les flux ont commencé à augmenter de façon importante. Le contrôle de l’immigration s’est en particulier relâché sous le gouvernement travailliste au pouvoir entre 1997 et 2007 (1). Ainsi, un tiers des immigrés présents en Grande-Bretagne seraient arrivés au Royaume-Uni sous les mandats successifs du premier ministre libéral libertaire Tony Blair. Entre 1997 et 2009, la population étrangère a augmenté de 2,2 millions de personnes, dont la moitié issues de pays du Commonwealth (2).
Une particularité de l’immigration dans les années 1990 et 2000 est l’importance des arrivées d’une part d’européens, dont beaucoup de polonais, et d’autres part de non-européens. En dépit du durcissement des conditions d’accueil, les différents gouvernements n’ont jusqu’à ces dernières années pas réussi à réduire significativement les entrées d’immigrés sur le territoire.
En 2016, l’échec de la tentative du Premier ministre de l’époque, David Cameron, d’obtenir des restrictions significatives aux règles de libre circulation au sein de l’Union européenne, conjugué à l’échec du multiculturalisme à l’anglaise, peuvent être une partie d’explication au vote majoritairement favorable à la sortie de la Grande-Bretagne de l’Union européenne (le « Brexit ») (3).
L’immigration extra-européenne
Au sortir de la 2e guerre mondiale, une immigration de travail d’Afrique et des Caraïbes a été organisée, afin de répondre aux demandes du patronat, en particulier dans le secteur des transports. En dépit de mesures restrictives prises en 1962, les immigrants venant de ces contrées ont continué à arriver en Grande-Bretagne et à s’installer dans les grandes villes du pays.
L’immigration de pays du Commonwealth, en particulier d’Inde et du Pakistan, a également été favorisée dans les années 50, dans le but affiché d’accompagner le développement économique. Alors que les besoins du marché du travail commençaient à se tarir, en particulier dans l’industrie lourde, les arrivées de citoyens d’anciens dominions et colonies de la Grande-Bretagne ne baissèrent pas. Plusieurs lois adoptées en 1971, 1982 et 1988 (appelées « loi des immigrants du Commonwealth ») visant à restreindre l’immigration ont alors été prises, avec un succès mitigé (4).
En 1968, un député anglais, Enoch Powell, prononça un discours dans lequel il mettait en garde ses concitoyens sur les arrivées massives d’immigrés de pays du Commonwealth et leurs conséquences (5). Si cette allocution lui a valu de nombreuses critiques de l’establishment et un grand soutien populaire, elle apparaît rétrospectivement comme visionnaire.
Selon le dernier recensement réalisé en 2018, le Royaume Uni compterait 3,3 millions de musulmans (6). Sur la période 2001-2011, la population musulmane a presque doublé en Angleterre et dans le Pays de Galle (7).
Une immigration massive
Les chiffres de l’immigration en Grande-Bretagne sont impressionnants :
- L’immigration nette (immigration moins émigration) depuis 2003 fait ressortir un solde positif compris entre 200 000 et 300 000 habitants supplémentaires par an.
- Depuis 1996, l’immigration extra-européenne avoisine annuellement les 300 000 arrivées (328 000 en 2018).
- Depuis 1998, l’immigration nette des non-européens oscille entre 129 000 (en 1998) et 232 000 (en 2018) par an.
- Alors que le pays a une population totale de 66 millions d’habitants, le nombre de résidents nés à l’étranger a doublé depuis 2004 et s’élève à 9,4 millions. Parmi eux, les non-européens sont majoritaires (5,7 millions) (8). La population née à l’étranger représente 14,4 % de la population totale, un pourcentage qui est plus fort dans les grandes agglomérations comme à Londres (41 % de la population) (9).
