La droite va-t-elle devenir une force résiduelle, comme les gaullistes après la disparition du Général, comme les communistes après l’arrivée de Mitterrand à l’Élysée ? Après tout, le Parti radical, clé de voûte de la IIIe République, existe encore… En 2007, Sarkozy avait siphonné les électeurs du FN, en 2019, une partie de l’électorat de droite a été phagocytée par LREM.
Il y a des analyses politiques qui sortent de l’ordinaire ; elles présentent le mérite de voir les choses autrement. C’est le cas avec Nadine Morano, réélue député LR aux élections européennes (elle se trouvait en quatrième position). Après la démission de Laurent Wauquiez, elle déclare devant des journalistes le 3 juin : « Quand j’entends parler de Retailleau comme président de LR, je me dis que ce n’est peut-être pas utile d’avoir un évêque à la tête du parti après avoir eu un curé comme tête de liste ! » Avant de conclure ironiquement : « Avoir aujourd’hui Leonetti, le spécialiste de la fin de vie, comme président par intérim, c’est quand même pas mal. » (Le Canard enchaîné, 5 juin 2019).
Mais Mme Morano est capable de faire plus classique : « Notre électorat fuit car nous ne sommes plus désirables, nous menons une bataille de chiffonniers, ça ne peut pas marcher » (Les Échos, mardi 11 juin 2019).
Manque d’imagination chez les élus bretons
Chez les élus bretons, on n’a pas autant d’imagination ; on est moins rigolo. Ainsi, une fois le résultat des européennes connu, Alain Cadec (LR) député européen sortant et battu le 26 mai, se lamente : « C’est dramatique pour notre pays et le grand perdant, c’est la France » (Le Télégramme, lundi 27 mai 2019). L’analyse de Marc Le Fur (LR), député de Loudéac, n’est guère plus originale : « Objectivement, le résultat n’est pas bon du tout. Nous avons été pris en étau entre le Rassemblement national et la République en marche » (Ouest-France, Côtes-d’Armor, mardi 28 mai 2019).
Rien d’étonnant à ce que les uns et les autres se gardent bien de sortir les chiffres. En Bretagne (5), aux élections européennes de 2014, la liste UMP avait engrangé 270 376 voix (18,36 %). À celles de 2019, la liste LR s’effondre : 139 261 voix (7,78 %). Soit un recul de 131 115 voix (-10,58 points). Chez les centristes, la situation n’est guère plus brillante. Toujours en Bretagne (5) : 172 031 voix (11,68 %) pour la liste UDI en 2014 et seulement 47 146 voix (2,63 %) en 2019. Soit un recul de 124 885 voix (-9,05 points).
LR, un problème structurel ?
Évidemment, les politologues ont leur petite idée sur la question. D’après Jérôme Fourquet : « Pour LR, le problème est structurel : à partir du moment ou un vaste bloc central incarne la défense des institutions, se dit proeuropéen et affiche un agenda de réformes libérales, il reprend une large part de l’ADN du juppéisme. Difficile pour LR d’aller contre cela. » (L’Express, 29 mai 2019). Pour le même Fourquet, ou bien la droite meurt, ou bien « elle est réduite à son noyau historique, qui existe encore mais n’est plus capable de peser et de se qualifier pour le second tour » (Le Point, 30 mai 2019).
Le mot de la fin revient à Jérôme Sainte-Marie : « Aujourd’hui, le risque pour la droite n’est plus seulement d’être battue mais d’être remplacée (…) Avec l’offre politique concurrente d’En Marche, beaucoup d’électeurs se demandent à quoi sert la droite » (Le Figaro magazine, 14 juin 2019).
Bernard Morvan
Crédit photo : MEDEF/Wikimedia (cc)
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