Quelques jours après que le Médiateur de l’énergie ait pointé, dans son rapport d’activité 2018, la propension toujours grande de certains énergéticiens à recourir au démarchage téléphonique ou physique, on apprenait que certains électeurs avaient subi de telles pratiques abusives de la part d’au moins trois partis politiques.
Beaucoup, si ce n’est tous les politiques, se sont félicités du taux de participation des Français aux élections européennes du 26 mai dernier. Ils étaient en revanche moins nombreux à disserter sur les méthodes employées par leur parti pour draguer les électeurs avant le scrutin. Ces derniers, qui ont pu recevoir, au choix, un SMS de Marine Le Pen, un appel de Jean-Luc Mélenchon ou un coup de téléphone d’un ministre, n’ont pas hésité, pour certains, à dénoncer sur les réseaux sociaux des pratiques intempestives, frôlant parfois l’illégalité.
Le profil « kallonbreizh », sur Twitter, s’est ainsi exprimé le 19 mai dernier : « Alors, Monsieur Mélenchon… Je viens d’avoir un appel téléphonique de votre part sur mon téléphone de maison !! Je suis sur liste rouge !! Je ne comprends pas ?? De quel droit vous venez me déranger chez moi ?? ». Quelques jours plus tard, une autre personne a publié — pour se moquer visiblement — une capture d’écran d’un SMS envoyé par la patronne du Rassemblement national, appelant à voter « pour la liste RN menée par Jordan Bardella ». Et, surtout, demandant de « faire suivre ce message à tous vos contacts ». Même La République en Marche s’est vantée, sur Twitter, de faire « bosser » les ministres, dont celui de l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, qui a appelé un certain nombre de personnes pour les encourager à voter.
Démarchage abusif
Si, comme le révèle France Info, ces démarches, quoi qu’un brin « rentre dedans », sont restées globalement légales, elles n’en ont pas moins excédé les Français. Ils sont d’ailleurs nombreux à les avoir « signalées » auprès de la Commission nationale informatique et libertés (CNIL). Elles rappellent en tout cas les pratiques abusives employées par un certain nombre d’acteurs économiques, au premier rang desquels les groupes énergétiques, qui s’adonnent régulièrement au « racolage téléphonique » et physique pour essayer de grappiller des contrats. C’est d’ailleurs ce que dénonçait il y a quelques jours le Médiateur national de l’énergie, Jean Gaubert, après avoir remis son rapport d’activité 2018.
« 2018 est sans doute, selon le bilan, l’année où le développement de la concurrence en énergie aura été le plus dynamique, indiquait-il au Parisien. Les Français sont de plus en plus informés des choix qui leur sont proposés pour la fourniture d’électricité. Mais dans un même temps, le fonctionnement du secteur n’a jamais été aussi confus et complexe ». Résultat : les énergéticiens (Engie, Direct Energie et Eni en tête), qui peinent à tirer profit de la libéralisation du marché de l’électricité intervenue il y a une dizaine d’années, usent et abusent de pratiques abusives. Comme le démarchage téléphonique ou physique, dont sont victimes, avant tout, les personnes âgées.
Durcir les sanctions
Il n’est pas rare, ainsi, qu’après le passage d’un commercial plus ou moins scrupuleux, ces dernières se retrouvent avec un tout nouveau contrat qu’elles n’avaient pourtant pas voulu. Avec, évidemment, des frais supplémentaires à honorer. Pour éviter ce genre de mauvaises expériences, des associations ont d’ailleurs vu le jour et écument les villes afin de conseiller les personnes âgées (et les autres). À Lanvallay (Côtes-d’Armor), par exemple, le groupement Consommateur logement et cadre de vie (CLCV) a récemment donné un « cours magistral » sur le démarchage abusif, en essayant d’attirer la vigilance des habitants de la commune.
S’il convient de se féliciter de ce genre d’initiatives, il vaudrait mieux s’emparer du problème à la racine. C’est-à-dire en adoptant un texte de loi qui permette d’encadrer davantage ces pratiques. Le député (UDI) des Vosges Christophe Naegelen le sous-entendait en février dernier, lorsqu’il affirmait : « Que ce soit pour le démarchage à domicile ou téléphonique, le dispositif actuel ne permet pas une bonne protection des consommateurs, le dispositif légal n’est pas assez dissuasif ». Dans son viseur, sans doute : le dispositif Bloctel, mis en place par l’État en 2016 pour dissuader les sociétés de démarchage d’aller siphonner le numéro des personnes inscrites sur « liste rouge ».
Une proposition de loi visant à durcir les sanctions contre ces entreprises est à ce titre dans les travées du Parlement. Et c’est une bonne nouvelle semble-t-il. Car il était apparu, dès 2017, que sur 12 000 personnes interrogées, 82 % estimaient que les démarchages n’avaient pas ou peu baissé.
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