- Bien qu’il soit par nature difficile à évaluer, le nombre de clandestins avoisinerait le million de personnes dans le pays (10)Comme le faisait remarquer un rapport parlementaire, le travail illégal ne présente pas les mêmes inconvénients pour les clandestins en Grande-Bretagne que dans d’autres pays, en raison notamment de l’absence de salaire minimum (11). On peut mentionner aussi l’absence de carte d’identité. Le nombre très important de clandestins dans le pays permet à l’économie souterraine de prospérer. Globalement, elle représentait 150 milliards de livres annuellement en 2013 (168 milliards d’euros) et le travail non déclaré 10 % du revenu national (12).
L’immigration : un impact positif pour l’économie ?
Si, selon l’office national de statistique de Grande-Bretagne, le taux d’emploi des ressortissants européens (81 %) est supérieur à celui des citoyens britanniques (75 %), le taux d’emploi des non-européens n’est que de 63 % (13). D’autre part, une agence rattachée au gouvernement anglais, le « Migration Advisory Committee », a mis en avant un impact négatif de l’immigration extra-européenne sur l’emploi des travailleurs anglais (14). Un article recensant plusieurs études scientifiques publié sur le site de l’université d’Oxford aboutit au constat que les migrants non issus de l’Union européenne ont une contribution fiscale négative (15).
L’échec du multiculturalisme
Dans l’objectif de favoriser l’accueil et l’« intégration » des nouveaux arrivants, une idéologie s’est développée en Grande-Bretagne dans les années 1960 : le multiculturalisme. Il repose sur deux postulats :
- les cultures d’origine des immigrés doivent être préservées,
- l’adhésion à la culture nationale n’est pas indispensable à la cohésion nationale (16).
Toute une série de mesures a été prise dans ce sens par les gouvernements successifs : introduction de l’apprentissage à l’école des langues des immigrés, modification des programmes scolaires afin de favoriser le multiculturalisme de la société, autorisation et subventionnement d’organisations locales communautaristes, etc.
Les résultats de cette politique conjuguée à une immigration massive n’ont non seulement pas été probants, ils ont été largement contre productifs :
- La politique de subventionnement des associations de quartier sur des bases ethniques a amené nombres d’entre elles à s’ériger en communautés. Leur organisation sur ces bases a pu favoriser et entretenir une idéologie séparatiste, voire rétrograde (17).
- Certains dispositifs mis en place dans le cadre du multiculturalisme ont parfois été vécus comme discriminatoires par une partie de ceux qui sont appelés avec condescendance des « petits blancs » (18).
- La concentration de minorités ethniques dans certaines villes a entraîné un « white flight », un exode de blancs vers d’autres lieux de résidence, accréditant la thèse de « vies parallèles » dans tous les aspects de la vie quotidienne (19) (Jérôme Fourquet parle de « société d’archipels » pour la France).
- Plusieurs émeutes impliquant des jeunes noirs originaires des Caraïbes ont eu lieu dans les années 1980 à Brixton, Londres, Liverpool et au début des années 2000 à Bradford et Oldham (20).
Un rapport publié en juillet 2015, réalisé à la demande du premier Ministre à partir d’une enquête de terrain, contenait des constats cinglants (21) :
– Des quartiers sont à un tel point communautarisés que les enfants des écoles y habitant pensent que la population britannique est composée entre 50 % et 90 % de personnes dites « asiatiques » (expression utilisée en anglais pour désigner les indiens et pakistanais).
– Dans quelques 682 circonscriptions électorales, plus de 40 % des habitants sont des « britanniques non-blancs ». Une proportion qui dépasse 90 % dans 17 quartiers.
– Des quartiers des villes de Blackburn, Birmingham, Burnley et Bradford ont une population musulmane comprise entre 70 % et 85 %.
– Des « charia council » ont été autorisés, «à vocation de conseil ». Face visible d’un communautarisme islamique parfois beaucoup plus rigide et intolérant. En témoigne un récent reportage sur l’enseignement dispensé dans certaines écoles privées musulmanes sous influence salafiste (22).
– De très nombreux mariages musulmans (« sharia marriages ») échapperaient au code civil national.
– Les institutions gouvernementales et non gouvernementales, nationales et locales, ont ignoré voire cautionné des pratiques religieuses ou culturelles régressives (excision, mariages forcés, etc.), notamment en matière de droit des femmes, par peur d’être accusé de racisme ou d’islamophobie (23).
