Il fût un temps où le Festival du livre en Bretagne – Gouel al levrioù e Breizh – était un salon du livre qui se voulait anti-conformiste. On y parlait Bonnets rouges, Front de Libération de la Bretagne, lutte contre la République française et ses conséquences, ou encore nationalisme irlandais, nationalisme corse, nationalisme basque.
Ce temps semble révolu, si l’on se fie à l’affiche et à la présentation pour le festival 2019 qui se tiendra à Carhaix, les 26 et 27 octobre prochains.
Car en effet, quoi de plus conformiste aujourd’hui, à l’heure de l’ouverture des frontières, de l’immigration organisée entre l’Afrique et l’Europe par des esclavagistes bien aidés, y compris involontairement, par des idiots utiles, que de consacrer une édition à « l’universalité de la Bretagne », avec une affiche 100 % africaine par ailleurs.
« Bretagne est univers » nous indique l’affiche. « Elle ouvre des horizons inhabituels à cette manifestation littéraire qui ne manquera pas d’étonner les habitués de ce rendez-vous attendu. D’Afrique, d’Outre-Atlantique, du Proche-Orient, d’Outre-Manche, d’Outre-Pyrénées… les origines des auteurs invités pour fêter cet anniversaire apporteront les échos des “fracas du monde” ». « La culture bretonne a toujours été ouverte sur le monde », expliquent les responsables du festival qui poursuivent :
« En côtoyant depuis des lustres les autres peuples et les autres cultures, les autres langues… la Bretagne s’est bâtie une solide identité, ouverte sur le monde, faite de tolérance et de curiosité à l’égard de la diversité. En ces temps de confusion et de repli sur des notions d’exclusion, de la “peur de l’autre” et de flatterie à l’égard des bas instincts de l’Homme, le Festival ouvrira largement ses portes et ses fenêtres à des auteurs issus de peuples vivant parfois chichement ou confrontés à des conflits susceptibles de porter atteinte à leurs libertés fondamentales. »
Dans la présentation de l’évènement, on retrouve cet éternel poncif sur « la culture bretonne, toujours ouverte sur le monde ». Un poncif que l’on retrouve au quotidien, de festival en festival, de concert en concert, dans toute la Bretagne, à un point tel qu’il s’agit bien aujourd’hui d’un conformisme qui finit par en désarçonner plus d’un.
Très souvent en Bretagne le terme « ouverture sur le monde » se résume par ailleurs à une très folklorique « ouverture sur l’Afrique » (combien de soirées asiatiques vs combien de soirées africaines dans les communes bretonnes ?). Un continent dont la fascination qu’il inspire, notamment auprès d’une génération très souvent à la retraite, semble parfois avoir certains relents malsains de colonialisme, quand ce ne sont pas des raisons irrationnelles, inexplicables, ou encore inavouables…
D’autant plus enfin que les promoteurs de ce conformisme – nombreux dans le milieu culturel breton – en oublieraient presque qu’en Bretagne, historiquement, hormis une minorité d’aventuriers qui se sont aventurés dans le monde entier, souvent pour y rester et s’y reproduire d’ailleurs (d’où la gigantesque diaspora bretonne à travers le monde), la grande majorité de la population bretonne, loin de « s’ouvrir sur le monde » a passé sa vie, génération après génération, à affronter les difficultés de la vie au pays, en Bretagne, loin de tout.
Que nous réservera l’édition 2019 du festival du livre en Bretagne ? L’arrivée sur scène de Christian Troadec au rythme des tam-tams, avec un chapeau en léopard façon Mobutu ? Ou bien la parution d’une nouvelle édition du Petit cheval d’Orgueil en swahili ? Ou encore la lecture de « la découverte ou l’ignorance » par Ousmane, réfugié malien depuis un an en Bretagne ? On en salive d’avance…
Humour, humour, je précise…
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