Avec la réception du leader du Vlaams Belang par le roi Philippe de Belgique, le cordon sanitaire autour des séparatistes flamands a été rompu. Au grand dam de la gauche wallonne francophone. Qui digère mal ce retour en force de la Flandre aux élections.
Vlaams Belang : le roi sous pression
Le cordon sanitaire en place depuis 1991 n’est plus d’actualité compte tenu du succès électoral des nationalistes flamands du Vlaams Belang lors des élections du 26 mai. En plus du scrutin désignant les prochains eurodéputés, les électeurs belges étaient aussi invités à se prononcer sur la nomination de leurs représentants régionaux et fédéraux. Mercredi 29 mai, le roi des Belges Philippe a reçu Tom Van Grieken, leader de la formation politique. Une réception qui intervient dans le cadre de discussions dans l’optique de la constitution d’un nouveau gouvernement fédéral.
Cette entrevue entre le roi Philippe et le Vlaams fait grincer des dents la Belgique francophone et plus généralement tout ce que le pays compte comme figures du politiquement correct. Les médias belges (mais aussi français) ont ainsi été nombreux à s’empresser de souligner qu’il faut remonter en 1936 pour retrouver trace d’une réception officielle d’un parti politique dit « d’extrême droite » par le roi. C’est à ce dernier qu’incombe officiellement la tâche de lancer le processus de négociations entre les chefs des partis belges.
Une année 1936 où le roi Léopold III avait invité Léon Degrelle, à la tête du parti Rex. En 1978, le leader de ce qui était encore le Vlaams Blok (avant de devenir le Vlaams Belang en 2004) Karel Dillen avait refusé l’invitation du roi Baudouin, les nationalistes flamands n’ayant que peu de sympathie pour la monarchie belge. Mais les scores électoraux de dimanche dernier ont changé la donne.
Le Vlaams au Palais royal : la gauche wallonne en PLS
« Ça me choque profondément ! Pourquoi le Roi devait-il recevoir le Vlaams Belang ? Alors qu’il y a eu un ‘NON’ des partis démocratiques flamands en dehors de la N-VA qui ont dit qu’ils ne voulaient pas gouverner avec le Belang. Et côté francophone, personne ne veut non plus. C’est un parti raciste et violent et je trouve que le message donné par le Roi est dommageable. »
En oubliant de préciser que, sans la N-VA qui a bien compris que le mépris envers le Vlaams n’était plus d’actualité, les autres partis flamands sont dans l’incapacité totale de former une majorité au Parlement flamand.
Quant à Rudi Vervoort (PS), le ministre-président bruxellois sortant, il s’est aussi exprimé sur ce rendez-vous au Palais royal :
« Le Roi est maître de son agenda. C’est sûr que pour moi, ce n’est pas un plaisir de voir cette scène en Belgique. Cependant, il y a une réalité électorale en Flandre qu’on ne peut pas nier. Mais à mes yeux, le Vlaams Belang est un parti infréquentable. C’est une décision du Roi que je peux comprendre, mais c’est avec beaucoup de regrets que j’assiste à ce moment que je n’imaginais pas voir un jour. »
Socialistes wallons : la fête est finie
Même dépit impuissant chez les centristes francophones du CDH (Centre démocrate humaniste), qui ont essuyé un revers électoral le 26 mai. Le chef de la formation Maxime Prévot a déclaré : « Rien que l’idée de voir arriver le Vlaams Belang au Palais me fait froid dans le dos, mais au vu du résultat démocratique en Flandre, personne n’en tiendra rigueur au Roi de le recevoir ».
Toutes ces personnalités politiques wallonnes qui n’ont eu de cesse d’avoir le mot « démocratie » à la bouche en sont pour leurs frais : si le Vlaams Belang est aujourd’hui au coeur du jeu politique en Flandre (et en Belgique par extension), ce n’est pas le résultat d’un « coup d’état d’extrême droite » mais simplement celui des urnes. Un cauchemar tout ce qu’il y a de plus démocratique pour ces partisans d’une Belgique socialiste une et indivisible où les Flamands financeraient ad vitam æternam les dépenses de leurs onéreux voisins.
Une situation qui ne devrait toutefois pas s’éterniser tant le gap s’est encore creusé entre électorats flamand et wallon le 26 mai. Les premiers plébiscitant donc largement une politique séparatiste flamande, hostile à l’immigration et très axé sur l’identité. Quoique le programme du Vlaams Belang ait intégré une dimension socio-économique moins libérale que par le passé avant ces élections. Quant aux Wallons, la tendance de gauche de la population a été renforcée avec ce dernier vote, comme en témoigne la percée du PTB (Parti des travailleurs de Blegique), une formation marquée à l’extrême gauche. Une Wallonie où la thématique identitaire est beaucoup plus secondaire et où l’influence de « l’universalisme à la française » est très présente.
Dans ces conditions, la Belgique voit cohabiter sous son toit deux peuples qui n’ont pas grand chose en commun. Et pour lesquels un divorce à l’amiable serait peut-être la meilleure solution. Sous peine qu’il ne se fasse de manière plus brutale.
Crédit photos : Facebook Vlaams Belang
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