L’épitaphe du multiculturalisme
Dans un discours prononcé en 2011 à Munich, le Premier ministre de l’époque,David Cameron, en se défendant de tout amalgame, déclarait notamment : « Avec la doctrine du multiculturalisme d’Etat, nous avons encouragé des cultures à vivre séparément, à l’écart des autres et du reste de la société (« apart from the mainstream »). Nous avons même toléré ces communautés sécessionistes qui sont organisées selon des valeurs contraires aux nôtres »(…). « Quand un non-blanc émet des opinions et a des pratiques inacceptables, nous sommes très prudents, voire craintifs de nous y opposer (…). » (24).
Ironie de l’histoire, alors que le multiculturalisme s’impose en Europe continentale sous l’effet d’une immigration de masse, les avertissements venus de Grande-Bretagne ont jusqu’à présent été largement ignorés. Si le multiculturalisme a pu se développer dans les années 1960 et 1970 grâce au soutien bienveillant des autorités anglaises, la situation nous montre qu’à partir du moment où ce ne sont plus des hommes et des femmes que l’on fait entrer dans le pays mais des peuples, le communautarisme s’impose de facto.
Paul Tormenen
25/06/2019
(1) « The history of the immigration to the U.K. ». Migration watch UK. 3 septembre 2018.
(2)« Royaume Uni, l’immigration sur l’agenda politique ». D. Lassalle. La Documentation française. 14 janvier 2014.
(3)« David Cameron got nothing for something ». Le Vif. 24 février 2016. Voir aussi la critique de Michèle Tribalat du livre de David Goodhart,« the road to somewhere », sur son site.
(4) « Caribbean immigrants in Britain and Canada : socio-demographic aspects ». A H. Richmond. 1987.
(5) « Des fleuves de sang ». Discours d’Enoch Powell du 20 avril 1968. Boulevard Voltaire.
(6) « Muslim population in the U.K. ». Office for national statistics. 2 août 2018.
(7) « Muslim population in England and Wales nearly doubled in 10 years ». The Guardian. 11 février 2015.
(8) « Population by country of birth ». Migration watch UK.
(9) « Migrants in the U.K., an overview ». The migration observatory at the university of Oxford. 15 octobre 2018.
(10) « Illegal immigration, what can be done ? ». Migration watch UK. 20 septembre 2018.
(11) « La lutte contre le travail clandestin ». Sénat. 1996.
(12) « UK shadow economy worth $ 150 bn ». The Guardian. 4 juillet 2013.
(13) « UK and non UK people in the labour market. May 2018 ». Office for national statistics.
(14)« How immigrants affect jobs and wages ». Full fact. 15 mai 2017.
(15) « The fiscal impact of immigration in the U.K. ». The migration observatory in the university of Oxford. 18 février 2019.
(16) « Les avatars du multiculturalisme britannique ». D. Lassalle. La Documentation française. 13 mai 2015.
(17) « Les métamorphoses du multiculturalisme britannique ». Vincent Latour.
(18) Ibid (16)
(19) « Du multiculturalisme à la crise de l’intégration. Regards croisés entre le Canada et la Grande-Bretagne ». Romain Garbaye. Miranda. 2014.
(20) « Le Royaume uni et les migrants, histoire d’un désamour ». Sputniknews. 29 janvier 2016.
(21) « The Casey review in opportunity and integration ». Dame Louise Casey. 2015.
(22) « L’enseignement de la charia en Grande-Bretagne, c’est une réalité ». Reportage de France 2, extrait sur le site de Damoclès. 17 juin 2019.
(23)Lire à ce sujet « Viols à Huddersfield : après l’omerta, le silence des médias imposé par la justice ». Observatoire du journalisme. 5 novembre 2018.
(24) « PM speech at Munich security conference ». Site du gouvernement britannique. 5 février 2011.
Source : Correspondance Polémia
Crédit photo : DR
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