À la demande du Parti socialiste, l’Ifop vient de réaliser un sondage sur les prochaines municipales à Nantes. Totalement à rebours des élections européennes, il tend à raffermir les positions de Johanna Rolland. Et vient à point étayer une campagne de presse aux forts accents de manœuvres politiques…
Depuis plusieurs jours, une campagne de presse insidieuse se développe dans les quotidiens du groupe Ouest-France. Elle a commencé par la publication dans Presse-Océan d’un « off » d’un apparatchik PS non nommé qui juge Johanna Rolland indéboulonnable, faute de personnalité écolo ou En Marche suffisamment connue et populaire.
La campagne se poursuit par ce sondage, abondamment expliqué dans Ouest-France lundi, alors que le même quotidien se montre étonnamment peu disert sur la rencontre entre Johanna Rolland et les nantais samedi. Et pour cause, c’est un flop total, qui témoigne du niveau réel du « fort soutien » des Nantais. En même temps que le sondage – et pourquoi pas sur la même page ? – ça ferait quelque peu désordre.
Comment dissuader les Verts d’y aller seuls ?
Le sondage accorde 33% des voix des électeurs nantais à Johanna Rolland, « un point et demi de moins qu’à l’élection de 2014 », ce qui indiquerait « son enracinement local ». Mais face à qui ? Là est la faille du sondage : du côté de La République en marche (LREM), il ne teste qu’une personnalité, Sophie Errante. Cette « marcheuse » pas très sûre de son itinéraire élue députée LREM du vignoble nantais en 2017 était précédemment… députée PS de la même circonscription. Anciennement maire de La Chapelle-Heulin, elle a certes proclamé sa candidature à Nantes – avec une belle bourde à la clé – mais n’est pas la seule candidate possible. Et sûrement pas la plus connue. Il y a aussi Valérie Oppelt, Hervé Grélard, Emmanuelle Bouchaud… ou même François de Rugy. Le ministre de l’Environnement a dit qu’il ne serait pas présent aux municipales mais semble rester en embuscade. Témoin sa réaction cinglante à l’idée émise par Johanna Rolland de rendre gratuits les transports le week-end.
Mais la vraie cible du sondage n’est pas En Marche, c’est EELV, donné à 23%. Selon Frédéric Dabi, directeur général adjoint de l’IFOP, « EELV n’est aujourd’hui pas en situation de bousculer » Johanna Rolland, mais « dans l’hypothèse d’un accord entre PS et EELV la liste commune arriverait à 51% ».
La manœuvre est donc cousue de fil blanc : éliminer artificiellement le risque LREM en basant un sondage sur la candidate la moins connue à Nantes, puis ne prévoir de second tour qu’entre cette candidate et Johanna Rolland. Pourtant, bien d’autres scénarios sont possibles. En particulier, rien ne dit qu’EELV, qui a obtenu près d’un quart des voix à Nantes aux élections européennes, acceptera de venir au secours de Johanna Rolland. Poser cette dernière en incontournable n’est pas crédible alors que le PS s’est pris une veste monumentale aux européennes sur la ville.
Le PS pèse encore mais devient pesant
Même si les européennes ne sont pas les municipales, les résultats dans les bureaux de vote du centre-ville sont assez clairs : Johanna Rolland n’est absolument pas indéboulonnable. Avec plus de 60% de participation dans certains bureaux, les Verts sont souvent en tête à plus de 30%, et En Marche juste derrière à 15-20%. La situation est inverse dans d’autres bureaux ; en périphérie et dans les quartiers sensibles, la participation s’effondre, mais les voix se tournent vers le RN et non le PS.
La démonstration est claire : alors que la droite LR risque fort de ne faire que de la figuration, l’électorat de Johanna Rolland a basculé en grande partie chez les Verts et En Marche. Les uns et les autres pourraient prendre la ville seuls sans se laisser plomber par un PS en difficulté. Ce que certains envisagent ouvertement dans les états-majors respectifs des deux partis.
Il faudra donc probablement plus d’un sondage pour convaincre les Verts – ou En Marche – de renoncer à leurs ambitions et leur liberté. La mairie a commencé déjà à mettre en scène le bilan de Johanna Rolland, seul capable de donner une prime au sortant. Peu probable qu’on y trouve l’abattage massif d’arbres – curieuse vision de l’écologie urbaine – ou la hausse très nette de la délinquance et notamment des viols.
Louis Moulin
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